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N°1 - Septembre-octobre 2017

OPCA et entreprises explorent les potentiels du neurolearning

Par - Le 28 juin 2017.

D'aucuns diraient que le neurolearning n'est finalement rien d'autre que la mise à disposition de “temps de cerveau disponible" au service de la formation. Certains, comme l'Américain Jack Makhlouf, dirigeant et responsable pédagogique au sein du cabinet eLearning Mind, à San Diego (Californie), l'assume : “Avec 86 millions de neurones en train de tourner à 500 km/h, le cerveau est une véritable machine à accumuler de l'information."

Pourquoi, dans ce cas, autant de programmes pédagogiques persistent à ignorer ses capacités ? Chacun se souvient de chansons, de publicités ou de films, mais combien sont capables de se remémorer l'ensemble du contenu d'une formation suivie une semaine avant ? “Vous ne le réalisez pas forcément, poursuit Jack Makhlouf[ 1 ]Dans une tribune publiée sur l'édition États-Unis du Huffington Post. , mais l'avenir du neurolearning se joue ici !"

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Selon les calculs du consultant californien, près de 90 % des éléments appris lors d'une séance de formation sont oubliés au bout d'une semaine. Un mauvais rapport qualité-prix pour les entreprises qui, aux États-Unis, dépensent quelque 160 milliards de dollars chaque année pour développer les compétences de leurs salariés.

Des “groupes d'exploration"

Capter l'attention de l'apprenant, le surprendre, le faire rire au besoin, le mettre dans de bonnes conditions mentales d'apprentissage… bref, motiver ses neurones, c'est tout l'enjeu du neurolearning. Des deux côtés de l'Atlantique, on observe avec attention les évolutions des neurosciences avec l'ambition non dissimulée d'optimiser au mieux les investissements formation.

“Arrêtons de penser qu'on apprend mieux enfermés trois jours à temps plein dans une salle de formation que quinze minutes par jour sur des parcours plus longs!", explique Catherine Guyonnet, directrice de l'innovation au sein d'Opcalim, l'Opca des industries alimentaires. L'organisme affirme s'être penché très tôt sur le sujet. “La réforme de 2014 nous a fait entrer dans un nouveau paradigme. Nous avons compris qu'il fallait penser la formation autrement et nous avons monté plusieurs groupes d'exploration pour observer les nouveautés en matière de pédagogie : Mooc, pédagogie inversée, nouveaux médias, réalité augmentée, apprentissage par les pairs…"

Aujourd'hui, Catherine Guyonnet en est persuadée : les neurosciences constituent une tendance lourde de la pédagogie de l'avenir. Il revient aux financeurs que sont les Opca d'imaginer quels parcours de formation peuvent en être tirés.

Opcalim n'est pas le seul organisme à y travailler. Vivea, le fonds d'assurance-formation des chefs d'entreprises agricoles, s'est aussi emparé du sujet et participe aux groupes de réflexion organisés par l'Opca de l'alimentaire.

Côté entreprises, ce sont des PME à l'activité pourtant traditionnelle qui ont le vent en poupe, comme le transporteur frigorifique Stef, le charcutier industriel Stoeffler ou le brasseur Heineken.

Objectif : surprendre l'apprenant

Il serait prématuré d'imaginer que, dès demain, les formateurs se convertiront massivement au neurolearning. L'heure est au tâtonnement. “Ce qu'apportent les neurosciences, c'est la certitude que la formation va changer. Mais comment et quand, nous n'en savons rien !", confesse Stéphane Diebold, président de l'Association française pour la formation en entreprise et les usages du numérique (Affen). “Le vrai défi, ajoute-t-il, sera d'apprendre à socialiser les résultats des études neuroscientifiques. À les transformer en contenus de formation."
Côté anglo-saxon, les innovations en pédagogie ne suscitent pas de levées de boucliers culturelles, mais la France conserve des modèles plus formalisés. “Les partenaires sociaux, dans les entreprises, sont encore très attentifs au contenu des programmes de formation et à l'observation préalable des programmes, observe le président de l'Affen. Cela n'entre pas vraiment en phase avec l'application du neurolearning, dont l'objectif principal est de surprendre l'apprenant pour mieux lui enseigner." Besoin d'une transformation culturelle avant d'entamer la transformation pédagogique ?

Les acteurs, pour l'instant, ne veulent pas non plus céder à la précipitation. “Il ne faut pas céder à l'effet de mode pour les neurosciences. Mais procéder lentement, avec des allers-retours entre théorie et pratique et en s'associant à des praticiens et des chercheurs", indique Catherine Guyonnet. Stéphane Diebold, lui, conseille de “se méfier de tout le marketing qui existe autour des neurosciences". Une prudence nécessaire pour que le neurolearning ne devienne pas un miroir aux alouettes de la formation professionnelle.

Notes   [ + ]

1. Dans une tribune publiée sur l'édition États-Unis du Huffington Post.