Paca - Un dispositif de GTEC pour la sécurisation des travailleurs saisonniers

Par - Le 16 octobre 2013.

Alors que le débat sur les conditions
d'accès à la formation aime à se focaliser
sur l'opposition entre salariés en CDI et
demandeurs d'emploi, les travailleurs
saisonniers sont eux le plus souvent absents
des discussions. Pas en région Provence-
Alpes-Côte d'Azur (Paca), où un dispositif
de gestion territoriale des emplois et des
compétences (GTEC) était présenté le
1er octobre dernier, à l'initiative d'Agefos-
PME Paca [ 1 ]Conférence-débat “Gestion territoriale
des emplois et des compétences :
actions et réalisations", 1er octobre 2013,
Marseille.
. Une belle illustration pour montrer
“comment la problématique d'un territoire
mobilise différents acteurs autour d'un projet
commun".

Quand partir en formation alors qu'il n'est bien
sûr pas question de s'absenter alors que l'on
vient de signer un contrat de skiman pour la
saison d'hiver ? Vers qui se tourner pour obtenir
un financement lorsque l'on multiplie les
employeurs et les statuts ? Comment relier des
activités qui n'ont parfois pour seul lien que
leur caractère temporaire ? Comment prendre
le temps d'une réflexion sur son parcours
professionnel lorsque l'on est confronté à
une succession d'emplois de courte durée ?
Autant de questions qui attestent de la
complexité de la formation des travailleurs
saisonniers. Confrontées à la problématique
de par leur vocation touristique, les Hautes-
Alpes ont choisi une réponse innovante
avec la création d'une commission paritaire
interprofessionnelle départementale (voir
encadré). Unique en France et saluée comme
un exemple de bonne gouvernance par Isabelle
Menant, chef de mission Développement de
l'emploi et des compétences à la DGEFP,
cette CPID a permis de mettre en place un
accord de partenariat pour la sécurisation
des parcours et la continuité professionnelle
des saisonniers des Hautes-Alpes. Objectif :
permettre à ces derniers de se former tout au
long de l'année, quel que soit leur statut.

Accompagnement au long cours

Témoins de la dimension pratique du dispositif,
les saisonniers ne sont pas enfermés dans
un unique catalogue de formations, qui
répondrait difficilement à l'hétérogénéité de
leur situation. Au contraire, ils sont invités
à renseigner une “grille de recensement des
besoins", disponible sur le site d'Agefos-
PME Paca et dans de nombreux lieux publics.
Volontairement succinct, ce document qui
permet de remplir un mini CV et d'indiquer
ses objectifs en termes de formation et
de parcours professionnel servira de point
de départ à l'entretien qui suivra avec un
conseiller d'Agefos-PME. Anaïs Bruna-Rosso,
conseillère développeur professionnalisation
à l'antenne des Alpes du Sud, le souligne :
les acteurs sont multiples mais l'intérêt est
de pouvoir ainsi “proposer un guichet unique
aux travailleurs saisonniers, qu'ils soient ou
non dans les entreprises". Concrètement,
nous explique Lisette Freccero, responsable
de l'antenne des Alpes du Sud, la conseillère
Agefos-PME rappelle le saisonnier pour
préciser le projet, interpelle les partenaires
et passe le relais si l'un d'entre eux émerge
comme l'interlocuteur naturel du travailleur
saisonnier. Sinon ? “Nous recherchons des
solutions et, lorsque le saisonnier ne répond à
aucun des critères, saisissons la Région sur le
fond Iris pour récupérer ceux qui passeraient
entre les « trous de la raquette »…"

Bien sûr, tous les travailleurs saisonniers
n'ont pas présent à l'esprit la question de la
construction de leur parcours professionnel.
Raison pour laquelle Agefos-PME s'appuie
sur les employeurs chez qui l'Opca organise
parfois des réunions d'information. Si l'on
peut se demander où se situe l'intérêt des
employeurs dans ce dispositif qui concerne
des travailleurs non destinés à rester dans
l'entreprise, la réponse est simple : “Le
dispositif est à double entrée avec, d'un
côté, les saisonniers précaires, de l'autre, les
entreprises et leurs besoins de compétences",
explique Lisette Freccero.

D'où un travail sur l'offre de formation conduit
avec l'ensemble des partenaires et un focus
sur le calendrier, les contenus et les coûts.
Ainsi, puisqu'il n'est pas possible de se former
pendant la saison, l'accord de sécurisation
porté par la CPID permet justement d'élargir
le contrat de travail, en amont ou en aval de
la saison, avec une prise en charge des frais
de formation et des salaires (à 100 % pour les
entreprises de moins de 10 salariés et de façon
partielle pour les autres).

Autre facteur de satisfaction pour les
employeurs, la possibilité de réduire leurs
coûts par l'embauche de saisonniers devenus
pluri-compétents. Ainsi, par exemple,
d'une entreprise de sports en eau vive, qui
peut désormais se passer de recourir à un
transporteur indépendant pour acheminer
clients et matériel, grâce à la prise en charge
de la formation transport en commun dans le
cadre de l'accord saisonnier.

Il est également important de souligner que
le travail saisonnier n'exclut pas de travailler
dans la durée. D'une part, la majorité des
saisonniers revient d'une année sur l'autre
et peut ainsi s'inscrire dans une logique
de parcours ; d'autre part, plus de 30 %
des bénéficiaires choisissent de sortir de
la saisonnalité et s'engagent dans des
formations longues de reconversion.

Et demain ?

Bien que salué pour ses résultats qui vont
du développement de compétences à la
reconversion ou création d'entreprise, le
dispositif n'en est pas moins en danger, alerte
Philippe Cottet, représentant de la CPID des
Hautes-Alpes. Et de citer en exemple le poste
d'Anaïs Bruna-Rosso, objet de financements
croisés en provenance du Fonds paritaire de
sécurisation des parcours professionnels
(FPSPP) et du Fonds social européen (FSE),
arrivant tous deux à terme en décembre 2013
et sans garantie à ce jour de pérennisation :
“Nous avons besoin d'une certaine continuité
des politiques publiques pour soutenir les
projets territoriaux", insiste-t-il.

Pour William Sarraute, trésorier du FPSPP, le
problème est réel mais se heurte à des budgets
limités : “La formation des emploi saisonniers
dépend d'appels à projets territoriaux pour
lesquels nous disposons de 40 millions d'euros,
alors que nous avons une demande trois fois
supérieure avec
beaucoup de bons
projets", regrettet

 i l . Comment
travailler demain
dans un contexte
d e b u d g e t s
contraints ? Ne
surtout pas négliger
les partenariats
territoriaux, répond
Isabelle Menant,
qui déclare “ne
plus croire à la
c o n t i n u i t é " a u
vu du volume de
projets. Cherchant
des raisons d'espérer, la chef de mission en
profite pour rappeler le travail d'Emmanuelle
Wargon à la DGEFP, qui a permis selon elle
de “conserver une capacité d'intervention"
en organisant la “fongibilité" des fonds et en
réussissant à “remonter l'enveloppe" dans
le cadre de l'actuel projet de loi de finances.
Évoquant à maintes reprises la mauvaise
circulation de l'information entre le national
et le régional, Isabelle Menant conseille enfin
fortement aux acteurs régionaux d'“aider la
Direccte à comprendre" ce qui se fait.

Conclusion du directeur général d'Agefos-
PME : “Pour vivre heureux, ne vivons surtout
pas cachés !"

LA CPID DES HAUTES-ALPES
Créée en 2004 avec l'appui de l'unité territoriale de la Direccte, la commission paritaire
interprofessionnelle départementale (CPID) des Hautes-Alpes est une instance partenariale
destinée à traiter des problématiques spécifiques au département, comme la formation
des saisonniers. Un premier accord départemental triennal sur la sécurisation des parcours
professionnels des travailleurs saisonniers du tourisme a été conclu en octobre 2008
et renouvelé en juin 2011. L'objectif formation s'inscrit dans le cadre d'une action de
développement de l'emploi et des compétences (Adec) dont l'ingénierie du dispositif a été
confiée à Agefos-PME. Les principaux cofinanceurs sont l'État, le Conseil régional Paca, le
fonds de formation d'intervention régionale pour l'investissement social (Iris), Pôle emploi,
Agefos-PME, Uniformation, le Fongecif, le FPSPP et le FSE.

LES “PROGRAMMES INTÉGRÉS TERRITORIAUX"

Alors que l'accord sur la formation des saisonniers n'était que l'un des nombreux
exemples de dispositifs de GTEC présentés ce jour, nous avons demandé à Joël Ruiz,
directeur général d'Agefos-PME, si une méthodologie particulière avait été développée
par son organisation. Réponse avec le rappel des “Programmes intégrés territoriaux de
développement de l'emploi et de la formation dans les PME", dispositifs lancés dès 1995
par Agefos-PME. Comme nous l'avait indiqué dans un entretien Serge Géri (L'Inffo n° 830,
p. 25), directeur d'Agefos-PME Rhône-Alpes, les objectifs étaient au nombre de quatre :
prendre en compte les problèmes de formation et d'emploi que pouvaient rencontrer les
PME selon les caractéristiques de leur territoire ; favoriser les synergies interentreprises,
mais également entre les entreprises et les acteurs locaux ; renforcer la solidarité entre les
entreprises ; rompre l'isolement des TPE-PME. “Le grand bilan des programmes intégrés
territoriaux, souligne Joël Ruiz, c'est que beaucoup d'entre eux sont devenus aujourd'hui
des territoires de projet."

Notes   [ + ]

1. Conférence-débat “Gestion territoriale
des emplois et des compétences :
actions et réalisations", 1er octobre 2013,
Marseille.