Jean-Marie Luttringer, expert en droit de la formation professionnelle.

La capacité d'agir de l'apprenant, « terra incognita » (JM Luttringer)

Pour le consultant Jean-Marie Luttringer, la mise en place d'un reste à charge pour le CPF (compte personnel de formation) devrait être l'occasion de réfléchir à une meilleure prise en compte de la capacité d'agir de l'apprenant adulte sur la qualité de la relation pédagogique.

Par - Le 29 avril 2024.

« La capacité d'agir de l'apprenant adulte, sujet de droit, sur la qualité de la relation pédagogique qui le concerne au premier chef, n'est reconnue que du bout des lèvres, aussi bien par les prescripteurs de formation que par les financeurs », regrette Jean-Marie Luttringer, expert en droit de la formation professionnelle, dans une chronique. En effet, le statut de l'apprenant adulte est encore fortement imprégné par « la référence au statut d'élève incapable juridique, placé sous la tutelle de l'institution éducative, ainsi qu'à celle de salarié placé, sous la subordination juridique de l'employeur ».

Pour l'expert, « la capacité d'agir de l'apprenant adulte objet de droit demeure une « terra incognita ». Or, la décision du gouvernement de soumettre à un reste à charge le CPF devrait « renforcer l'intérêt de cette réflexion sur la capacité d'agir de l'apprenant sur la qualité de la relation pédagogique dont il est non seulement le sujet mais également le co-financeur ».

Possibilité de réclamer en justice réparation pour le préjudice

La relation « andragogique » -pédagogie avec des apprenants adultes- repose sur l'autonomie de la volonté de l'apprenant et le contrat possède « une valeur juridique » puisque « l'apprenant peut réclamer en justice réparation pour le préjudice causé par le défaut de qualité pédagogique de la formation objet du contrat, quel que soit par ailleurs le prescripteur de la formation et son financeur ». « L'apprenant adulte », partenaire de sa propre formation, « est le mieux à même de porter un jugement sur les qualités de la relation pédagogique (andragogique) dans laquelle il est engagé en vertu d'un contrat de formation de droit privé ».

Oubli symptomatique

Cette capacité d'agir de l'apprenant repose sur des normes éthiques, déontologiques, techniques ou encore juridiques. La première mouture de la certification Qualiopi « ne prévoyait d'aucune manière d'associer les apprenants eux-mêmes au contrôle qualité de leur propre formation », rappelle Jean-Marie Luttringer. Cet oubli « symptomatique » a été corrigé depuis lors par le critère 7 de Qualiopi relatif au « recueil et la prise en compte des appréciations et des réclamations formulées par les parties prenantes aux prestations délivrées ». En cas de manquement relevé par le certificateur lors de l'audit, le dispensateur de formation « pourra être exclu du marché financé sur fonds publics » sans l'empêcher de poursuivre son activité sur le marché financé par les entreprises ou les citoyens.

Effectivité des normes de gestion

Ces procédures de gestion décrites dans le référentiel de la certification qualité « sont à la disposition de tout apprenant pour intervenir dans le déroulement de la relation pédagogique, s'il considère que les normes déontologiques et juridiques ne sont pas respectées par le prestataire de services ». L'expert s'interroge non sur « la pertinence de ces normes de gestion » mais sur « leur effectivité ». Il remarque que les potentialités de la procédure de médiation « demeurent aujourd'hui inexploitées ».