Le 6 juillet 2022, lors d’une table ronde à la technopole Eurekatech du Grand Angoulême.

Formation immersive : un outil mesuré plutôt qu'un gadget à la mode

Des spécialistes de la formation immersive réunis récemment à Angoulême appellent à rationaliser l'utilisation de cet outil prometteur et à mieux en mesurer l'efficience au cas par cas.

Par - Le 12 juillet 2022.

La formation immersive, censée plonger les apprenants dans une pratique professionnelle virtuelle la plus réaliste possible, est-elle toujours un plus ? Pas pour les acteurs de la filière réunis le 6 juillet lors d'une table ronde à la technopole Eurekatech du Grand Angoulême. Concepteurs, formateurs, entrepreneurs, et observateurs avertis sont unanimes : « Si le principe en lui-même peut offrir une vraie plus-value en termes d'efficacité pédagogique et de productivité, ajouter de la techno pour de la techno s'avère contre-productif », résume Florian Larrue, responsable de l'unité systèmes centrés sur l'humain chez Catie Robotics, à Talence, près de Bordeaux. Pour éviter l'écueil du « gadget à la mode, gardons toujours à l'esprit le rapport entre l'investissement [plusieurs dizaines de milliers d'euros] et l'apport réel pour l'apprenant. »

Mesurer l'efficience des solutions

L'un des enjeux principaux est donc d'évaluer l'efficience de la solution déployée : pourquoi l'immersion plutôt qu'autre chose ? Et surtout, pour quel impact durable ? Peu de travaux répondent à ces questions. « Ce qui est très positif dans certains domaines ne sert strictement à rien dans d'autres, on a aussi des zones d'entre-deux, dit Axel Buendia, directeur de l'École nationale du jeu et des médias interactifs numériques (Enjmin) d'Angoulême. Il nous faut mener des études à grande échelle, autour de thématiques beaucoup plus transversales, pour faire le tri. »

Impact sur la charge mentale

Nicolas Louveton, maître de conférences au Centre de recherche sur la cognition et l'apprentissage de l'Université de Poitiers, entend ainsi apprécier « l'impact d'une formation immersive sur la charge mentale. Trop de détails rendent l'ensemble indigeste et inutile. Nous élaborons un scénario virtuel permettant d'évaluer cette charge. On veut comprendre ce qui se passe, optimiser à la fois l'apprentissage et le produit sur le long terme. »

Suivi du parcours de l'apprenant

Seule paraît valable une formation immersive sur mesure, avec des algorithmes capables de suivre le parcours de l'apprenant. « C'est notre obsession, sourit Anne-Sophie Gimenez, cofondatrice de la Learning Agency de l'opérateur Orange, à présent dirigeante de WiDid, une startup spécialisée de Toulouse. Elle offre une forte opportunité pour analyser en temps réel l'attitude, les tics de langage, la posture…, afin d'aider à prendre conscience des acquis mais aussi du reste à faire. » Sur ce terrain, des progrès techniques demeurent toutefois attendus. « Quand on observe un avatar, on a parfois grand-peine à comprendre une gestuelle mal retranscrite, ça génère automatiquement un biais », prévient Charles-Alexandre Delestage, chercheur à l'université de Poitiers, à l'origine de premières observations comportementales sur des apprenants en situation de formation immersive.