Tutorat : six conditions pour une transmission optimale des compétences
Par Aurélie Gerlach - Le 16 février 2013.
“L'alternance est bel et bien le prototype de la voie d'excellence dans la transmission des savoirs." C'est l'avis que Bernard Masingue (directeur de projet à Entreprise et personnel) a exprimé lors d'un atelier organisé le 31 janvier à Paris par le cabinet Sémaphores, sous l'intitulé “La transmission des compétences dans le cadre du contrat de génération".
Un “contrat de génération" au Vendée Globe
L'auteur du rapport “Seniors tuteurs : comment faire mieux ?" (publié en 2009) a introduit son propos par un parallèle sportif : “Le 27 janvier dernier, François Gabart a remporté le Vendée Globe. C'est intéressant par rapport à notre problématique. En effet, voici quatre ans, ce dernier a négocié avec le vainqueur précédent, Michel Desjoyeaux, pour qu'il lui transmette son expérience. Ils ont, en quelque sorte, signé un contrat de génération !" Au-delà de la boutade, Bernard Masingue a noté qu'une caractéristique primordiale du dispositif était bel et bien présente dans cet exemple : la logique de cooptation entre la personne expérimentée et celle qui souhaite bénéficier de cette expérience.
Et d'insister sur la nécessité d'une réciprocité, par laquelle “le tutoré choisit son tuteur". Une logique qui pourrait gripper celle du contrat de génération si, comme a assuré Bernard Masingue, “dans les entreprises, les jeunes préfèrent souvent être tutorés par des salariés dont l'âge ne s'éloigne pas trop du leur, soit plutôt des médians (35-45 ans) que des seniors..." Car l'automatisme de la coopération ne va pas de soi, et l'idée qui présidait à l'élaboration du projet de loi, à savoir que “le senior qui reste sera le tuteur du jeune qui entre", est déjà abandonnée. “Ce n'est pas parce que je suis un senior que j'ai forcément envie d'être tuteur, et que je vais être choisi pour l'être", a résumé Bernard Masingue.
“La prise de recul n'est pas automatique"
À partir d'observations des relations entre tuteurs et alternants, le directeur de projets a listé six conditions essentielles, de son point de vue, à une transmission optimale des compétences.
En premier lieu, “il est essentiel que les jeunes aient, en plus du savoir acquis dans le cadre professionnel, un socle de connaissances académiques. C'est une dimension très bien intégrée dans les dispositifs d'alternance". Faute de quoi, ils recourront à “l'autodidaxie, ce qui n'est pas mal en soi mais permet plus difficilement d'assurer une employabilité dans une entreprise autre".
Deuxième condition, exprimée comme un conseil : prendre le temps. “Le travail en soi n'est pas formateur, c'est plutôt la prise de recul par rapport au travail qui l'est", a estimé Bernard Masingue. Une dimension consommatrice de temps et non immédiatement productive, il faut l'assumer.
Le temps des tuteurs eux-mêmes est le troisième point : “La prise de recul sur le travail n'est pas automatique. Elle doit être accompagnée pour se transformer en apprentissage. C'est là le rôle du tuteur. Celui-ci doit prendre de son temps pour mener cette mission à bien."
En 4 figure l'accompagnement. Pour Bernard Masingue, l'assimilation des apprentissages ne passe pas uniquement par la transmission des connaissances du tuteur au tutoré, mais également par l'accompagnement de l'activité, permettant à celui-ci de construire ses propres méthodes en se basant sur le socle transmis par le tuteur. “C'est une dimension qui ne va pas toujours de soi, car souvent, les tuteurs sont plus doués pour transmettre que pour accompagner", a-t-il prévenu.
La cinquième condition concerne l'équipe : “Est-ce au sein de la fonction de tuteur que les relations entre les générations passent le mieux ?", a interrogé le directeur de projets, pour qui ces dernières prennent leur dimension à travers l'appartenance à une même communauté de travail. Et c'est pourquoi “la dimension intergénérationnelle doit s'auditer au sein des équipes de travail".
Enfin, la sixième condition est celle de la formalisation. Bernard Masingue a mis en avant la nécessité de mesurer les apprentissages à l'aune de l'employabilité qui en est retirée. Et donc, de formaliser les compétences dans le cadre de diplômes ou de certificats...