Jean-Marie Luttringer, expert en droit de la formation professionnelle.

Créer un régime juridique du concept « d'investissement formation »

Dans une période d'austérité budgétaire, Jean-Marie Luttringer plaide une reconnaissance comptable de la formation comme un investissement.

Par - Le 08 septembre 2025.

Dans une nouvelle chronique, l'expert de la formation professionnelle Jean-Marie Luttringer plaide pour un régime juridique du concept « d'investissement formation » en période d'austérité budgétaire. Alors que le gouvernement prévoit en 2025 une économie de l'ordre de 40 milliards d'euros, Jean-Marie Luttringer rappelle que la ministre du travail, dans une lettre de cadrage, « invite les entreprises et les salariés à apporter leur contribution à l'investissement formation » dans une négociation « à budget constant ». Pour l'expert, cette formule « ne saurait s'appliquer ni aux obligations contractuelles à la charge de l'employeur (adaptation de la capacité du salarié à occuper un emploi), ni aux engagements conventionnels conclus en application du droit des salariés à la négociation collective de la formation professionnelle et de leurs garanties sociales ».

Espaces de liberté

Echappent donc à cette lettre de cadrage « les dépenses consenties librement par le chef d'entreprise » et « les ressources en temps ou en argent que le salarié décidera de sa seule initiative d'affecter au co investissement d'un projet de formation défini d'un commun accord avec l'employeur ».  Le concept d'investissement formation a vocation à se déployer dans ces espaces de liberté.  Il cite l'exemple de la clause de dédit-formation -dans laquelle le salarié s'engage à rester dans l'entreprise un temps défini en contrepartie d'une formation financée par son employeur- comme une « modalité pertinente » à la disposition des entreprises « qui souhaitent proposer à leurs salariés des parcours de reconversion professionnelle interne à l'entreprise, avec la garantie juridique d'un « retour sur investissement ».

Jean-Marie Luttringer estime que de nouvelles perspectives ont été ouvertes notamment par « l'adoption en 2019 par l'autorité des normes comptables d'un règlement autorisant sous certaines conditions la valorisation de l'investissement consenti par l'entreprise, au titre de la formation professionnelle en lien avec un actif corporel » et « l'extension d'un accord de branche des travaux publics en date du 12 mai 2023 se référant explicitement à ce règlement et proposant aux entreprises adhérentes des modalités de co-construction dans le cadre du CPF ». Il ajoute, parmi ces nouvelles perspectives, « un décret ayant pour objet de faciliter les abondements des entreprises au CPF » et « le débat ouvert sur la généralisation du compte épargne temps sous la forme d'un compte épargne temps universel (CETU) dont une partie du temps épargné pourrait être « investi » à l'initiative du salarié dans une formation de reconversion professionnelle ».

Reconnaissance de la formation comme un investissement

Or, l'expert remarque que « cette problématique n'est pas au cœur de l'avant-projet d'ANI « en faveur des transitions et reconversions professionnelles » : « Il faut attendre ultime paragraphe du texte pour que « les signataires appellent à une reconnaissance comptable de la formation comme un investissement, et non comme une simple charge, pour mieux valoriser l'effort de montée en compétences dans les comptes des entreprises ».