La mer, un secteur “d'avenir", en pleine évolution
“Contrairement à une idée reçue, le monde maritime recrute largement, assure Alain Pomes, directeur du Centre européen de formation continue maritime (CEFCM). Surtout des mécaniciens et des officiers navigants, mais aussi des pêcheurs." Une situation redevable, pour beaucoup, au fort taux de turn-over.
Par Nicolas Deguerry - Le 01 mai 2010.
“Les carrières en mer sont courtes, entre sept et dix ans, du fait de l'incidence sur la vie sociale : les générations actuelles ne conçoivent plus de vivre éloignées de leur famille, aujourd'hui, les officiers navigants ne restent que trois à cinq ans en mer avant de chercher un emploi à terre sédentarisé. Ils ne sont pas perdus pour l'emploi maritime, mais pour l'emploi navigant." Même tension pour l'activité de pêche, qui “souffre de l'image du milieu", de manière injuste, selon Alain Pomes, qui décrit “un métier d'insertion et rémunérateur : on peut rentrer en formation dès la 5e, avec des diplômes de niveau V, le certificat d'initiation nautique ou le certificat d'initiation à la pêche qui s'obtient en trois à cinq mois. C'et un métier physique, difficile, parce que l'on peut travailler 20 heures sur 24 lors d'une campagne de pêche, mais seulement la moitié de l'année, et c'est très bien rémunéré, entre 3 000 et 3 500 euros sur douze mois", assure-t-il.
Autre avantage, l'évolution rapide : “Il est possible de devenir capitaine de pêche en quatre ans", avec un diplôme de niveau II, qui s'obtient en neuf mois par la formation continue. “La formation tout au long de la vie, cela existe depuis Colbert dans le monde maritime ! La formation continue y est beaucoup plus stratégique que la formation initiale." Et d'expliquer : “Ce n'est que dans les fonctions premières que les personnes ne viennent pas du monde maritime ; elles progressent ensuite par la formation continue en passant les brevets ou grades maritimes", nécessaires à l'évolution de carrière.
Une évolution qui passe aussi par la reconversion dans les métiers du commerce maritime, avec des carrières internationales de bon niveau. “Bourbon [ 1 ]Grand armateur français, “référence mondiale en matière de services maritimes à l'offshore pétrolier". embauche 1 000 personnes par an, et parmi elles, beaucoup de pêcheurs et de marins bretons", reconnus, d'après lui, pour “leur débrouillardise et leur capacité à naviguer par tout temps". Des compétences utiles quand il s'agit d'aller “ravitailler des plates-formes off-shore".
Nouveaux métiers
Quant à l'avenir du secteur, le directeur du CEFCM évoque le “rapprochement croissant entre les métiers du littoral et les métiers de la mer". Avec trois grandes activités en fort développement : d'abord, “le « pescatourisme », l'un des axes du Grenelle de la mer, qui vise à utiliser la pêche comme moyen d'attractivité touristique". Ensuite, “l'environnement, qui crée des besoins en surveillance des plages et des côtes, nécessite des compétences en matière d'énergies renouvelables (marée motrice, hydroliennes, etc.) et entraîne le développement du cabotage, voire la création d'autoroutes maritimes", intéressantes en raison de leur faible impact écologique. Enfin, “le développement d'une agriculture de mer (culture d'algues, parc à poissons, etc.), qui va nous faire passer de l'activité de cueillette à l'élevage", s'amuse-t-il. L'incidence sur la formation ? “Une « maritimisation » des filières traditionnelles", répond-il. “On se dirige vers une logique de double compétence". Et d'évoquer un partenariat en cours d'élaboration avec Accor Services pour le développement d'un diplôme d'“hôtesse de yacht", ou celui porté par la filière ostréicole et l'association du grand littoral Atlantique pour la création d'un CQP en “pescatourisme". “La France se tourne vers la mer, et c'est nouveau !", se félicite-t-il.
“Identifier les besoins futurs du monde maritime et les traduire en termes de formation", tel est l'objectif premier du projet européen Marleanet (Maritime learning network), dont est responsable Alain Pomes.
Sur cette plateforme e-learning de formation accessible en mer, les marins disposent de “modules très concrets et très courts, de 10 à 15 minutes, conçus dans une logique de granularité, sur la base de référentiels de micro-compétences élaborés pour répondre à des situations-problèmes". À noter que les contenus ne sont pas accessibles en direct, mais “intégrés dans des parcours mixtes proposés par les organismes de formation".
Disponible en quatre langues, Marleanet s'inscrit dans le cadre du “STCW 95" (1), une convention internationale approuvée par 120 pays et qui représente la référence mondiale en matière de qualifications du personnel navigant. D'où l'occasion, soulignée par Alain Pomes, de “promouvoir un label européen de qualité dans le monde maritime". Sécurité et formation médicale de base sont les premiers thèmes abordés.
(1) Convention on standards of training, certification and watchkeeping for seafarers.
Notes
1. | ↑ | Grand armateur français, “référence mondiale en matière de services maritimes à l'offshore pétrolier". |