Le compagnonnage, “réseau de transmission des savoirs et des connaissances par le métier"

Par - Le 16 décembre 2011.

“Une grande école pour les hommes, une grande école pour les métiers"[ 1 ]Le colloque était aussi l'occasion d'officialiser le lancement de la “Grande école des hommes de métier en compagnonnage", appelée à proposer une offre de formation du CAP jusqu'à bac + 5. Fonctionnement à plein régime prévu en 2015. , tel était l'intitulé du colloque organisé à l'initiative des Compagnons du Devoir le 24 novembre dernier à Paris.

Réunies pour l'occasion, les trois sociétés ouvrières historiques entendaient promouvoir leur cause, inscrite depuis le 16 novembre 2010 au “patrimoine immatériel de l'humanité" (Unesco) en tant que “réseau de transmission des savoirs et des connaissances par le métier". Enjeu de cette collaboration, le dépassement des rivalités historiques pour mieux atteindre ensemble l'objectif commun de toujours, résumé en trois mots par l'historien François Icher : “Accueillir, transmettre, former."

[(LES TROIS SOCIÉTÉS COMPAGNONNIQUES

 Association ouvrière des compagnons du Devoir et du Tour de France (AOCDTF), www.compagnons-du-devoir.com ;

 Union compagnonnique des compagnons du Tour de France des Devoirs unis (UC), www.lecompagnonnage.com ;

 Fédération compagnonnique des métiers du bâtiment (FCMB), www.compagnons.org )]

“Remplacer le besoin par l'envie"

Réputation d'excellence d'un côté, valeurs portées haut et univers régi par des codes pluriséculaires de l'autre, le triptyque serait-il réservé à une élite ? “Non", a insisté le président national de la FCMB, Jean-Paul Chapelle : “Il faut que le compagnonnage s'adresse à tous, il faut remplacer le besoin de travailler par l'envie. (…) Il faut absolument que nos métiers deviennent des orientations au même titre que tous les autres métiers. Nous ne voulons plus d'une orientation par défaut pour nos jeunes, c'est un manque de respect pour des métiers qui demandent beaucoup de réflexion."

Au cœur du projet compagnonnique, “la notion de transmission a été un élément-clé du dossier présenté à l'Unesco", a souligné pour sa part Jean-Pascal Lanuit, directeur de cabinet de Philippe Bélaval, directeur général des patrimoines au ministère de la Culture. Comment transmettre ? “Pour transmettre, il faut comprendre et connaître l'autre, il faut développer une intelligence commune, une intelligence de l'autre", et ce, “à l'opposé d'une patrimonialisation conservatoire où les choses doivent rester figées dans le passé".

“Le patrimoine, c'est ce que je décide de transmettre"

Un point de vue partagé par François Icher, qui a argumenté : “Le patrimoine n'est plus simplement ce que je reçois des autres, c'est fondamentalement et surtout ce que moi, je décide de transmettre aux générations futures. Axer le patrimoine à la seule posture vers le passé, c'est une erreur fondamentale que n'a pas commise le compagnonnage."

Poursuivant son exploration de la circulation des savoirs et des connaissances, l'historien a expliqué : “Transmettre un métier, c'est transmettre des techniques, mais c'est aussi et surtout transmettre des valeurs." Lesquelles ? “La ponctualité, l'assiduité, l'envie de découvrir, l'envie de bien faire, l'honnêteté, la vaillance, la franchise, la droiture, la persévérance, la patience, la fidélité… autant de qualificatifs que l'on retrouve dans les noms symboliques des compagnons !, a-t-il énoncé. Le compagnonnage, c'est le sentiment très fort d'appartenir à une communauté unie par la pratique, l'apprentissage, et l'approfondissement du métier. Il permet de passer du solitaire au solidaire, par, dans et avec le métier."

Et de conclure : “Depuis huit siècles, le compagnonnage a toujours porté son regard essentiel sur l'apprentissage de la responsabilité aux jeunes qui lui font confiance. En ce sens, c'est une tradition d'avenir parce que c'est une tradition entièrement dédiée au futur, aux jeunes, aux adultes de demain." Cela même qu'exprimait en ouverture Jean-Claude Chapelle, lorsqu'il insistait sur “l'utilité sociale" du mouvement : “Aujourd'hui, une société qui donne un premier emploi à un jeune, une première formation, qui va lui permettre de se loger (…), c'est un investissement sur le fonds et sur la durée."

[(LES TROPHÉES DE LA CULTURE, OU “L'INTELLIGENCE DE LA MAIN"

Initiative des Compagnons du Devoir, les Trophées de la culture ont été remis lors du colloque du 24 novembre. Gagnante de l'édition 2011, la ville de Bruxelles, devant Paris et Lyon.

“Chaque année, a expliqué André Malicot, directeur de la formation, des études et de la recherche des Compagnons du Devoir, un thème est proposé à la réflexion des jeunes, qui s'approprient le sujet, travaillent avec leurs formateurs et avec des compagnons sédentaires qui viennent les aider lors de réunions intergénérationnelles." Thème de cette année : “Penser la matière". Un défi que la ville de Bruxelles a remporté en réalisant une sculpture s'inspirant du célèbre Atomium, où “chaque atome représente un métier", a commenté le maître de stage de l'équipe gagnante. Grand avantage de ce concours, selon ce dernier : “Avoir pu mêler l'intellect et le manuel", et ainsi montrer “en partant d'une phrase" que les métiers de l'artisanat participent des deux. )]

Notes   [ + ]

1. Le colloque était aussi l'occasion d'officialiser le lancement de la “Grande école des hommes de métier en compagnonnage", appelée à proposer une offre de formation du CAP jusqu'à bac + 5. Fonctionnement à plein régime prévu en 2015.