Les cadres, grands bénéficiaires de la formation ? Pas toujours

Par - Le 01 décembre 2013.

“Le débat actuel relatif à
la formation professionnelle
donne la priorité aux chômeurs
et aux salariés peu qualifiés.
Mais certains cadres, les plus
âgés et les moins diplômés,
bénéficient peu de la formation
continue. En réalité, le statut
de cadre n'est pas un rempart
contre la déqualification professionnelle",
constate Nicolas
Fourmont, consultant senior au
cabinet Sextant Expertise, dans
une étude [ 1 ]Étude intitulée “Les cadres
fragilisés, oubliés de la formation ?
L'exemple du secteur des SSII".
consacrée au secteur
des sociétés de services en
ingénierie informatique (SSII).

Gare au “processus
de marginalisation"


S'il est compréhensible et
aisément défendable que la
priorité nationale soit de mettre
des moyens financiers sur les
chômeurs et les salariés les
moins qualifiés, il semble, selon
lui, aussi nécessaire de “sortir
d'une analyse manichéenne
qui consisterait à opposer la
catégorie des cadres à celle des
non-cadres". Car dans le débat
actuel, la formation des cadres
n'est définie qu'en creux.
Que cela soit dans le secteur
de l'informatique ou dans tout
autre domaine d'activité, il
existe une population de cadres
déclassifiés et oubliés de la
formation. L'expert précise
que ce sont principalement
les cadres positionnés sur des
domaines jugés peu attractifs
par leur direction. C'est aussi le
cas de ceux considérés comme
âgés. En effet, passé 45 ans,
le taux d'accès à la formation
décroît avec l'âge des salariés.
Et la proportion de cadres non
formés depuis plus de trois ans
est très conséquente parmi
les salariés âgés de plus de
59 ans : un salarié sur deux de
cette tranche d'âge est touché
par le phénomène. Un paradoxe
qui rejoint le débat national :
“Ce sont les salariés dont
l'avenir est le plus incertain qui
mobilisent le moins de moyens
de formation", note l'expert,
selon qui le statut de cadre
n'est pas un rempart contre la
déqualification professionnelle.
Il avertit : “Si rien n'est fait pour
les remettre à niveau, ils seront
victimes d'un processus de marginalisation
du marché interne
du travail et seront menacés
sur leur poste. Faut-il attendre
leur entrée au chômage pour les
former et les positionner sur des
segments de marché porteurs ?
À l'évidence, le maintien dans
l'emploi devrait s'imposer."

D'autres modes
d'apprentissage


À quoi doit-on cette mise à
l'écart des cadres âgés ? Les
directions d'entreprise informatique
interrogées “émettent
l'idée qu'avec l'expérience,
le cadre formel et rigide d'un
stage de formation perdrait de
sa pertinence. D'autres modes
d'apprentissage viennent alors
se substituer aux stages de
formation : les séminaires, les
groupes de réflexion, l'appartenance
et/ou l'animation
de communautés d'expertise
remplaceraient les sessions
de formation", répond Nicolas
Fourmont. Il relativise ce point
de vue : “Dans un secteur
d'activité où suivre l'évolution
technique est crucial, nous
comprenons assez mal comment
des salariés âgés pourraient se
passer de ces mises à niveau
régulières."
Afin d'inciter les directions à
former les salariés fragilisés,
“la mutualisation des fonds de
la formation permet de financer
des dispositifs qui n'auraient
jamais trouvé leur place au sein
des entreprises si elles avaient
dû porter seules les financements".
Le déploiement de bilan
de compétences, de VAE, la prise
en charge de Dif et de Cif, ainsi
que des périodes de professionnalisation,
sont autant de dispositifs
ouverts à des cofinancements
venant accompagner
les évolutions professionnelles
des salariés fragilisés y compris
celles des cadres en perte de
vitesse...

Notes   [ + ]

1. Étude intitulée “Les cadres
fragilisés, oubliés de la formation ?
L'exemple du secteur des SSII".