Un guide pour l'emploi des travailleurs handicapés

Par - Le 16 décembre 2010.

Juriste pour le Centre d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF), Gwenaëlle Leray s'intéresse dans son dernier ouvrage à l'emploi des travailleurs handicapés[ 1 ]L'emploi des travailleurs handicapés. Accès au statut, contrat de travail, aides à l'emploi, discrimination. Gereso édition (coll. L'essentiel pour agir), 2010. 203 p.. De la reconnaissance du statut aux aides sociales, l'ouvrage s'adresse à l'employeur comme à la personne handicapée. L'occasion de rappeler que les dispositions spécifiques viennent “toujours en complément" du droit commun, ceci étant valable aussi bien pour les aides à la formation qui s'ajoutent aux financements habituels (Région, Opacif, etc.) que pour l'accès à la formation ou à l'emploi : si les centres de réadaptation professionnelle (CRP) ou les établissements et services d'aide par le travail (Ésat) sont bien évidemment réservés aux travailleurs handicapés, rien ne s'oppose à leur intégration en “milieu ordinaire", en dehors des limitations que leur impose l'altération “de leurs fonctions physiques, sensorielles, mentales cognitives ou psychiques". C'est d'ailleurs ce “principe d'égalité de traitement" qui justifie la participation publique (via les aides de l'Agefiph), aux charges consécutives à la prise en compte du handicap en entreprise (adaptation du poste de travail, formations spécifiques, etc.).

Livrant son point de vue sur les critiques parfois portées à l'encontre de la loi du 11 février 2005, Gwenaëlle Leray en souligne les effets positifs (création d'un élan, renforcement de l'obligation d'emploi et sensibilisation des entreprises, extension du “droit à compensation", etc.) et réclame avant toute refonte son application : “La législation de 2005 devrait d'abord être appliquée par les administrations, au niveau local, avant d'être améliorée dans ses grands principes. Il faudrait, d'une part, renforcer les actions de sensibilisation, d'accompagnement individuel et collectif dans chaque département et commune et, d'autre part, allouer à ces collectivités les moyens financiers et humains nécessaires à une meilleure prise en charge de la problématique du handicap." Le sentiment d'être à mi-chemin de la réforme prévaut également en ce qui concerne le rôle des Maisons départementales des personnes handicapées : “La MDPH est bien un guichet unique en ce sens que toute démarche doit débuter auprès d'elle, et que la décision finale sera prise par la CDAPH[ 2 ]Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées. qu'elle héberge. Mais les personnes handicapées doivent ensuite s'adresser à toutes les instances compétentes en la matière, par eux-mêmes, seuls le plus souvent, pour constituer le dossier qui sera validé ou non par la CDAPH. Et ces instances sont multiples, en fonction de la demande. La MDPH ne remplit donc pas son rôle tout au long de la procédure", conclut-elle.

Questions à Gwenaëlle Leray, auteur du guide et juriste au CIDFF

Que pensez-vous de l'article 97 du projet de loi de finances 2011 qui vise à transférer à l'Agefiph des dispositifs à destination des travailleurs handicapés pris en charge par l'État[ 3 ]Cf. L'Inffo n° 776, p. 2. ?

À mon sens, l'État se désengage. Le danger réside dans le fait que l'Agefiph soit ordonnateur de dépenses, financeur direct sans que son budget soit augmenté en compensation par l'État. Cette association pourrait organiser une autre répartition de son financement, sans véritable contrôle ni transparence. L'État doit, en principe, garantir un équilibre financier et politique entre toutes les institutions publiques, privées, associatives ou institutionnelles qui exercent leur activité dans le domaine du handicap.

Quel est le risque ?

Sans l'intervention régulatrice de l'État, certaines politiques liées au handicap risquent d'être abandonnées au profit d'autres activités plus lucratives ou qui donnent plus rapidement de meilleurs résultats. Certaines associations ou entreprises prestataires, avec lesquels l'Agefiph a passé convention, ne vont plus percevoir de fonds parce que leur activité ne s'intégrera plus dans les priorités politiques de l'Agefiph. En particulier, les actions de sensibilisation au handicap auprès des citoyens, des entreprises, les actions de formation professionnelle pour permettre une meilleure intégration des personnes handicapées, risquent de ne plus être financées. Les aides publiques qui existent aujourd'hui sont amenées à disparaître ou à changer de destinataires.

Comment interprétez-vous ces évolutions ?

Le projet de loi de finances pour 2011 n'est pas si surprenant, nous avons déjà assisté en 2009 et 2010 à un changement de priorité politique. Certaines aides à l'embauche directe de travailleurs handicapés ont été notamment supprimées au profit des aides à destination des entreprises pour adapter les postes de travail existants au handicap, ou pour maintenir les personnes handicapées à leur poste de travail. L'article 97 du projet de loi devrait pour le moins être assorti de garanties relatives à la gestion de ce transfert de compétence par l'Agefiph, notamment dans le cadre de la convention d'objectifs triennale passée entre l'État et cette association.

Sur ce même sujet, voir notre dossier “Orienter les demandeurs d'emploi handicapés", L'Inffo n° 767, 1er au 15 mai 2010.

Notes   [ + ]

1. L'emploi des travailleurs handicapés. Accès au statut, contrat de travail, aides à l'emploi, discrimination. Gereso édition (coll. L'essentiel pour agir), 2010. 203 p.
2. Commission des droits et de l'autonomie des personnes handicapées.
3. Cf. L'Inffo n° 776, p. 2.