Reconversions : les partenaires sociaux se donnent une dernière chance d'aboutir à un accord

Les organisations syndicales et patronales étaient réunies le 20 mai pour la première séance de la négociation visant à aboutir à un accord national interprofessionnel (ANI) sur les transitions et reconversions professionnelles. Celui-ci devra être conclu d'ici à la mi-juin pour pouvoir espérer sa transposition dans la loi. Tour d'horizon des questions en jeu avec les négociateurs de la CFTC, la CGT, la CFE-CGC et de FO.

Par - Le 23 mai 2025.

Après un démarrage poussif, les choses s'accélèrent. Invités formellement par une lettre du ministère du Travail du 10 avril à une « reprise des discussions » afin de « simplifier les recours aux dispositifs existants », les partenaires sociaux se sont finalement retrouvés le mardi 20 mai pour une première séance de négociation. Celle-ci a été d'abord l'occasion de s'accorder sur une méthode de travail et d'arrêter un calendrier, avec cinq réunions planifiées jusqu'au 16 juin prochain. « Nous avons également fait un tour de table, pour savoir comment les uns et les autres voyaient les axes de la négociation sur le fond », présente Aline Mougenot, chef de file de la négociation pour la CFTC.

Eligibilité du PTP 

Parmi ces axes, le projet de transition professionnelle (PTP) reste un sujet sensible. Si le Gouvernement suggère dans sa lettre de conserver le dispositif, invitation est aussi faite aux partenaires sociaux de réfléchir à ses conditions d'éligibilité pour le cibler davantage vers les publics « seniors » et les métiers en tension. « [Le souhait de conserver le PTP] est un « faux nez ». La volonté est de dénaturer le dispositif et, ce qui n'est pas dit dans la lettre, de baisser sa rémunération », prévient Jean-François Foucard, en charge de la négociation pour la CFE-CGC. La proposition passe aussi plutôt mal du côté de la CGT. Sandrine Mourey, négociatrice pour la confédération syndicale, y voit le symptôme d'une vision « adéquationniste » et oubliant la dimension « émancipatrice » de la formation.

Gouvernance des ATPro

Autre sujet : celui de la gouvernance du réseau des ATPro, en charge de la mise en œuvre du PTP, que l'exécutif aimerait réformer. « C'est une de nos lignes rouges. D'accord pour harmoniser, mais il ne faut pas détricoter les ATPro et laisser une autonomie à leurs conseils d'administration en région. C'est le seul lieu paritaire encore existant [à ce niveau], il est à préserver », avertit Michel Beaugas, négociateur pour FO. Aline Mougenot se place quant à elle dans une optique de conciliation. « Les ATPro ont tout leur sens et fonctionnent en région. Pour la CFTC, leur gouvernance est établie, c'est Certif Pro. Mais il n'y a pas de tabou, nous étudierons toutes les voies de passage pour aboutir », indique-t-elle.

Reconversions en entreprise

Dernier « gros morceau » de la négociation : il faudra s'entendre sur la création d'un nouveau dispositif d'évolution/reconversion interne ou externe en entreprise, reposant sur l'alternance, et amené à remplacer les dispositifs TransCo et Pro A. Sur ce point, Jean-François Foucard est favorable à la reprise de la solution de la « période de reconversion » qui avait été trouvée dans l'accord signé le 23 avril 2024 par la CFE-CGC, FO, la CFTC, la CFDT et l'U2P [ 1 ]Après l'échec des négociations sur un « nouveau pacte de la vie au travail », les cinq organisations syndicales avaient accepté, à l'initiative de l'U2P, de rouvrir les discussions sur les deux sujets du CETU (compte épargne temps universel) et des reconversions professionnelles.. « Nous pensons qu'il faut changer son nom en « période d'évolution ». Mais cela permettrait de simplifier le paysage des dispositifs et l'on pourrait supprimer le contrat de professionnalisation. […] Cependant, la première séance de négociation n'a pas du tout permis de fixer qu'on repartirait sur cette base, il n'y a aucune visibilité », regrette celui-ci. Rien ne dit en effet que la CPME et le Medef se rangeront à cette option. Et, dans le meilleur des cas, les deux organisations patronales exigeront sans doute des amendements. La CGT, qui avait décidé de ne pas signer l'accord sur un point d'achoppement annexe [ 2 ]La CGT n'a pas signé l'accord du 23 avril 2024 car celui-ci prévoyait également de créer, à titre expérimental, un « mécanisme de mutualisation de la prise en charge du coût des indemnités de licenciement pour inaptitude »., n'est de son côté pas fondamentalement contre. « Qu'on rende les dispositifs plus « simples » ou « clairs », quel que soit le terme choisi, nous n'y sommes pas opposés », indique Sandrine Mourey. Mais celle-ci d'ajouter : « il doit y avoir des pré-requis : on doit assurer la sécurisation des salariés, cela doit pouvoir être financé et il doit y avoir des moyens pour le salarié de se faire accompagner ».

Mécanique globale et de précision

Au-delà de ces grands axes se dressent d'autres problématiques, plus larges. « Notre objectif est d'aboutir à un accord. Mais malgré le temps contraint il serait bon d'arriver à prendre en compte la pénibilité et la GEPP [ 3 ]Gestion des emplois et des parcours professionnels.. Car si on n'est pas dans l'anticipation, cela n'a pas de sens », souligne Aline Mougenot. Un point de vue partagé par Sandrine Mourey. « Les dispositifs ne sont que des outils. Et le risque est de créer des outils qui ne répondent pas aux réels enjeux écologiques, technologiques… transformant l'emploi et les métiers », explique la négociatrice de la CGT.  Pourtant, c'est sans doute la « mécanique » des futurs dispositifs qui sera surtout au cœur des discussions : quelle enveloppe et taux de prise en charge pour le financement des salaires et de la formation des salariés en reconversion ? Quel devenir du contrat de travail en cas de mobilité externe ?… Et sur ces seuls points, cinq séances ne devraient déjà pas être de trop pour parvenir à un consensus.

Notes   [ + ]

1. Après l'échec des négociations sur un « nouveau pacte de la vie au travail », les cinq organisations syndicales avaient accepté, à l'initiative de l'U2P, de rouvrir les discussions sur les deux sujets du CETU (compte épargne temps universel) et des reconversions professionnelles.
2. La CGT n'a pas signé l'accord du 23 avril 2024 car celui-ci prévoyait également de créer, à titre expérimental, un « mécanisme de mutualisation de la prise en charge du coût des indemnités de licenciement pour inaptitude ».
3. Gestion des emplois et des parcours professionnels.