Charlotte Kerbrat, fondatrice Charlotte K

Charlotte K, une équipe d'infirmières pour accompagner l'évolution et la reconversion des infirmières

Sur fond de pénurie de personnel et de mal-être de la profession, une ex infirmière a créé un organisme d'accompagnement spécialisé pour accompagner l'évolution ou la reconversion des professionnels du secteur infirmier.  

Par - Le 20 janvier 2022.

On peut être surpris à la découverte de Charlotte K, un organisme d'accompagnement 100% à distance entièrement dédié à l'évolution et à la reconversion des infirmiers/ères. En pleine période pénurie de personnel, ne devrait-on plutôt voir fleurir les chasseurs de tête, prompts à dénicher l'oiseau rare ? Ce serait oublier que si l'alerte est bien antérieure au déclenchement de la crise sanitaire, la pandémie a éclairé d'un jour nouveau les conséquences de la dégradation des conditions de travail des infirmier/ères[ 1 ]La profession est exercée à 86 % par des femmes.. Avec l'humain et le soin au cœur du métier, la profession a beau être chargée de sens, elle n'en est pas moins jugée difficile à exercer par la majorité des professionnels en poste. Au point de provoquer de nombreux souhaits, sinon de reconversion, au moins d'évolution pour échapper aux fortes contraintes du secteur, voire sortir d'une véritable souffrance au travail.

 

C'est en s'appuyant sur sa propre expérience d'infirmière reconvertie et de nombreux témoignages de collègues que Charlotte Kerbrat a créé Charlotte K en 2019. Car si la profession peut bien sûr frapper à la porte des organismes généralistes, la fondatrice estime que la valeur ajoutée de son accompagnement tient dans sa connaissance fine du métier et des compétences transférables, de ses conditions d'exercice et de ces difficultés. Non issue du secteur de la formation et de l'accompagnement, Charlotte Kerbrat appartient à cette génération d'entrepreneurs décomplexée qui n'hésite pas à revisiter les dispositifs. Si la prestation centrale de Charlotte K est bien un bilan de compétences, que l'on retrouve facilement sur Moncompteformation.gouv.fr, le site commercial ne se réfère jamais à cette dénomination et préfère mettre en avant son parcours De ma vie d'IDE à ma vie IDEale.

Sa spécificité ? une prestation 100% à distance qui combine sessions individuelles et collectives, déployée par une équipe de 11 infirmières diplômées toutes formées à l'accompagnement et renforcée par une communauté Facebook de plus de 19 000 membres. Pour Charlotte K, le choix du 100 % distance est justifié par la souplesse de la modalité : c'est à la fois la possibilité de travailler n'importe où (elle-même réside en Bretagne), de diversifier les recrutements (l'équipe est répartie dans toute la France), de ne pas restreindre sa cible à un bassin géographique et de pouvoir mieux s'adapter aux contraintes de la clientèle.

En près de 30 mois d'existence, Charlotte K revendique quelques 350 accompagnements, qui n'ont pas tous débouché sur une reconversion synonyme d'abandon de la profession. Charlotte Kerbrat est la première à s'en féliciter et souligne que l'objectif n'est certainement pas de fragiliser davantage le secteur. D'où sa satisfaction d'avoir environ un tiers de sa clientèle qui trouve une solution par une simple évolution de carrière (changement de structure, changement de spécialité, …). Évoquant un rendez-vous à venir avec le président de l'ordre national des infirmiers pour la Bretagne, elle se dit toujours prête à échanger avec les acteurs du secteur pour discuter de ce qui manque aux professionnels en poste en termes d'information, de guidage et d'accompagnement.

PÉNURIE DANS LE SECTEUR INFIRMIER : UN DOSSIER COMPLEXE
Alors que le Conseil économique, social et environnemental a adopté un avis des plus classiques sur les métiers en tension mercredi 12 janvier, le cas du secteur infirmier est révélateur de la complexité du dossier. La question de l'attractivité d'un métier convoque des facteurs multiples, parmi lesquels la rémunération mais aussi et tout autant les conditions de travail et d'exercice de la profession. Quand le décalage entre le référentiel de valeurs d'un métier, « au cœur de la relation avec le patient », et les réalités de terrain amène les professionnels à développer un sentiment de maltraitance envers eux-mêmes et leurs patients, l'emploi du secteur concerné s'en ressent, non sans l'apparence d'un paradoxe.
D'un côté, un contexte de sous-effectif chronique aggravé par la crise Covid-19 avec, en 2021, « un taux d'absentéisme de l'ordre de 10 % » et de « 2 à 5 % de postes vacants de soignants » au sein des hôpitaux et des établissements médico-sociaux publics selon la Fédération hospitalière de France (FHF).  Conséquence ? 20 % de lits fermés par manque de personnel selon le Conseil scientifique, 5 % selon le Gouvernement. De l'autre, selon les derniers chiffres disponibles en date de novembre 2021, Pôle emploi recense 19 910 infirmiers inscrits tous secteurs confondus, dont 16 100 infirmiers généraux (voir).
Ce ne sont pourtant pas les offres d'emploi qui manquent. Au 7 janvier 2021, la FHF affichait plus de 2 300 offres, Emploisoignant.com plus de 4 200, Staffsante.fr plus de 9 800, Infirmiers.com près de 11 000 et Pôle emploi près de 17 000. Ceci, alors même que la seule Assistance publique-Hôpitaux de Paris affichait fin 2021 un déficit de plus de  1 000 infirmières généralistes selon un article du quotidien Les Echos. Comment enrayer le phénomène ? À défaut de proposer des solutions, une étude de la Drees[ 2 ]Direction de la Recherche, des Études, de l'Évaluation et des Statistiques. de novembre 2021 sur les contraintes liées aux conditions de travail en milieu hospitalier permet d'envisager les axes d'amélioration à travailler : https://drees.solidarites-sante.gouv.fr/publications/etudes-et-resultats/lexposition-de-nombreuses-contraintes-liees-aux-conditions-de. Il en ressort un chantier d'envergure pour les sociologues de l'organisation du travail.

Un autre tiers développe une activité parallèle, souvent en lien avec le bien-être (naturopathie, sophrologie, …) tout en gardant une activité d'infirmière, et un dernier tiers quitte complètement le métier. Dans ce cas, beaucoup se tournent vers l'entrepreneuriat, sans doute parce que le métier est très majoritairement exercé par des femmes qui ont des contraintes fortes de conciliation de vie professionnelle et de vie personnelle. Là encore, Charlotte K est présent avec un programme spécifique d'accompagnement à la création d'activité baptisé De ma vie d'IDE à ma vie d'InDEpendante.

Que ce soit sur sa communauté Facebook ou sur son site, Charlotte K propose de très nombreuses ressources en libre accès pour entamer sa réflexion et donner les premières réponses aux interrogations les plus courantes. Exemple avec cet article dédié aux possibilités de reconversion après le métier d'infirmière.

BRIÈVETÉ DES CARRIÈRES INFIRMIÈRE : OUI, MAIS…
Souvent cité pour évoquer le malaise de la profession, l'indicateur de durée de carrière montre une relative brièveté au regard de la sélectivité de la filière et des trois ans de formation initiale selon une enquête Défi Métiers[ 3 ]Carrière des aides-soignants et des infirmiers : durée d'exercice en Ile-de-France, Défi métiers, Le Floch Mathieu, Pardini Béatrice, 57 p., décembre 2020. : entre 10,5 ans et 14,5 ans tous secteurs confondus en Ile-de-France, 6 de plus dans les autres régions. Selon cette même étude, le phénomène des reconversions serait toutefois à relativiser, avec des professionnels du soin qui changent moins de métiers que d'autres, si l'on s'en tient aux données exploitées qui remontent à l'avant crise sanitaire : en Ile-de-France, 8 % des infirmières ont changé de métier entre 2012 et 2015 contre un tiers des salariés. Reste que le malaise est réel et que, le ministre de la Santé Olivier Véran l'a rappelé dans une interview accordée au quotidien Libération publiée le 27 octobre 2021, « chez les étudiants infirmiers en formation entre 2018 et 2021, un peu plus d'un millier [d'élèves infirmiers] a démissionné avant la fin de leurs études. »
Selon Staff Santé, on dénombrait au 1er janvier 2021 764 260 infirmiers en France dont 64 % de salariés hospitaliers, 18 % de libéraux et mixtes, et 18 % d'autres. Avec 86 % de femmes, les infirmiers sont majoritairement des infirmières.

Notes   [ + ]

1. La profession est exercée à 86 % par des femmes.
2. Direction de la Recherche, des Études, de l'Évaluation et des Statistiques.
3. Carrière des aides-soignants et des infirmiers : durée d'exercice en Ile-de-France, Défi métiers, Le Floch Mathieu, Pardini Béatrice, 57 p., décembre 2020.