Céline Aimetti, “mobilisatrice de générosités“

“Enclencher une dynamique avec une chaîne de solidarités bienveillantes."

Par - Le 01 novembre 2012.

Élevée par des parents voyageurs, Céline Aimetti garde de ses pérégrinations enfantines la conscience d'un “décalage énorme" entre la misère des pays visités et le confort de la terre natale. Plus qu'une culpabilité, il lui en est resté la volonté de “construire des ponts entre des gens qui ont des besoins et des personnes, physiques ou morales, qui ont des moyens". À l'entendre, le désir d'agir tient autant au souci d'aider qu'à un tempérament qu'elle-même qualifie volontiers d'hyperactif : scolarisée à deux ans, elle n'attend pas même le bac obtenu à 16 ans pour multiplier les engagements bénévoles. S'y ajoutent bientôt une école de commerce, menée de front avec des petits boulots qui l'aident à appréhender la réalité du terrain. Étudiante à l'Université de Dublin, elle signe un mémoire sur le marketing humanitaire et, dans la foulée, son premier succès en matière de partenariat d'intérêt général : salariée de la plus grosse agence de communication irlandaise, elle a l'idée de réunir autour de la question de la fracture numérique le ministère de l'Éducation, Hewlett-Packard et Tesco, le leader de la grande distribution. S'ensuit Computers for schools, un programme qui existe toujours et qui permet d'équiper gratuitement les écoles en ordinateurs. “Waaaoh ! On peut faire des beaux projets autour d'enjeux sociétaux avec des grandes entreprises", s'enthousiasme-t-elle.

De retour à Paris et embauchée chez IBM dans le cadre d'un master de marketing à Sciences Po, Céline Aimetti monte en grade et voit s'éloigner son avenir de bâtisseur de ponts : “Je gagnais énormément d'argent mais au bout de deux ans, j'étais terriblement malheureuse, je travaillais quinze heures par jour avec 21 pays que je n'avais jamais vus, tout se faisait par informatique, et je n'avais plus de sens dans ma vie." Aussi radicale que dynamique, Céline Aimetti démissionne, s'offre… un sac à dos et part “faire de l'humanitaire". Tri de céréales dans une coopérative de femmes, animation dans les townships, alphabétisation ou amélioration de l'accès à l'eau ailleurs, elle sillonne pendant un an les associations locales de l'Afrique subsaharienne. Résultat ? “Moi qui crois profondément aux notions d'empowerment, j'ai fini par me dire qu'il était dommage d'avoir fait cinq ans d'études pour être une bouche de plus à nourrir…" La voici donc de retour, plus que jamais décidée à inscrire son avenir professionnel dans la trinité du mécénat, de la responsabilité sociale et du développement durable. La réconciliation avec le monde de l'entreprise vient rapidement, lors d'un stage effectué à la Fondation Nature & Découvertes. Ravie mais freinée par l'absence d'opportunités, elle rejoint le département sans but lucratif de l'agence de communication TWBA où elle développe une antenne destinée à la collecte de fonds au profit des ONG clientes. Recrutée par l'une d'entre-elles, l'association Aides, elle crée le poste de responsable des partenariats privés et des grands donateurs. Désormais professionnelle aguerrie de la collecte de fonds, elle doit pour partie son expertise à l'Association française des fundraisers (AFF), un collectif de professionnels qui s'efforce depuis vingt ans de structurer le métier. Entrée comme bénévole et élue administratrice depuis cinq ans, elle y apprécie plus que tout l'entraide d'un réseau qui permet de partager bonnes et mauvaises pratiques. Venue chercher des outils, elle y obtient aussi le certificat français du fundraising (CFF), un troisième cycle professionnel piloté par l'Essec.
Dotée d'une solide compétence en ingénierie financière philanthropique, elle rencontre en 2010 Philippe Charrier, homme d'affaires qui lui présente un projet destiné aux personnes atteintes d'un trouble mental sévère. “Très peu de structures les accompagnent en dehors du cadre médical, explique-t-il : si les personnes ont une famille, elles sont souvent isolées dans leur contexte familial, si elles n'en ont pas, elles deviennent SDF." Sensibilisé au problème, le mécène a identifié aux États-Unis les “clubhouses, un modèle d'entraide communautaire qui semble être le maillon manquant entre le rétablissement médical et l'autonomie". Convaincue par ce philanthrope “qui croit que la société civile peut apporter des réponses par l'innovation à des enjeux de société majeurs", Céline Aimetti réfléchit une semaine et accepte le défi que d'aucuns jugent irréaliste : “Je n'ai jamais eu une cause aussi difficile à défendre, il est plus facile de construire des toilettes en Ouganda que de donner une chance à des personnes isolées qui souffrent de schizophrénie et qui habitent dans votre immeuble", assure-t-elle. Deux ans plus tard, le succès est néanmoins au rendez-vous : ayant réussi à lever plus d'un million d'euros et alors que le premier clubhouse de France a ouvert ses portes en novembre 2011, Céline Aimetti vient d'être élue par ses pairs, à 30 ans, “fundraiser de l'année". Fière mais quelque peu gênée par la dimension personnelle de la distinction, la lauréate vante “l'occasion de valoriser un métier et des techniques qui portent leurs fruits". Expliquant que l'“on n'est pas fundraiser tout seul", elle renvoie au “travail d'équipe" avant de livrer sa définition : “Un fundraiser, c'est un mobilisateur de générosités." Et de poursuivre : “Le fundraising, ce n'est pas que de l'argent, c'est faire coïncider une réponse innovante et « différenciante » à un enjeu de société majeur, en créant une dynamique d'adhésion où chacun apporte sa pierre à l'édifice, en toute confiance." Estimant que tous les profils sont adaptables, Céline Aimetti n'en livre pas moins quelques qualités qu'elle juge indispensables : “Être doté de capacités de conviction et d'argumentation, être extrêmement persévérant et organisé et, cartouche suprême, avoir un bon relationnel."

À cet égard, le référentiel métier élaboré en 2011 par l'Apec et l'AFF estimait : “Plus qu'un trait de personnalité, c'est une compétence"…