Cité des métiers : un label “souple, évolutif et pragmatique"

Lorsque Olivier Las Vergnas a créé au début des années 1990 le concept de Cité des métiers, il ne savait pas
que sa proposition était appelée à s'ériger en modèle. Aujourd'hui, le label Cité des métiers se révèle davantage avoir été conçu pour accompagner le développement du réseau que pour figer le modèle d'origine.

Zoom sur ses différentes dimensions.

Par - Le 16 janvier 2013.

Si la première Cité des métiers a ouvert ses portes à Paris en 1993 au sein de la Cité des sciences et de l'industrie, il a fallu attendre 1999 pour que le concept prenne une dimension nationale avec l'ouverture des Cités des métiers de Belfort, des Côtes d'Armor et de Nîmes. Dès l'année suivante, le réseau s'ouvrait à l'Europe avec l'inauguration en Italie de deux Citta dei mestieri e delle professionni, l'une à Milan, l'autre à Gênes. Confirmé dans sa volonté de s'exporter avec la création de l'association du réseau international des Cités des métiers en 2001, le réseau n'a depuis cessé de s'étoffer, pour compter aujourd'hui 30 Cités des métiers ouvertes ou en projet, dont une dizaine à l'étranger. Une belle croissance pour un concept qui, rappelle Bernadette Thomas, chargée du label Cité des métiers à Universcience (Paris), n'avait pas même vocation à essaimer : “Il n'a jamais été de notre volonté d'aller conquérir des territoires, ce sont les collectivités territoriales et les porteurs de projet potentiels qui nous ont sollicités", assure-t-elle. Et parce que les demandes sont diverses, la réponse sera “souple, évolutive et pragmatique".

Du label “Projet" au label “Fonctionnement"

Fondée sur un partenariat d'acteurs qui n'est jamais simple à réunir, la conception d'une Cité des métiers peut s'étaler sur plusieurs années. Pour que ce temps de gestation puisse être accompagné du fait de l'appartenance au réseau, la commission de labellisation (voir encadré) peut décerner un label “Projet". “Un projet, détaille Bernadette Thomas, c'est, premièrement, l'identification d'un territoire sur lequel les partenaires ont compétence. C'est, deuxièmement, le design du projet en termes de partenariat et, troisièmement, la définition des pôles de conseil, lesquels doivent répondre aux problématiques des habitants du territoire. Quatrièmement, c'est la déclaration d'un lieu où va s'implanter la plateforme physique et, enfin, c'est la définition d'un mode de gouvernance." Si le label Projet est une description de ce que sera la Cité des métiers, des variantes peuvent être introduites pour tenir compte de situations spécifiques. Existe ainsi notamment la labellisation Projet “avec autorisation d'ouverture en préfiguration". Destinée à permettre l'ouverture d'espaces physiques alors que le projet n'est pas totalement bouclé, l'autorisation d'ouverture en préfiguration permet, par exemple, de compléter un tour de table ou, plus prosaïquement, de célébrer le lancement du projet par des porteurs confrontés à des échéances électorales. Autre variante de ce label : la Cité des métiers “éphémère", qui permet de monter un espace temporaire proposant les services d'une Cité des métiers de façon à donner un aperçu réaliste de ce qui est en cours de construction. “C'est ce qui vient de se passer à Clermont-Ferrand, commente Bernadette Thomas : labellisée Cité des métiers en projet en octobre 2011, dans le cadre du programme CapaCités, la CRCI d'Auvergne a profité des Olympiades des métiers qui se sont tenues en octobre 2012 pour bâtir un espace éphémère destiné à mobiliser les partenaires potentiels qui ne seraient pas encore convaincus de la pertinence du projet." Dans les deux cas, la préfiguration apparaît comme une “période de test du projet et des partenariats", destinée, in fine, à faciliter le passage au label “Fonctionnement", attribué aux Cités des métiers disposant d'une plateforme physique ouverte et d'une offre de services complète.

Facteur d'aménagement territorial

Au-delà, les Cités des métiers s'incarnent physiquement dans des “sites" et des “centres associés". Une Cité des métiers est désignée par son territoire géographique. Chacune est composée d'au moins un lieu physique intégré, appelé “site CDM", structuré pour répondre aux demandes de tous types d'usagers. En fonction du territoire à couvrir, une Cité des métiers peut proposer plusieurs sites.

Ainsi, la Cité des métiers de Nord Franche-Comté est composée des sites de Belfort et de Montbéliard. Un centre associé apparaît pertinent lorsque l'étendue du territoire rend difficile l'équité territoriale. Sont alors ouverts des espaces qui rendent des services Cités des métiers dans des lieux existants, une bibliothèque municipale, un Crij, par exemple, qui acceptent pendant une plage horaire définie de recevoir tous les publics dans l'esprit de la charte Cité des métiers. Prodigué par un conseiller polyvalent qui peut provenir de n'importe quelle institution, du moment qu'il se conforme aux principes d'accueil définis dans la charte Cité des métiers, le service vise alors à aiguiller les personnes, soit sur la documentation de la bibliothèque, soit sur les partenaires de proximité, soit sur un site Cité des métiers.

Emblématique du pragmatisme de la démarche vantée par Bernadette Thomas, l'exemple d'Annemasse permet de comprendre comment un label peut évoluer en fonction des réalités des bassins de vie et d'emploi. “Alors que la Maison du développement économique d'Annemasse avait été labellisée en 2011 projet Cité des métiers d'Annemasse et du Genevois français, le territoire s'est finalement révélé trop étroit et ne permettait pas au projet d'évoluer en véritable Cité des métiers en fonctionnement dans un délai raisonnable", explique-t-elle. Profitant de la communauté d'agglomération franco-
valdo-genevoise qui recouvre le territoire d'Annemasse et celui de la Cité des métiers de Genève, déjà existante, la commission de labellisation a dès lors octroyé un label transfrontalier. À la clé, la transformation du projet d'Annemasse et du Genevois français en centre associé d'une nouvelle entité, la Cité des métiers du Grand Genève, dotée d'une gouvernance ad hoc. Et de saluer l'opération d'une formule : “La frontière est trop souvent une coupure pour les habitants ; avec le label transfrontalier, elle devient une couture !"

À noter, enfin, que la Cité des métiers de Paris est la seule qui n'ait pas de territoire explicitement délimité. Rappelant que cette dernière a été créée à l'initiative d'un établissement national sans référence à une collectivité territoriale, Bernadette Thomas s'amuse de constater qu'elle ne serait aujourd'hui pas labellisée : “Il serait plus logique d'avoir une Cité des métiers d'Île-de-France, déclinée en sites (Paris, Nanterre, Saint-Quentin-en-Yvelines, etc.)." Ah, l'exception parisienne…

La commission de labellisation : une instance internationale

Réunie en tant que de besoin, la commission de labellisation est le niveau opérationnel du comité de labellisation. Elle est présidée par Claudie Haigneré, présidente d'Universcience, établissement propriétaire du label, et dans les faits, souvent représentée par Olivier Las Vergnas en tant que délégué général à l'insertion, la formation et l'activité professionnelles.

Elle est composée de la chargée de label, d'au minimum deux directeurs de Cités des métiers françaises et deux directeurs de Cités des métiers étrangères, ainsi que de personnalités qualifiées, dont un représentant de la direction générale de Pôle emploi. Le comité de labellisation est composé en formation plénière de l'ensemble des directeurs des Cités des métiers en fonctionnement depuis plus d'un an et justifiant d'un an d'expérience dans leur fonction de manager.

www.reseaucitesdesmetiers.com

Questions à Bernadette Thomas, chargée du label Cité des métiers à Universcience

“Il faut clarifier le label Orientation pour tous"

Qu'attendez-vous du futur service public de l'orientation, à naître de l'acte III de la décentralisation ?

Avant tout une clarification par rapport au label Orientation pour tous. Sans financement, ce label ne nous apporte rien. À partir du moment où vous avez des successions de lieux un peu partout, cela ne clarifie rien. Quand les gens viennent nous voir, ils sont bien souvent déjà passés par d'autres lieux. Et c'est bien parce qu'ils n'ont pas eu de réponse qu'ils viennent ensuite chez nous. Il me paraît plus intelligent d'avoir un lieu unique où les usagers viennent en première instance, avant d'aller chercher, ensuite, des services plus approfondis chez chacun des partenaires en fonction de leurs besoins. La grande différence avec le label Orientation pour tous, c'est que nous allons beaucoup plus loin dans la mutualisation et que nous sommes toujours sur une notion d'évolution.

Le label Orientation pour tous est davantage une labellisation sanction, qui vient couronner un existant qui ne bougera plus pendant deux ans, alors que nous sommes plutôt dans le processus.

Que pensez-vous de la notion de premier accueil ?

Le vocabulaire est ambigu en ce sens qu'il peut renvoyer à des qualités de service différentes, alors qu'il y a une bonne qualité de service dans les Cités des métiers, de même que dans les CIO et ailleurs. Idem avec la notion d'accompagnement : prendre les gens là où ils en sont, c'est aussi de l'accompagnement, même si ce n'est pas au sens où on l'entend à Pôle emploi ou dans une Mife (Maison de l'information sur la formation et l'emploi.).

Le label Cité des métiers est encore aujourd'hui propriété d'Universcience. Faut-il envisager un transfert ?

Il faut surtout qu'il reste un label international. En ce sens, il pourrait relever de n'importe quelle institution interministérielle ou, mieux, d'un organisme international. Surtout, le label Cité des métiers ne peut être l'instrument d'un pouvoir, même si les fonctionnements peuvent être différents en fonction des pays. En France, où nous sommes quelque part un prolongement du service public, cela peut être intéressant de se rapprocher des Régions comme de l'État. Mais pour que l'on puisse continuer à fonctionner dans cet esprit de service public, il faut avoir des moyens, lesquels ne peuvent nous être donnés par la tutelle Universcience. Il ne faut pas oublier que nous sommes sur des missions transversales à plusieurs ministères…

De quels moyens parlez-vous ?

Il s'agit notamment, d'une part, de renforcer la tête de réseau pour accompagner le développement des projets, d'autre part, d'adresser un signal fort aux partenaires pour qu'ils soient eux-mêmes en capacité de renforcer les mises à disposition.

Deux démarches qui voisinent...

Avant que les textes d'application de la loi du 24 novembre 2009 relative à l'orientation et la formation tout au long de la vie ne viennent, à la mi-2011, préciser les conditions de mise en œuvre du service public de l'orientation, le label Orientation pour tous semblait largement inspiré du label Cité des métiers, auquel il empruntait la notion de “lieu unique".

Depuis, les deux démarches voisinent. Le premier, consacré par la loi, est attribué aux acteurs de l'orientation qui acceptent de formaliser leur coopération sur un territoire donné. Le second, qui appartient encore aujourd'hui à Universcience, est décerné aux acteurs qui délivrent ensemble une partie de leurs services en un lieu unique organisé sur le modèle des Cités des métiers.

Alors que le label Orientation pour tous a été créé pour accompagner le déploiement du service public de l'orientation, le label Cité des métiers est, lui, né de la volonté d'acteurs de dupliquer le modèle créé au début des années 1990. L'un n'excluant pas l'autre : les Cités des métiers ont été les premières à intégrer le SPO avec la labellisation Orientation pour tous de la Cité des métiers de Marseille fin 2011.