Ladom – L’Agence de l’outre-mer pour la mobilité

Ladom : en cas de suppression, « un risque de rupture de parcours réel »

Une note confidentielle de Bercy - ayant fuité dans la presse début juin - laisse entrevoir une possible dissolution de l'Agence de l'Outre-mer pour la mobilité (Ladom) au sein de France Travail. Le scénario s'inscrit dans une logique d'économies budgétaires de la part de l'État. Pour le public bénéficiaire, en quête de qualification professionnelle dans le cadre d'une mobilité notamment vers l'Hexagone, le risque n'est pas anodin. L'inquiétude monte également chez les acteurs de terrain.

Par - Le 11 juillet 2025.

Questionnée au sujet de son éventuelle dissolution au sein de France Travail – comme le révèle une note confidentielle de Bercy publiée par le journal L'Humanité, la réponse de l'Agence de l'Outre-mer pour la mobilité se veut lapidaire. Cette dissolution s'inscrit dans un contexte général de restriction du périmètre des opérateurs de l'Etat.

 « A ce stade, nous ne disposons pas d'informations (…) Nous suivons l'actualité, nous savons donc que ce scénario (pour Ladom comme pour d'autres opérateurs de l'État notamment) a été évoqué mais nous n'avons rien à dire à ce sujet à ce stade. »

Le ministère du Budget, l'une des deux tutelles de Ladom avec le ministère des Outre-mer, n'est guère plus bavard. « Tout document de travail n'a aucune valeur d'arbitrage ministre et n'a pas vocation à sortir de l'administration », assène-t-il, esquivant au passage les questions adressées par courriel.

Et pourtant : quelles erreurs Ladom aurait-elle pu commettre dans son modèle stratégique qualifié de « fragile » par la note confidentielle ? Cette dissolution s'accompagnera-t-elle d'une suppression de postes  ? Si le scénario se confirme, l'autorité de tutelle de Ladom changera-t-elle ? Un service spécial verra-t-il le jour au sein de France Travail, suivi de nouveaux recrutements, afin d'éviter aux conseillers (déjà en surchauffe) l'attribution de missions supplémentaires ? Quelles conséquences pour les usagers de Ladom ultra-marins (demandeurs d'emploi, apprentis, etc) ? Les partenariats signés avec divers acteurs – dont l'Afpa dernièrement – deviendraient-ils caduques ?

Pas de réponses.

Eventail de formations plus important

 En Polynésie française, la ministre (entre autres) du Travail et de la Formation professionnelle Vannina Crolas, garde la tête froide. « Si Ladom est absorbée par France Travail, cela ne devrait pas remettre en cause [notre] partenariat mais uniquement changer les interlocuteurs et, peut-être, les modalités. Je n'ai, à priori, pas de craintes. » L'accord, conclut en 2018, permet « d'offrir un éventail de formations plus important aux polynésiens [en recherche d'emploi] », l'offre locale étant insuffisante pour répondre à tous les besoins.

Du côté de l'Union Nationale des Missions Locales (UNML), aucune prise de parole officielle avant que « cette proposition [ne] se concrétise ou, en tout cas, sera plus concrète. » Pourtant, au sein de ses antennes ultra-marines, elles-mêmes partenaires privilégiées de Ladom et actuellement confrontées à une baisse de leurs moyens financiers, les craintes des salariés sont réelles. Ils ont tenu à s'exprimer sous couvert d'anonymat.

« Ça fait la différence dans un parcours de vie »

« Notre public est constitué de jeunes de 16-25 ans en demande d'insertion professionnelle et sociale. Comment allons-nous les envoyer en formation ou en stage, en métropole, si le Passeport pour la Mobilité de la Formation Professionnelle (PMFP), de Ladom, disparaît ? Comment les aider à accéder à l'emploi ? », s'alarme cette salariée réunionnaise. « Le risque de rupture de parcours est réel. Ladom, ça fait la différence dans un parcours de vie, dans un parcours professionnel. » Selon elle, les élus ultra-marins risquent de monter au créneau, comme le craint les auteurs de la note confidentielle.

Son collègue remet en cause la capacité de France Travail à assumer les missions de Ladom, au cas où le projet se vérifierait dans les mois à venir. « Il y a tout un accompagnement humain, financier et personnalisé à mettre en place autour du bénéficiaire (ex : recherche d'un hébergement en métropole). Je ne vois pas comment France Travail pourrait développer cette compétence... Peut-être à l'avenir ? »

Seul point positif à ses yeux, « France Travail est présent sur tout le territoire national, contrairement à Ladom. Peu importe où le jeune se trouve, il aura accès à une antenne. »

Incertitude sur le sort des opérateurs publics

 La possible dissolution de Ladom soulève également l'épineuse question du « retour des compétences au sein des territoires ultra-marins, une fois achevée la formation des bénéficiaires du dispositif Cadres d'Avenir par exemple », relève Lætitia De Jaham, déléguée régionale DOM / Projets à l'association Nos Quartiers ont des Talents (NQT) [ 1 ]Présente en  Martinique, Guadeloupe, Guyane et La Réunion.. « Sans elles, compliqué d'assurer un bon développement économique. Le risque est double : que les compétences ne reviennent pas chez nous ou que des talents ne puissent pas partir se former. »

De son côté, la CGT dénonce le manque de clarté de l'État dans ses futures prises de décisions. « Lors du Conseil supérieur de la fonction publique de l'État (CSFPE) - en mai - le directeur de cabinet du ministre de la Transformation et de la Fonction publique a informé les syndicats d'une démarche de rationalisation des opérateurs publics (fusion, mise en réseau, recentrage des missions). Problème : aucun nom n'a été précisé ! », retrace Christophe Delecourt, Secrétaire général de l'UFSE-CGT.

« L'État ne communique pas ses réelles intentions. Nous craignons de les découvrir lors de la présentation du projet de loi de finances, sans doute vers mi-juillet. »

Pour aller plus loin, lire notre article sur le projet de fusion de l'Afpa et des Greta.

Agences et opérateurs de l'État : quelles possibilités de réorganisation de l'action publique ?

Notes   [ + ]

1. Présente en  Martinique, Guadeloupe, Guyane et La Réunion.