Reste à charge de 750€ : casse-tête en vue pour les CFA?

À compter du 1er juillet 2025, les employeurs d'apprentis préparant un diplôme au moins équivalent au niveau 6 (bac + 3) devront participer au coût de la formation à hauteur de 750€. À charge pour les centres de formation d'apprentis (CFA) de recouvrer cette contribution. Les CFA deviennent ainsi collecteurs d'une obligation légale.

Par - Le 03 juin 2025.

L'apprentissage dans le supérieur est à nouveau dans le viseur de l'exécutif. Après la baisse des niveaux de prise en charge (NPEC) des contrats pour les formations de niveaux 6 et 7 (licence et master) à l'été 2024, c'est au tour des employeurs d'apprentis préparant un diplôme au moins équivalent au niveau 6 de devoir mettre la main à la poche. À compter du 1er juillet 2025, ils devront payer un reste à charge de 750€ sur le NPEC du contrat d'apprentissage, quel que soit le montant de ce coût. Il faut dire que l'engouement pour l'apprentissage dans l'enseignement supérieur s'est traduit par un quasi doublement du nombre d'apprentis à ce niveau sur l'effectif total d'apprentis (de 39% à 62%) entre la réforme de 2018 et 2023 (Insee Références 2025).

Double taxe ?

Plutôt que de moduler l'aide exceptionnelle à l'embauche d'un apprenti en fonction de son niveau de formation par exemple, le Gouvernement a fait le choix d'instaurer cette participation financière obligatoire. Les inquiétudes ne se sont pas fait attendre. « Cette mesure peut marquer un coup d'arrêt à ‘l'apprentissage à tous les niveaux' et au rôle de promotion sociale de cette filière », s'inquiète Claire Khecha, déléguée générale de la fédération Les Acteurs de la Compétence qui représente en particulier les CFA. De plus, « comment peut-on imposer aux entreprises de payer une telle contribution, alors qu'elles financent déjà l'apprentissage par une taxe annuelle ? ».

Pour le consultant Jean-Pierre Willems sur Linkedin, ce forfait va « pénaliser les entreprises qui recrutent sans faire financer celles qui ne recrutent pas ». Jean-Marie Guérout, directeur de l'attractivité employeur et de l'alternance d'Orange en témoigne : « Cette participation va coûter très cher aux entreprises comme la nôtre qui emploient beaucoup d'apprentis de niveau bac+3 (1800 sur les 2500 alternants chez Orange). » Il confirme cependant l'engagement de son groupe dans cette voie « qui permet à des jeunes de milieu modeste de faire des études supérieures ».

Maelstrom financier et administratif

Autre sujet d'inquiétude, les CFA qui vont devoir recouvrer les 750€ sauront-ils faire ? « Cela va ajouter de la complexité à la gestion administrative et financière des CFA comme des entreprises », souligne Claire Khecha. Le projet de décret qui fixe les modalités de versement des NPEC et de paiement du reste à charge décrit en effet un maelstrom financier et administratif qui pourrait être lourd de conséquences pour les CFA : proratisation journalière et non plus mensuelle des versements des NPEC effectués par les Opco aux centres et instauration d'un nouveau calendrier de versement : 40% au démarrage du contrat (déduction faite des 750€ à récupérer par le CFA), 20% au 10e mois et le solde de 10% à la fin du contrat versé sur justificatifs (facture, certificat de réalisation et copie de la facture envoyée à l'employeur pour le reste à charge). En cas de non-paiement du reste à charge, l'Opco déduira cette somme du solde. Double peine donc pour les CFA : lourdeur administrative et perte d'argent.

« Un changement de posture préoccupant »

Pour le délégué national de la Fédération nationale des directeurs de CFA (Fnadir), Alban Margueritat, « cette contribution crée un changement de posture préoccupant. Les CFA deviennent collecteurs d'une obligation légale. Ce rôle administratif nouveau fragilise la relation avec les entreprises, en particulier les TPE-PME pour lesquelles cette charge n'est pas neutre économiquement ». Pour les entreprises de moins de 250 salariés, la fédération proposait une exonération du reste à charge, « afin d'aligner cette mesure avec le ciblage des primes à l'embauche ».

De son côté, la Fondation innovation pour les apprentissages (Fipa) regrette cette nouvelle attaque contre l'apprentissage aux niveaux supérieurs. « Le phénomène du reste à charge est déjà bien engagé depuis 2021 en raison des baisses successives des NPEC, observe Yann Bouvier, chargé de mission. Ces restes à charge ont même augmenté de 44% entre 2022 et 2023 (260 à 310 M€). Avec cette contribution de 750€, on ajoute un reste à charge là où il y en avait déjà un puisque la dernière baisse des NPEC portait sur les niveaux 6 et 7. »

 

Pour aller plus loin, s'inscrire à la grande journée de l'apprentissage organisée par Centre Inffo.