La culture de General Electric Healthcare est de former principalement à l'adaptation aux postes de travail

Par - Le 16 février 2013.

Comment une entreprise étrangère – et a fortiori un très grand groupe, doté d'une forte culture interne – installée dans l'Hexagone perçoit-elle le très structuré système français de formation professionnelle continue ? Après notre découverte de l'approche américaine (L'Inffo n° 826, p. 32), un exemple en Île-de-France, avec General Electric Healthcare.

“Je ne sais pas si l'on peut réellement parler d'orientations en matière de formation chez General Electric Healthcare. Ici, le plan de formation se résume à un catalogue de formations classées par service. Il n'y a pas de grandes orientations claires et structurées", annonce, sans détour, Jean-Marc Pinet, membre FO de la commission formation de la filiale dédiée à la santé du conglomérat américain General Electric Medical Systems (GEMS), qui emploie quelque 1 600 personnes à Buc, dans le département des Yvelines.

Priorité, l'utilisation des équipements

“Les formations proposées dans le cadre du plan sont principalement liées à l'adaptation aux postes de travail ou à l'évolution ou au maintien dans l'emploi. La plupart de ces formations obligatoires concernent notamment l'utilisation de nouveaux équipements", indique, pour sa part, Dirk Wouters (CFDT), ancien trésorier de la commission. Cependant, reconnaît-il, “on peut déterminer quatre catégories d'actions : les formations métiers et produits, la qualité, l'environnement, l'hygiène et la sécurité (EHS), ainsi que les langues, la bureautique et le management. Ces choix s'expliquent par le fait que nous soyons une entreprise internationale et que nous fabriquions notamment du matériel médical lourd et performant".

Qu'en est-il des formations liées au développement des compétences ? “Il y a peu d'actions dont l'objectif soit de permettre l'acquisition de nouvelles compétences en vue d'obtenir une qualification supérieure", soutient le syndicaliste. Qui déplore que “les salariés les plus qualifiés soient privilégiés et que les cadres bénéficient plus de formations de longue durée". Comment la direction explique-t-elle ces choix ? Ghislaine Mariannie, la responsable du service formation de General Electric Healthcare, n'a pu répondre à notre sollicitation : elle n'est “pas autorisée à communiquer sur les orientations en matière de formation de l'entreprise".

Préparation du plan

“Le plan de formation vise à l'acquisition de compétences directement ou indirectement nécessaires à l'activité et à la stratégie de l'entreprise. Ainsi, initiées par l'employeur, les actions de formation ont pour objectif d'assurer un développement équitable des compétences face aux évolutions des organisations et des méthodes de travail", rappelle Jean-Marc Pinet. Ainsi, dans le cadre de la préparation du plan de formation, la DRH envoie un courrier électronique à l'ensemble des salariés − ce qui n'existe pas partout, loin de là −, rappelant combien “il est important que chacun exprime ses besoins en formation pour l'année à venir" et invitant à en discuter avec les managers. Car, soutient-elle, “l'établissement du plan de formation est un moment-clé de la politique RH de l'entreprise".

Des outils numériques internes pour trouver sa formation

L'entreprise a mis en place des outils numériques permettant aux salariés de “trouver la liste des formations disponibles". Ainsi, sur le “Support Central RH", ils peuvent recueillir des informations sur les formations en développement personnel, bureautique, langues, leadership. Le plateau “MyLearning" permet également de consulter le catalogue des formations. “Nous sommes encouragés, en cas de besoin, à contacter directement l'équipe formation via un lien dédié", insiste Jean-Marc Pinet. Selon la procédure, les choix de formation sont discutés avec le manager (lors de l'entretien professionnel annuel), qui arbitre et assure l'exécution du plan de formation du salarié.

En réalité, “la hiérarchie impose ses choix"

Pourtant, soutient Dirk Wouters, “les besoins viennent en réalité de la hiérarchie, qui impose les actions. La plupart des actions de formation sont obligatoires". Son collègue renchérit : “On vous dit de telle ou telle formation, c'est pour votre bien et vous devez la faire." Il assure avoir, lui aussi, suivi des “formations imposées et qui ne servaient à rien".

En contrepoint, “nombreux sont les collègues inscrits par leurs managers à des formations qu'ils ne suivent pas, surtout faute de temps", mais aussi parce qu'elles sont jugées sans intérêt ou inadaptées pour eux. Les deux représentants syndicaux soutiennent que les besoins ne sont pas réellement discutés avec les managers, qui n'ont pas assez de temps pour ce genre d'exercice.

La formation en ligne comme solution

La solution trouvée est que la plupart des actions de formation soient réalisées en ligne. Le point est d'importance, 83 % des 1 600 salariés du site de Buc sont ingénieurs. “La production primant sur la formation, une très grande partie des actions de formation est réalisée en dehors du temps de travail, donc en ligne. Ce sont, pour la plupart, des modules simples agrémentés de quiz", indique Jean-Marc Pinet.

Il donne l'exemple de “la formation dite d'intégrité (mise en situation), au cours de laquelle on vous apprend à protéger les informations sensibles et à respecter les valeurs de l'entreprise", ou encore “celle qui consiste à apprendre à remplir en ligne soi-même une note de frais et de réservation, afin de faire gagner du temps aux services en charge de ces missions".

Just in time, ou le court terme

Le syndicaliste reconnaît que cette méthode est intrinsèque à la culture même de l'entreprise. “La formation semble être une obligation réglementaire pour elle. Le système français oblige à former, alors on s'y conforme. Tout laisse à penser que les raisons de former les salariés relèvent beaucoup plus de la contrainte législative que d'une réelle volonté de permettre le développement des compétences."
Une analyse partagée par son collègue de la CFDT, qui soutient que “les actions de formation proposées ont prioritairement pour vocation de répondre à des besoins précis, à des moments précis". C'est la formation “just in time". Le long terme n'existe pas dans les entreprises ayant en partage la culture du juste à temps, soutient Jean-Marc Pinet. “Ici, le long terme, c'est trois mois. Dans quel but une entreprise proposerait-elle une formation longue et coûteuse à un salarié dans ces conditions ?"

C'est le coût de la formation qui est pris en considération

En effet, avance Dirk Wouters, selon cette culture, les coûts engendrés par l'absence du poste de travail et la technicité du secteur constituent des arguments pour ne pas laisser les salariés partir pour des formations longues. “On ne regarde pas la finalité de la formation pour le salarié. Tout est fait par rapport à ce que les actions de formation coûtent à l'entreprise", critique Jean-Marc Pinet. Pourtant, rappelle-t-il, “quand, par courrier électronique, la DRH nous rappelle qu'il est temps d'établir notre plan de formation, elle insiste sur le fait que la formation constitue un élément important de notre développement professionnel et personnel. Elle nous dit que la formation est nécessaire à la tenue de notre poste de travail au quotidien, mais aussi au maintien dans l'emploi et au développement de nos compétences. Et qu'il s'agit d'un investissement primordial pour l'entreprise, qui doit lui permettre de progresser sur ses marchés dans un contexte particulièrement concurrentiel". La réalité est que l'entreprise “n'a pas de véritable politique de formation et qu'elle se préoccupe peu du développement des compétences des salariés", déplore le syndicaliste. Une réalité qui semble d'ailleurs loin de lui être exclusive.

Les travaux de la commission formation, outre leur caractère plutôt chronophage − ils durent une journée et demie −, constituent “des séances de validation d'un catalogue recensant l'ensemble des actions à réaliser par service. Ce n'est qu'une simple énumération sans valeur ajoutée, car il n'y a pas de réelle mise en perspective. Nous arrivons rarement à influer sur les choix de la direction", se désole Jean-Marc Pinet.

GE Healthcare est né de la fusion, en 1988, entre GE Medical Systems et Thomson-CGR. GE possède trois principaux sites de production à Belfort (GE Energy), à Buc (GE Healthcare) et au Creusot (GE Oil & Gas). Il emploie 11 000 salariés en France.