Handirect Services : l'externalisation comme opportunité d'insertion des personnes handicapées

Par - Le 16 janvier 2012.

De l'art de créer son propre poste de travail, tout en offrant une solide opportunité d'insertion − renforcée de formation − à un public en difficulté... tel est le modèle entrepreneurial d'Handirect Services.

Équiper les taxis d'un système de filtre à air ? Se lancer dans les services d'aide à la personne ? Créer une entreprise de services fondée sur le télétravail ? Quand Nathalie et Christophe Gerrier, l'une diplômée de l'ESC Amiens, experte en conseil financier et développement commercial, l'autre ingénieur Supelec, envisagent de quitter leur position de salariés pour créer ensemble leur entreprise, les idées fusent. Et s'affinent au contact de la réalité et des opportunités du moment : c'est alors que l'option télétravail “mûrit" que Nathalie Gerrier découvre chez son employeur de l'époque la difficile insertion des travailleurs handicapés. Convaincue qu'il y a là un “vivier formidable", les époux Gerrier tiennent là leur concept : proposer aux entreprises d'externaliser leur saisie de donnée en la confiant à des travailleurs handicapés employés en télétravail.

Créée en 1996 sous le nom d'Handirect Services, l'entreprise doit bientôt remettre en cause son modèle, devant l'effondrement du marché de la saisie. Le développement d'une offre de mise sous enveloppe et de routage de courriers requérant désormais la présence des salariés dans les locaux d'Handirect, le télétravail disparaît, mais pas “l'objectif de départ, concernant l'embauche de personnes handicapées". Succès cette fois ci total, puisque le concept est devenu quinze ans plus tard un réseau de 18 agences dont 12 franchises employant 35 salariés handicapés et 25 personnes non handicapées, le tout pour un chiffre d'affaires cumulé de 7 millions d'euros.

Handifféré, structure de formation interne

“Nous proposons des postes d'agent administratif et recherchons idéalement des profils très polyvalents, à l'aise sur Excel et Word, mais aussi capables d'assurer des travaux de mise sous enveloppe et d'affranchissage", explique Nathalie Gerrier. Recrutant essentiellement des personnes de niveau V, Handirect Services s'efforce d'accompagner ses salariés dans l'emploi, que ce soit par la formation ou par des entretiens de bilan qui permettent d'évoquer les perspectives de progression et d'évolution, y compris en dehors de l'entreprise. Très peu de candidats arrivant formés, la société a créé Handifféré, une structure de formation interne destinée aux salariés des différentes agences qui peuvent ainsi se rencontrer et monter en compétences sur leurs métiers. En 2011, huit salariés ont été formés à l'accueil et aux procédures qualité, ainsi qu'aux opérations de fusion et de publipostage, et une salariée en poste depuis dix ans a pu démarrer une VAE en vue d'obtenir un bac pro Secrétariat. Dans l'idée, chère à Nathalie Gerrier, qu'“il y a une vie après Handirect Services", des bilans de compétences peuvent aussi être proposés à ceux qui ont envie de faire autre chose.

Agrément “entreprise adaptée"

Une dizaine de franchises Handirect Services sont aujourd'hui reconnues “entreprises adaptées", un agrément délivré par les Direccte qui impose notamment 80 % de salariés handicapés en production en échange de subventions par poste et d'une diminution de la taxe Agefiph pour les clients. Militante du développement des entreprises adaptées, qu'elle souhaiterait plus variées en taille comme en offre de services, Nathalie Gerrier se félicite de voir le modèle entrepreneurial monter en puissance aux côtés du modèle historique associatif. Mais n'en regrette pas moins la lourdeur administrative de la procédure administrative d'agrément, à refaire dans chaque région, voire pour chaque “boutique", si elles ne sont pas regroupées en un même établissement. Regrettant cet “obstacle à l'essor de l'embauche des handicapés dans les franchises de Handirect Services", la société entend toutefois poursuivre son développement en ouvrant sept nouvelles agences d'ici à 2013. Soit un potentiel de quelques 35 emplois gérants inclus.

Questions à Nathalie Gerrier, gérante d'Handirect Services

L'orientation sans “oublier la personne"

Quels profils recherchez-vous ?

Le premier critère reste la motivation et l'envie, mais il faut tout de même être capable de travailler sur ordinateur, puisque nous cherchons des agents administratifs… Cela dit, nous avons un agrément d'entreprise adaptée et les personnes qui viennent chez nous ont souvent un parcours chaotique, devant lequel nous devons rester ouverts.

Vos candidats présentent-ils un parcours type en termes d'orientation ?

A priori non, le handicap étant une réalité très large qui entraîne une grande variété de parcours de vie. L'orientation est cependant davantage subie pour ceux qui présentent des déficiences intellectuelles, pour lesquels on a sans doute tendance à “oublier la personne".

Acceptez-vous tout type de handicap ?

Absolument, puisque notre objectif est de considérer la personne et ses compétences avant son handicap. Nos 18 agences recrutent de manière très variée et nous avons aussi bien des personnes handicapées avec déficiences intellectuelles que des problèmes psychiques, sensoriels, etc. Je pense d'ailleurs qu'il est intéressant d'avoir des personnes avec des handicaps différents, parce qu'elles se complètent. Les cas difficiles sont ceux des personnes qui ont des maladies évolutives qui entraînent une baisse de niveau.

Disposez-vous d'une procédure particulière de recrutement ?

Chacune de nos agences sont des petites structures et nos procédures sont donc propres à la petite entreprise. De fait, le recrutement est la chose la plus difficile dans l'entreprise, que l'on soit handicapé ou non, pour l'employeur comme pour le candidat. C'est une rencontre qui se fait ou pas, c'est complexe et chronophage, donc pas toujours simple pour une petite entreprise qui n'a pas de service RH. Concrètement, nous renvoyons aux personnes qui nous adressent leur candidature un questionnaire, que nous leur demandons de remplir à la main et de nous retourner par La Poste.

Vous écartez volontairement les e-mails ?

Oui, pour tester leur motivation et qu'ils fassent un effort. Nous avons d'ailleurs un peu plus de 50 % de non-réponses. Avec l'e-mail, c'est facile, on appuie sur un bouton et on a envoyé son CV à 10 000 boîtes. La clé d'entrée, c'est qu'ils montrent que ça les intéresse.

Comment identifiez-vous vos candidats ?

Cela dépend. En période de recrutement, je fais appel à Pôle emploi et à Cap emploi, dont les agences sont d'ailleurs plus ou moins dynamiques selon les régions. Une autre source intéressante est celle des Missions locales, qui peuvent avoir des candidats handicapés. Sans oublier les candidatures spontanées.