Gilles Babinet, entrepreneur, membre du Comité de l’intelligence artificielle.

« Le monde de la formation doit apprendre à se servir de l'IA » (Gilles Babinet)

Alors qu'il vient de rejoindre le tout nouveau Comité de l'intelligence artificielle, l'entrepreneur Gilles Babinet nous livre sa vision des apports de l'intelligence artificielle en formation.

Par - Le 16 octobre 2023.

Éclairer le gouvernement en matière de stratégie nationale pour l'intelligence artificielle par des propositions à remettre d'ici l'été, c'est le rôle du tout nouveau comité d'experts installé par Élisabeth Borne à la mi-septembre. Chargé du volet Transformation de l'État, le co-président du Conseil national du numérique Gilles Babinet y apporte son expérience de serial entrepreneur et de digital champion pour la France à la Commission européenne [ 1 ]Les Digital Champions (« Défenseurs du numérique » en français) sont nommés par chaque État membre de l'Union européenne pour aider les États, ainsi que la Commission européenne, à promouvoir les avantages d'une société numérique ouverte à tous. (source : Wikipedia).. Parce qu'il enseigne également dans plusieurs grandes écoles [ 2 ]Professeur associé à Sciences Po de septembre 2018 à juin 2023, Gilles Babinet enseigne aujourd'hui à l'Institut national du service public (INSP) où il délivre le cours Numérique et politiques publique et à HEC où il intervient sur le thème Machine learning et environnement., nous lui avons demandé quel regard il portait sur le couple formation et intelligence artificielle.

Avenir de l'apprentissage humain

Le monde de la formation doit-il s'intéresser à l'IA ? Sans surprise, l'expert numérique juge « malvenue » l'interdiction du recours à ChatGPT formulée par Sciences Po en février 2023. Une maladresse selon lui provoquée par l'état de « sidération » qui a saisi le monde de l'éducation et de la formation au lendemain de l'ouverture des IA génératives au grand public. Non pas qu'il plaide pour une utilisation sans vergogne de l'outil mais plutôt qu'il estime plus important d' « apprendre à s'en servir » que de formuler des interdictions qui auront par ailleurs peu de chances d'être suivies d'effets.

S'appuyant sur le neuropsychologue Stanislas Dehaene, Gilles Babinet ne croit guère au scénario d'une généralisation du recours à l'IA qui viendrait supprimer la nécessité d'apprendre : si l'invention de l'imprimerie aurait pu mettre fin aux apprentissages par cœur, il n'en a rien été car il y a toujours un « bénéfice cognitif » à apprendre, en ce sens que « mémoriser augmente votre capacité à gérer de la complexité », explique-t-il.

Apprentissage adaptatif

L'apprentissage et la gestion de la complexité, c'est aussi pour Gilles Babinet un champ d'exploration des IA génératives. Évoquant les travaux de Sam Altman sur les dispositifs de suivi oculaire, le co-président du Conseil national du numérique se montre ainsi curieux du potentiel de l'IA pour la personnalisation et l'individualisation des apprentissages à partir de l'observation du comportement de l'apprenant. « Je ne sais pas dire quand mais en théorie, nous allons avoir des outils extrêmement puissants en matière d'ingénierie pédagogique », avance-t-il.

Former à l'IA

Du point de vue de la stratégie nationale, reste, selon l'un des trois axes de travail évoqués par Elisabeth Borne lors de l'installation du comité de l'intelligence artificielle, à « renforcer nos formations pour développer davantage de talents en France. » À cet égard, Gilles Babinet juge les besoins multiples. « Il faut à la fois des techniciens de l'IA, capables de générer des prompts ou d'animer des réunions de présentation des différents applicatifs, et des experts métier, du data scientist à l'UX Designer », estime-t-il. Et de préciser, « en termes de capital humain, la France se situe à la douzième place de l'indice 2022 relatif à l'économie et à la société numériques (Desi). »

LE COMITÉ DE L'INTELLIGENCE ARTIFICIELLE

Co-présidents :

  • Philippe Aghion, économiste spécialiste de l'innovation ;
  • Anne Bouverot, présidente du conseil d'administration de l'ENS (Ecole normale supérieure) ;

Membres :

  • Gilles Babinet, président du Conseil national du numérique
  • Joëlle Barral, directrice scientifique chez Google
  • Alexandra Bensamoun, personnalité qualifiée au Conseil supérieur de la propriété littéraire et artistique (CSPLA)
  • Nozha Boujemaa, membre du groupement d'experts de haut niveau sur l'IA auprès de la commission européenne
  • Bernard Charlès, directeur général de Dassault Systèmes
  • Luc Julia, expert en intelligence artificielle générative
  • Yann Le Cun, vice-président et responsable scientifique IA chez Meta, expert de l'IA générative
  • Arthur Mensch, fondateur de MistralCédric O, consultant, ancien secrétaire d'État au Numérique de mars 2019 à juillet 2020
  • Isabelle Ryl, directrice du Paris Artificial Intelligence Research Institute (PRAIRIE, INRIA)
  • Franca Salis-Madinier, secrétaire nationale de la CFDT Cadres en charge de l'Europe, du numérique, de l‘intelligence artificielle et de la protection des lanceurs d'alerte
  • Martin Tisné, cofondateur de l'OGP
  • Gaël Varoquaux, chercheur en informatique

Vous souhaitez contribuer aux réflexions du Comité de l'intelligence artificielle ?
Courriel: comite.ia [at] finances.gouv.fr (remplacez les indications entre crochet)

Notes   [ + ]

1. Les Digital Champions (« Défenseurs du numérique » en français) sont nommés par chaque État membre de l'Union européenne pour aider les États, ainsi que la Commission européenne, à promouvoir les avantages d'une société numérique ouverte à tous. (source : Wikipedia).
2. Professeur associé à Sciences Po de septembre 2018 à juin 2023, Gilles Babinet enseigne aujourd'hui à l'Institut national du service public (INSP) où il délivre le cours Numérique et politiques publique et à HEC où il intervient sur le thème Machine learning et environnement.