L'offre de formation à l'IA générative reste à inventer

La spectaculaire courbe d'adoption de l'IA générative met les entreprises sous pression. Les programmes de sensibilisation à cette technologie se multiplient. Reste à trouver des modalités de formation innovantes pour intégrer ces outils dans les pratiques professionnelles des différents métiers.

Par - Le 31 octobre 2023.

Avec le lancement de la version gratuite de ChatGPT par l'entreprise californienne OpenAI fin 2022, l'IA générative s'impose dans les entreprises. Prises de court, ces dernières accélèrent la mise en place d'une stratégie. « Il y a un véritable risque pour les entreprises de se laisser déborder par des utilisations mal encadrées », note Jean Giboudeaux, associé senior au sein du cabinet Topics Conseil. La course de vitesse imposée par les technologies de pointe ne cesse de mettre sous pression les décideurs. Au-delà de l'emballement médiatique et du buzz qui accompagnent ces innovations de rupture, que faut-il penser de cette nouvelle génération d'IA ? Pour certains, il ne s'agit que d'une étape supplémentaire de la transformation digitale et de la poursuite de l'automatisation. Pour d'autres, elle annonce une véritable révolution des compétences. « Nous avons devant nous un tsunami. Nous allons devoir apprendre à travailler avec la machine », pointe Ghislain de Pierrefeu directeur associé au sein du cabinet conseil Wavestone.

Une réflexion sur les cas d'usage de l'IA générative

Dans ce contexte incertain et mouvant, les entreprises avancent pas à pas. Dans un premier temps, elles explorent les applications potentielles de ces outils technologiques. Certaines d'entre elles permettront de créer de nouveaux services et donc de la valeur. D'autres, plus immédiates, ravivent le débat initié par la première vague de la révolution digitale sur la théorie schumpétérienne de la destruction créatrice d'emploi. L'assistance de l'IA générative, capable de réaliser des tâches de plus en plus variées, génère d'importants gains de productivité, fragilisant  les compétences à moindre valeur ajoutée. La première vague de licenciement de 200 personnes remplacées par l'IA annoncé par la société de veille médiatique Onclusive en septembre dernier nourrit les inquiétudes. « Mais attention, les modèles d'IA génératrice ne sont pas magiques. Ils dépendent des données et des sources utilisées. La question de la confiance dans les résultats est centrale », tempère Ghislain de Pierrefeu.

Les actions de sensibilisation en plein essor

Le consultant insiste sur la nécessité de former les collaborateurs aux enjeux des data, un sujet jusqu'ici réservé aux fonctions informatiques et digitales. Le développement de l'IA générative provoque une prise de conscience des entreprises et suscite une demande sur cette offre encore peu présente dans les catalogues. En revanche, les organismes de formation proposent des programmes de sensibilisation pour répondre au besoin de maîtrise des risques liés à des usages aujourd'hui mal contrôlés. Des modules courts animés par des experts permettent ainsi de familiariser les collaborateurs aux différents outils d'IA générative disponibles sur le marché, à l'art de rédiger un prompt (les requêtes faites à l'IA), ou encore aux enjeux de sécurité. Dans cette première phase d'acculturation à une technologie dont le potentiel de transformation des modèles économiques et managériaux reste à évaluer, Jean Giboudeaux pointe l'importance de former les équipes dirigeantes. Mais très vite, une fois cette étape franchie, se posera la question du développement des compétences nécessaires à l'intégration et l'optimisation de l'IA générative dans les pratiques professionnelles des différents métiers.

Une page blanche pour l'offre de formation

Aux avants postes du déploiement de ses outils, les fonctions tech bénéficient déjà d'importants investissements en formation (voir encadré). Les plus grandes entreprises mettent en place des universités internes, parfois en lien étroit avec des écoles comme Télécom Paris, pour monter en compétences leurs équipes. Accentuant une tendance de fond dans les méthodes d'apprentissage, l'intégration de l'IA générative dont les modèles en open source sont retravaillés en interne repose sur des expérimentations en prise directe avec des applications concrètes. Pour les organismes de formation, l'individualisation de leurs parcours devra donc aller encore plus loin. « Les formations devront s'inscrire dans la réalité des différents métiers et le travail quotidien des personnes. Une approche proche du coaching », note Ghislain de Pierrefeu. Autre défi à venir, identifier les compétences nécessaires pour apprendre à travailler avec la machine. « L'esprit critique, la capacité de prendre du recul et de rester vigilant sur les productions des IA », avance Jean Giboudeaux. Un champ d'exploration de ce qui fait notre valeur ajoutée en tant qu'humain s'ouvre donc.

 

La formation des fonctions tech en première ligne

Les services informatiques et technologiques des entreprises sont aujourd'hui les plus impactés par l'intégration des outils d'IA générative. « Le développeur en particulier voit son métier fortement évoluer. En sous-traitant les tâches à basse valeur ajoutée, il pourra se consacrer davantage à l'optimisation ou à l'architecture informatique », explique Yoel Tordjman, fondateur et dirigeant de DataScientest. L'organisme de formation spécialisé dans les métiers de la datascience organise des webinaires et met à jour ses offres de formation en s'appuyant sur une méthode itérative. « Nous testons nos nouveaux parcours pédagogiques auprès de nos clients historiques afin de nous assurer qu'ils sont en phase avec les besoins ». DataScientest insiste sur les risques de sécurité et les enjeux d'éthique d'une utilisation des outils d'IA générative mal maîtrisée par les entreprises. Les efforts de formations doivent donc adresser toute la chaîne de valeur de la gestion des données.