Créer son entreprise en situation de handicap

Par - Le 16 décembre 2010.

“Tout le monde savait que c'était impossible, il est venu un imbécile qui ne le savait pas et qui l'a fait", “Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin", etc. Distillant maximes et proverbes au micro de la rencontre-débat dédiée à la création d'entreprise en situation de handicap, organisée le 17 novembre dernier à Paris par la Cité des métiers , Didier Roche et Pierre Carnicelli semblent savourer l'instant : incapables de parler de ce qu'ils ont accompli sans glisser un mot de ce qu'ils s'apprêtent à faire, tous deux revendiquent haut et fort une “âme d'entrepreneur". Et le prouvent. Aujourd'hui à la tête d'Ethik Investment, un groupe dont les activités s'étendent de l'événementiel au conseil en passant par la restauration, Didier Roche a créé sa première entreprise à 23 ans. Créateur d'une SSSI, Pierre Carnicelli est lui ensuite devenu coach professionnel indépendant avant de créer un centre de formation, d'abord en France et, depuis cette année, au Maroc.

Le premier est non-voyant, le second a développé en 1996 un cancer fortement invalidant. Tous deux sont membres de l'Uptih, l'Union professionnelle des travailleurs handicapés indépendants. Si cette dernière existe, c'est que ce que l'on peut être tenté de croire au regard de leur témoignage n'est pas tout à fait exact : oui, leur parcours et leur personnalité ne les distinguent guère de leurs confrères valides ; non, le handicap n'est pas secondaire. Créée par Didier Roche, l'Uptih entend à la fois accompagner les adhérents dans leurs projets et conduire des actions de lobbying. “L'idée m'est venue il y a trois ans", explique-t-il, “à la lecture d'un article qui faisait état de 58000 travailleurs handicapés indépendants. Me rendre compte que nous étions si nombreux m'a permis d'avoir une réflexion sur mon parcours de créateur, je me suis dit que je n'étais pas le seul à avoir subi toutes les humiliations qui m'ont été infligées par les banques, et bien d'autres, uniquement du fait du handicap". Pas question pour autant de se positionner sur le seul champ de la revendication : “ il y avait l'envie de réfléchir et de formaliser nos pratiques de manière collective, quand vous créez un réseau, vous créez aussi un marché", précise-t-il. En proposant, par exemple, un “annuaire des compétences", l'Uptih s'adresse “aux besoins de sous-traitance des petites entreprises, qui ne trouvent pas toujours de réponses satisfaisantes lorsqu'elles s'adressent au milieu protégé". Précision, l'Uptih intervient avec “l'idée de ne jamais se substituer à des dispositifs existants, type Boutiques de gestion, qui font très bien leur travail".

Si le chiffre global des créations/reprises d'entreprise par les personnes handicapées ne semble pas connu, l'Agefiph indique elle avoir accompagné en ce sens près de 3200 demandeurs d'emploi en 2009. “l'Agefiph s'est fixé trois objectifs principaux en termes de création d'activité", explique Laurène Le Quéré, en charge de la création d'activité à la délégation régionale Ile-de-France de l'Agefiph : “favoriser les initiatives des personnes handicapées qui créent leur emploi en accédant à une activité non salariée, sécuriser les parcours de création d'activité des demandeurs d'emploi bénéficiaires de l'obligation d'emploi, augmenter le taux de pérennisation des entreprises aidées par l'Agefiph". Pour cela, une offre de service “améliorée" existe depuis le 1er avril 2009 : en amont, “un accueil, accompagnement et suivi à la création d'activité réalisés par des prestataires-conseil spécialisés, une participation au financement de la formation à la gestion dans la limite de 250 heures et, enfin, une subvention à la création d'activité, d'un montant maximal de 12000 € en complément d'un cofinancement minimum de 1525 €". En aval, “le financement d'une micro-assurance pendant 3 ans et la prise en charge d'une garantie bancaire de 1er niveau et un service d'intermédiation pour faciliter l'accès au crédit". Un dernier point plus que nécessaire quand Didier Roche assure avoir essuyé le refus de 13 banques avant de se résoudre au financement personnel. Ne cachant pas qu'il a eu à combattre son lot d'idées reçues, Didier Roche excelle à les bousculer : 4,5 millions d'euros de chiffre d'affaires en 2010, 6 millions de prévisionnel en 2011, le tout avec 47 collaborateurs dont 21 en situation de handicap lourd. Son conseil ? “Ne vous limitez pas. Si je m'étais limité, je n'aurais rien fait".

www.uptih.fr

ORIENTATION & FORMATION

Comment faire pour créer ou reprendre une entreprise quand on n'y connaît rien ? Du stage pratique auto-entrepreneur d'une durée de 35 heures au master création d'entreprise, de nombreuses solutions de formation existent. Entre les deux, le Cnam Région Centre propose un certificat de compétence "Entrepreneuriat et gestion de PME" de niveau bac+2. De quoi prendre conscience des comportements utiles, et acquérir les connaissances nécessaires pour reprendre et développer une PME.