Les OPP Manpower, Altédia et Sodie auditionnés par la commission des affaires sociales de l'Assemblée
Par Benjamin d'Alguerre - Le 16 février 2013.
Quelques jours après la sortie du rapport faisant état des réserves qu'émettait Pôle emploi vis-à-vis du recours à la sous-traitance du placement des demandeurs d'emploi par des opérateurs privés de placement, la commission des affaires sociales de l'Assemblée nationale auditionnait, le 29 janvier, les représentants de plusieurs de ces opérateurs − Manpower, Altédia (filiale d'Adecco) et Sodie − ainsi qu'Emmanuelle Wargon, déléguée générale à l'emploi et à la formation professionnelle (DGEFP).
Face aux députés, aucun des acteurs du placement des demandeurs d'emploi n'a nié les difficultés rencontrées dans le cadre de cette sous-traitance. En premier lieu, Pierre Ferracci, directeur général du cabinet Sodie, qui a particulièrement pointé du doigt l'évaluation “administrative" à laquelle ont été soumises ces structures privées peu habituées à travailler selon des critères publics. “L'évaluation finale s'est effectuée selon une méthodologie qui n'est pas la nôtre", a observé le patron du groupe Alpha, qui a cependant reconnu une nette amélioration des relations entre donneur d'ordres et sous-traitants, grâce à l'harmonisation progressive du pilotage de l'organisation de travail, quand bien même − aspect passé sous silence par l'opérateur public − “le choix de Pôle emploi de conserver en son sein le portefeuille des chômeurs les plus près de l'emploi a contribué à créer des tensions, qui n'ont rien apporté en termes de bonnes pratiques". Une observation également notifiée par Christian Degeilh, directeur général adjoint d'Altédia.
Des relations peu “partenariales"
Côté Manpower, c'est principalement l'attribution des appels d'offres par lots qui a suscité des retards à l'allumage, du fait d'un manque de rationalisation de ceux-ci en fonction des réalités locales. “Le lot « Bretagne » regroupait pas moins de trente-cinq occurrences géographiques distinctes, parfois dans les lieux les plus improbables et ce, sur une durée de deux ans, sans tenir compte des flux, ce qui a entraîné des problèmes de moyens, de locaux ou de matériel au sein de nos équipes", a expliqué Bernard Nebout, directeur de la Fondation “Égalité des chances" au sein du géant de l'intérim. Une relation “à revoir", entre OPP et Pôle emploi, donc, selon Pierre Ferracci, qui préférerait voir la constitution de partenariats plutôt que “la relation donneur d'ordres - sous-traitants" telle qu'elle a pu exister.
La “culture du résultat" est en chemin
Le recours aux OPP ? “Une situation à replacer dans son contexte", a demandé Emmanuelle Wargon. Un contexte marqué par une hausse constante du chômage, notamment, puisque de 3,1 millions en janvier 2008, les demandeurs d'emploi de catégorie A, B et C sont passés à près de 4,25 millions trois ans plus tard. “Il faut accepter l'idée que cette augmentation significative du chômage pose la question des moyens accordés à Pôle emploi et de sa manière de fonctionner dans le suivi des chômeurs", a souligné la DGEFP, avouant que la “la culture du résultat" (induite dans la nouvelle convention tripartite et le plan Pôle emploi 2015) ne faisait pas encore partie de la culture du service public de l'emploi, davantage habitué à raisonner en termes de nombres d'entretiens menés ou de moyens alloués à l'accompagnement.
Une perspective plus large
Le futur “acte III de la décentralisation" sera d'ailleurs l'occasion de “préciser le rôle du service public de l'emploi", a poursuivi Emmanuelle Wargon. D'ailleurs, les chantiers sur lesquels est actuellement mobilisé Pôle emploi vont l'amener à davantage articuler son action avec celle des acteurs des territoires. Exemple : “Parmi les inscrits à Pôle emploi, on rencontre des individus en grande difficulté sociale. Qui peut leur permettre d'accéder au logement ? Certainement pas Pôle emploi, dont ce n'est pas la mission."
De fait, si, aux yeux de la déléguée générale, Pôle emploi constitue “la première ligne" de l'insertion et de la lutte contre le chômage, d'autres structures ne peuvent manquer de lui être associées − Missions locales, Écoles de la deuxième chance, Cap emploi, associations, ou encore... OPP.
“Aucune doctrine claire" concernant les OPP
Reste qu'au sujet de ce recours à des opérateurs privés extérieurs, qu'ils soient de nature commerciale ou associative, “il n'existe aucune doctrine claire les concernant" au sein du service public de l'emploi, a remarqué l'ancienne directrice de cabinet de Martin Hirsch. Jusqu'ici, ces derniers n'ont effectivement pas constitué des “partenaires" pour Pôle emploi, mais bien “des sous-traitants concurrentiels"...
Les stratégies de collaborations futures sont à repenser, particulièrement au moment où l'ex-ANPE est mobilisée sur le dispositif des contrats d'avenir (4 000 déjà signés à ce jour). Et cette réflexion sur l'articulation entre Pôle emploi et OPP devra tenir compte des futures attributions supplémentaires des Régions. Les conventions qui seront amenées à être signées dans un avenir proche ne pourront faire abstraction, a insisté Emmanuelle Wargon, “des acteurs et des outils régionaux".