Anca Boboc, sociologue du travail et des organisations dans le département des sciences sociales d’Orange Innovation.

Réalité virtuelle et apprentissage, l'enjeu du lien social (Anca Boboc)

Sociologue du travail et des organisations chez Orange innovation, Anca Boboc interviendra sur l'usage de la réalité virtuelle dans l'apprentissage, lors de la journée « Rencontre de l'innovation – construire ensemble les futurs des apprentissages » organisée par Centre Inffo le 3 octobre au Cnam, à Paris.

Par - Le 21 septembre 2023.

Au cliché érigeant la réalité virtuelle (RV ou VR) en solution miracle du futur de la formation, la chercheure en sociologie Anca Boboc oppose un contre-argument : « ce n'est pas vraiment la technique qui est déterminante mais la manière de s'organiser autour d'elle, de construire et reconstruire du lien social autour. » En clair, il ne suffit pas de mettre un casque entre les mains de l'apprenant, et de le lâcher dans un environnement virtuel, pour espérer le voir monter en compétences. Encore faut-il étudier la démarche, tant au niveau des facteurs individuels, collectifs qu'organisationnels.

Prise en compte du parcours personnel

Déployer une capsule RV dans une session de formation nécessite de prendre en compte le parcours personnel de l'individu et sa motivation. « La notion de capabilité entre aussi en jeu : être capable d'utiliser le matériel (ex : casque, gants à retour de force, etc.) ne signifie pas que je sois en mesure d'apprendre avec », nuance Anca Boboc.

Tout aussi important, les organisations (employeurs, prestataires de formation, etc.) doivent « développer une volonté d'utiliser la VR, de l'inscrire dans un parcours pédagogique, dans une politique de formation, former les managers et débloquer le budget nécessaire. L'utilisation de la réalité virtuelle doit être pensée dans un ensemble, elle n'est pas forcément moins chronophage qu'une session en présentiel », met-elle en garde.

Formateur impliqué dès la construction d'une session

Le rôle central du formateur évolue de pair avec le développement technologique. Outre les évidentes nouvelles compétences qu'il doit acquérir (savoir utiliser le matériel, résoudre les futurs problèmes, guider l'apprenant), Anca Boboc souligne l'importance de l'associer dès la conception de la capsule RV. « Cela permet de s'assurer que le scénario est adapté au contexte de sa session de formation, aux besoins du métier, au profil des apprenants etc. » Un degré de personnalisation dont dépendra, entre autres, le succès de l'utilisation de la RV dans une session.

Tout au long de son étude, présentée le 3 octobre (« La formation professionnelle à l'épreuve de la réalité virtuelle »), Anca Boboc insiste sur la capacité du formateur à générer du lien social entre apprenants (et avec lui), qu'il s'agisse d'échanges en distanciel ou en présentiel. « On apprend toujours seul mais jamais sans les autres », s'amuse-t-elle en citant Philippe Carré. « On a besoin d'échanger autour de ce que l'on voit dans la capsule, de ce qui est dispensé en formation ». Par ailleurs, « les retours d'utilisateurs sont très importants pour personnaliser une capsule RV, et la rendre plus adaptée à la situation. »

Importance d'imbriquer réel et virtuel

La question est tentante : un parcours de formation peut-il se dérouler à 100% dans la réalité virtuelle ? Anca Boboc réplique : « il est important de combiner une classe virtuelle avec du présentiel à des moments jugés cruciaux par le formateur. Une capsule VR permet de découvrir un environnement, une machine difficile d'accès, une petite familiarisation… Mais ça ne remplacera pas une situation réelle. D'où l'importance d'user de différentes modalités. »

Programme et inscription à la rencontre de l'innovation.