La gestion des talents s'impose dans l'agenda des DRH
Par Benjamin d'Alguerre - Le 16 avril 2013.
C'est la grande ambivalence de la gestion des talents “à la française" :
63 % des entreprises la considèrent “critique" pour leurs performances (particulièrement en situation de crise), mais lorsqu'elles sont interrogées [ 1 ]Selon une enquête Féfaur-ANDRH menée en janvier auprès de 300 entreprises françaises, tous secteurs d'activité confondus. sur le temps qu'elles y consacrent, les équipes managériales ne sont que 3 % à reconnaître y consacrer plus de vingt jours par an… Paradoxe ? Pas vraiment, à en croire Odile Pellier, directrice opérationnelle du développement RH au sein de Stago et co-animatrice du Club “gestion des talents" de l'ANDRH [ 2 ]Association nationale des directeurs de ressources humaines., puisque le déploiement de telles politiques au sein des services ressources humaines est encore récent en France. “42 % des entreprises interrogées n'ont mis en place des dispositifs prévisionnels de gestion des talents que depuis trois ans, dont près de 12 % durant l'année écoulée."
A contrario, selon elle, la véritable nouveauté réside plutôt dans le fait que les grandes entreprises, dont la gestion des talents constituait jusqu'à présent l'apanage, sont rejointes par leurs homologues de taille plus modeste. Au total, 65 % des entreprises du panel, quels que soient leurs effectifs, indiquent avoir déployé ce type de dispositif en interne.
Le “social-learning" présentiel, plébiscité pour former les “talents"
Sans surprise, les questions de carrière et de mobilité (81 %), ainsi que de développement et de formation (80 %) constituent le gros morceau des politiques de gestion de talents mis en œuvre. Une formation que les entreprises assurent par le biais de séances
présentielles (à 82 %, le recours au e-learning n'étant prisé que dans 16 % des cas). Mais loin d'enfermer leurs collaborateurs dans des salles de classe, les directions générales et leurs services RH recourent massivement au social learning (coaching sur le poste de travail, promotion des apprentissages informels, etc.) pour développer le potentiel de leurs salariés. Collaborateurs qui demeurent d'ailleurs quasi exclusivement des cadres [ 3 ]Des cadres essentiellement jeunes, puisque seuls 6 % des plus de 45 ans sont concernés par ces politiques, ce qui constitue, là encore, une exception française..
“Cette focalisation sur les cadres est typiquement française", fait observer Sébastien Guiragossian, DRH du groupe ID Logistics, au sein duquel 80 % des postes opérationnels relèvent de statuts ouvriers. “Dans notre configuration, cibler l'encadrement n'aurait aucun sens. Au contraire, ce sont les performances de la base qui sont mises en valeur en privilégiant le développement du leadership et des techniques métiers." Le renforcement du leadership représente d'ailleurs, à 80 %, la première compétence attendue d'un talent dans les entreprises du panel. C'est ainsi le cas chez Carrefour qui,
depuis six ans, “cherche à pérenniser ses talents pour assurer la relève des postes-clés de l'entreprise", à en croire Cyril Gattegno, responsable du management des talents de l'enseigne.
La course aux talents
Recruter, former, fidéliser : tel est le triptyque autour duquel les services RH tournent et retournent, tant il est vrai que l'instabilité et l'internationalisation du marché du travail conduisent les talents à se comporter en mercenaires de la feuille de paye. “Il a tant été répété
aux salariés qu'ils étaient les premiers responsables de leur employabilité, qu'ils ont fini par le comprendre et par passer d'une entreprise à l'autre en fonction des opportunités proposées.
Leur fidélisation est problématique", résume Michel Diaz, directeur du cabinet Féfaur. De fait, la rétention des talents dans l'entreprise apparaît comme un objectif essentiel d'une gestion RH performante pour 56 % des entreprises, juste derrière le recrutement de ces perles rares (76 %).
Une GPEC indépendante de la crise
Que la crise soit en partie responsable de la prise de conscience des entreprises à la gestion de leurs talents est indéniable, puisque 58 % des politiques idoines ont été initiées en 2008. Mais elle n'a pas été l'unique déclencheur de la prise de conscience des entreprises, dont certaines avaient déployé ces outils antérieurement, à l'image du groupe papetier Sequana. “Le marché du papier n'a pas attendu la crise pour l'être, puisque ce business connaît une diminution de 5 % par an environ", témoigne son DRH, Guy Leonard. Aussi, au sein du groupe, c'est moins le développement de l'activité qui est visé que son maintien au plus haut niveau pour demeurer “the last man standing" sur le marché de la papèterie. À cet effet, Sequana a entamé une procédure de gestion des talents portant sur près de 15 000 de ses collaborateurs et mettant particulièrement l'accent sur la formation de ces derniers, afin de doper leurs performances, “d'abord dans le secteur des ventes, ensuite dans celui de la production", explique le DRH du groupe.
Imbriquer davantage RH et management sur ce type de projet
Crise ou non, la gestion des talents est devenue un enjeu stratégique pour les entreprises françaises qui, selon Odile Pellier, “ne manquent pas d'imagination pour établir de vastes panoplies d'indicateurs mesurant leurs besoins". Cependant, les remontées du terrain sont unanimes pour réclamer une articulation plus souple entre services RH et management, qui persistent encore à fonctionner “top-down" − en verticale descendante − et non en partenariat sur ces questions.
“La gestion des talents est un projet d'entreprise qui doit s'appuyer sur une plus grande transparence. Les ressources humaines, la direction et l'encadrement doivent travailler ensemble sur ce type de
projet", confirme un responsable RH. Car malgré les bons résultats obtenus, de nombreux freins hiérarchiques subsistent.
3.
Notes
1. | ↑ | Selon une enquête Féfaur-ANDRH menée en janvier auprès de 300 entreprises françaises, tous secteurs d'activité confondus. |
2. | ↑ | Association nationale des directeurs de ressources humaines. |
3. | ↑ | Des cadres essentiellement jeunes, puisque seuls 6 % des plus de 45 ans sont concernés par ces politiques, ce qui constitue, là encore, une exception française. |