Les permanents syndicaux en fin de mandat : comment reprendre son poste
Par Benjamin d'Alguerre - Le 16 juillet 2013.
Le retour à l'emploi des élus du personnel
une fois leur mandat achevé constitue une
problématique pour les services RH, particulièrement
dans les grandes structures, où
les représentants du personnel (délégués
syndicaux, du personnel, etc.) tendent à devenir
des élus permanents, occupés à cette
seule fonction.
Fin 2009, lors du dernier comité
d'entreprise de l'année au sein
d'un grand groupe informatique,
le temps des “questions
diverses" avait été le moment,
pour le secrétaire (CFE-CGC)
du CE, de signifier à l'assemblée sa volonté
d'abandonner son mandat. Pression patronale
? Non. Juste le constat – pour ce chef
de projets en développement de logiciels –
que ses activités d'élu du personnel interféraient
avec la nécessaire mise à jour permanente
de ses connaissances techniques, au point
de n'être plus capable, à terme, de diriger
son équipe. “J'aurais peur de me retrouver
comme Charlton Heston dans « La Planète
des singes », lorsqu'il débarque sur la plage et
découvre les ruines de la Statue de la liberté…",
avouait-il alors.
Quand il faut “replacer" près de 280 salariés
Anecdote ? Pas vraiment. Comment pleinement
réintégrer ces salariés dans leur
emploi, lorsque cessent leurs fonctions
électives ? La question s'est encore posée,
en 2011, à l'occasion des élections professionnelles
chez Orange, qui ont vu la CFDT,
la CGT et – surtout – Sud reculer au profit de
la CFTC et de l'alliance CFE-CGC-Unsa.
“Concrètement, cela s'est traduit par la nécessité
de replacer près de 280 personnes à
leur poste de travail !", a indiqué Bruno Mettling,
DRH adjoint du groupe téléphonique,
lors de rencontres organisées par l'ANDRH [ 1 ]Association nationale des DRH,
le 28 juin dernier, consacrées aux “stratégies
d'entreprise et pratiques RH
dans un monde en mutation".
“Où en est-on de la GPEC
des représentants syndicaux ?",
s'interrogeait le responsable
des ressources humaines
d'Orange. Lequel doit compter
avec un dialogue social vieillissant (la
moyenne d'âge des IRP approche la cinquantaine),
des problèmes de renouvellement des
générations et des délégués du personnel
qui peinent à concilier vie professionnelle
et vie militante dans un écosystème syndical
restreint, où seuls 5 % des salariés du
privé sont encartés au sein d'une organisation
représentative.
Des compétences à valoriser
“Malheureusement, les compétences techniques
acquises par un représentant du
personnel durant son mandat ne sont
pas toujours compatibles avec son retour
en poste", notait Jean Agulhon, DRH
France chez Renault. Pourtant, il existe
une réalité des compétences acquises au
travers des mandats syndicaux. “Compétences
juridiques, compétences en termes de
négociation, compétences sur les questions
d'assurance et de prévoyance…", décrivait
Audrey Vitu, directrice des ressources humaines
de l'Union coopérative alliance
bois-forêt, entité qui compte une soixantaine
d'IRP.
Toutefois, la valorisation des compétences
ainsi acquises ne va pas de soi dans l'entreprise.
“Il existe encore des boîtes où
celui qui s'investit dans un mandat voit
sa carrière s'arrêter", assurait Stéphane
Lardy, secrétaire confédéral Force ouvrière.
D'où, à ses yeux, la pertinence de traiter la
reconnaissance des compétences acquises
et des parcours professionnels au niveau
des branches plutôt que des entreprises,
particulièrement pour ces élus “qui ne souhaitent
pas forcément l'être toute leur vie".
Sentiment d'impuissance...
D'autant que les paramètres se révèlent différents
dès lors qu'ils sont abordés dans le
public ou le privé, dans les grands groupes
ou dans les PME. “La taille de l'entreprise
peut effectivement constituer un critère
d'engagement syndical", regrettait Patrick
Pierron, secrétaire national CFDT. Ça, et aussi
le sentiment d'impuissance des CE face
à l'internationalisation des grands groupes,
le dumping social qui peut en découler –
y compris intra-européen – et la gestion sur
place de décisions stratégiques parfois
prises à des milliers de kilomètres, qui
impactent l'emploi local. C'est le cas aux
papeteries de Condat, principal employeur
de Dordogne et filiale d'un groupe espagnol,
qui connaît actuellement son quatrième PSE
en cinq ans. “Face à une situation qui les
dépasse, les élus du CE ne savent plus quoi
faire !", avouait Stéphane Lardy.
Le cas est similaire dans la filière porcine
bretonne qui subit la concurrence de l'Allemagne
– laquelle délocalise en Roumanie – et
entraîne l'impuissance des CE locaux, tout en
occasionnant autant de besoins en formation
pour des élus dont l'expertise pourra, demain,
se déployer au sein même des entreprises.
Intégrer la dimension européenne :
là est l'enjeu. Et c'est aussi celui de la GPEC
des représentants du personnel
Notes
1. | ↑ | Association nationale des DRH |