Pas de compte personnel de formation sans les Ateliers de pédagogie personnalisée ?

Par - Le 01 décembre 2013.

“Sans une formule pédagogique basée sur les fondamentaux des Ateliers de pédagogie personnalisée,
le futur compte personnel de formation est voué à l'échec programmé." Un brin provocatrice,
certainement audacieuse, la conclusion du manifeste pour l'action dévoilé par l'APapp [ 1 ]Association pour la promotion du label APP. lors de son sixième comité national d'orientation et de suivi des APP (Lyon, 13 novembre 2013) tient du pari.

Brandissant un document produit
par le Collectif des présidents[ 2 ] Le “Collectif des présidents pour l'amélioration de la formation professionnelle", dont la fondation a été actée le 15 février 2013, rassemble les présidents d'associations et d'organismes comme l'Afref, l'ANDML, le Fffod, le Gehfa, etc.,
et l'APapp. Voir L'Inffo n° 829, p. 5 ; et dans ce numéro, p. 6.
,
récapitulatif des réformes du système français de formation
professionnelle continue depuis les années 60, Michel Tétart, conseiller
auprès de l'équipe et des membres du bureau de l'APapp, a dans sa besace le chapitre final : peu importe le flacon…, que la France s'empare de la “formule pédagogique" des APP et construise, enfin, un “bien-commun formation, partagé et universel, relevant de l'intérêt
général, tenant sa légitimité de l'ensemble des acteurs dont les usagers".

À l'origine du “manifeste pour l'action" présenté par Michel Tétart,
de nombreuses actions de lobbying politique menées ces derniers mois
par l'association. Parmi celles-ci, une rencontre avec la DGEFP fin septembre 2013 a sans doute été déterminante.

Premier point positif, la Délégation se serait alors, selon Marie-Anne
Corbin, directrice de l'APapp, montrée réceptive au point de réfléchir à utiliser “la démarche APP comme cadre de référence pour l'accès aux compétencesclés partout en France". Deuxième point positif, la DGEFP aurait également invité l'APapp à se rapprocher du CNFPTLV. Désormais membre du groupe de travail Illettrisme de cette instance paritaire, l'APapp a produit une contribution écrite, dont le présent
manifeste est une déclinaison. Justification du manifeste ? Une
succession de réformes incapables de régler une fois pour toutes la question de l'accès à la formation. La légitimité des APP à intervenir dans le débat ? Vingt-cinq années de mise en oeuvre d'une approche pédagogique labellisée présentée comme pertinente pour tous. La proposition ? Fonder un “modèle de référence" commun qui ne fasse pas table rase des valeurs de l'éducation permanente portée par les APP.

Des préjugés à combattre

Le verre à moitié plein : si les APP existent toujours plus de vingt-cinq ans après la création de la formule, c'est bien qu'ils doivent avoir prouvé leur utilité sociale. Le verre à moitié vide : s'ils doivent aujourd'hui se battre comme au premier jour pour se pérenniser et se développer, c'est que la persistance d'idées reçues sur les objectifs de la formation et les publics cibles empêche l'adhésion pleine et entière au concept. Parmi celles listées par le manifeste pour l'action : la valeur éternelle du diplôme, le caractère indispensable de la prescription, la “linéarité progressive" de tout parcours digne de ce nom, l'absence d'appétence des bas niveaux de qualification et des personnes illettrées et leur inadaptation à l'innovation pédagogique…

Des recettes à dupliquer

Soyons clairs, qu'ils soient déjà en oeuvre ou à l'état d'idéal, les objectifs de la réforme tels que définis par le manifeste pour l'action sont ceux portés par les APP. Ainsi, par exemple, de la “mise en place d'un positionnement-diagnostic permettant à chacun de mettre « au jour » ses connaissances et ses compétences comme préalable à tout parcours de formation". De même pour la “possibilité d'accéder à tout
moment à des prestations liées à la maîtrise des compétences-clés" ou le “développement d'un maillage territorial composé d'espaces
formation de proximité"…

Le défi : créer un “modèle
référent type"


Prudent vis-à-vis du caractère communicatif de l'enthousiasme, l'ancien ministre de la Formation professionnelle Thierry Repentin aurait de source sûre prononcé un jour à propos des Cités des métiers, modèle qu'il défendait volontiers : “Méfions nous, ces gens-là sont des passionnés !" Ajoutant le militantisme à la passion, les APP en viennent aujourd'hui à offrir leur modèle à la France. Ainsi
recommandent-ils de “mettre en oeuvre une pédagogie personnalisée spécifique, reconnue, labellisée, suivie et évaluée", d'“assurer des sources variées de financement", de “donner une place active aux
usagers" et de “structurer et organiser un fonctionnement en réseau national, régional et territorial".

À bon entendeur, si les acteurs de la réforme veulent se débarrasser définitivement des APP, qu'ils en fassent la matrice ! Et le manifeste de conclure :
“Chacun, en apportant une contribution partielle, sera partie prenante du tout. C'est une forme de « copropriété » et de
« codéveloppement » qu'il faut imaginer.

La loi doit en garantir les principes, l'ensemble des acteurs concernés, les principales
modalités de mise en oeuvre."

LES APP DEVIENNENT PRESTATAIRES D'UNIFORMATION
Après l'accord-cadre signé le 4 novembre dernier avec Intergros, l'APapp a profité de la sixième édition de son comité national d'orientation et de suivi (Cnos) des Ateliers de pédagogie personnalisée pour conclure une convention avec Uniformation, l'Opca des entreprises de l'économie
sociale.

Signée par la présidente de l'APapp, Marie Boucon, et par Delphine Zurro, déléguée interrégionale Uniformation Centre-Est, l'objet de la
convention est de “contribuer à construire et pérenniser une offre de services adaptée favorisant la maîtrise des compétences-clés définies dans le cadre européen".

Tous les APP sont habilités

À la différence de la convention conclue avec Intergros, qui positionne l'APapp comme intermédiaire entre ses adhérents et les APP, Uniformation a, lui, choisi d'habiliter l'ensemble des APP, lesquels pourront donc traiter “en direct" avec les entreprises adhérentes. Garant de la qualité, l'APapp va, elle, proposer à chaque APP les éléments de la procédure intégrant les éléments nécessaires au bon déroulement de la formation. Visant les salariés en situation d'illettrisme ou ayant besoin de renforcer le socle de compétences, le dispositif APP devra permettre d'identifier les besoins des salariés susceptibles de participer aux actions ; de proposer à chacun des parcours de formation personnalisés “répondant aux
besoins identifiés et aux contraintes organisationnelles locales" ; et de donner un “caractère opérationnel" à la formation, “de façon à ce
que les acquis soient immédiatement transférables en situation de travail".

“Un acteur intéressant pour
faire passer certains messages"


Trois étapes structurent le parcours. D'abord, le “positionnement", effectué par l'APP avec validation des attentes et objectifs par l'employeur et signature du contrat pédagogique par le salarié ; ensuite, la formation, assurée par l'APP ; enfin, le bilan, assorti de “préconisations pour une poursuite éventuelle de la formation".

Commentant pour l'occasion le rôle de l'Opca, Delphine Zurro souligne l'intérêt du conseiller formation de l'organisme collecteur pour
les APP : “Il peut être un acteur intéressant pour faire passer certains messages, car juste à la bonne place entre l'approche pédagogique
des APP et la réalité de l'entreprise, avec sa logique de court terme
adaptative", estime-t-elle. Et de souligner :

“Avec leur souplesse liée au système d'entrée-sortie permanente et à l'ajustement des contenus aux besoins des salariés, les APP ont
des outils forts pour un entrepreneur."

“Au-delà de l'opérationnalité, se félicite Marie-Anne Corbin, directrice de l'APapp, il y a vraiment un partage de valeurs ancrées dans
l'éducation permanente avec Uniformation, qui va participer à nos instances, Cnos et commission nationale de labellisation", précise-t-elle.

DU DROIT INDIVIDUEL DU POSITIONNEMENT À LA CERTIFICATION
DES COMPÉTENCES-CLÉS

Habituellement tenu à Paris, le Comité national d'orientation et de suivi (Cnos) des Ateliers de pédagogie personnalisée (APP) s'est cette année délocalisé à Lyon, dans le cadre des Assises nationales de l'illettrisme organisées par l'ANLCI (13 au 15 novembre). Si une telle association s'explique aisément par le partenariat qui lie le réseau des APP à l'ANLCI1, le choix de la région Rhône-Alpes pouvait surprendre. Car si la deuxième région de France a vu naître le concept au début
des années 1980, c'est aussi une région qui ne compte plus aucun APP depuis l'arrêt des financements étatiques de l'animation nationale
et la cession du label à l'APapp (2008). Faut-il y voir une reconquête ? Qu'il s'agisse d'“arrêter d'être trop humble", de “cesser d'être timide" ou de “balayer ses propres stéréotypes", Maurice Monoky, directeur de
l'AFP2i, porteur de l'Atelier de pédagogie personnalisée (APP) d'Arras et du SJT2 Nord-Pas-de-Calais, apparaissait en tout cas plus
déterminé que jamais pour appeler les APP à se doter d'un “plan marketing". Une certaine idée de la formation… Pour vendre quoi ? Avant tout, une certaine idée de la formation, issue des valeurs de
l'éducation permanente. Laquelle bénéficie aujourd'hui de quelque deux cents points d'accès ouverts en entrée-sortie permanente
sur le champ des huit compétences-clés européennes, une présence dans treize régions de métropole et six Dom-Tom, une organisation
en réseau régional et national, une pédagogie fondée sur l'autoformation individualisée et accompagnée, un cahier des charges national appuyé sur sept principes fondamentaux garant de la qualité de service, le tout cadré dans une démarche de labellisation co-construite avec Afnor Certification. Avec 36 000 personnes
accueillies et 2 800 000 heures de formation dispensées en 2012, le dispositif est aujourd'hui en ordre de marche, ainsi qu'en témoigne la montée en puissance des partenariats 3. Pourtant, regrettent ses promoteurs, le réseau peine encore et toujours à générer un “réflexe APP". La solution ? S'appuyer sur ses fondamentaux pour identifier clairement et faire connaître des prestations spécifiques APP. Exemple avec deux chantiers nationaux ouverts par l'APapp en 2013 et présentés par Maurice Monoky. Vers un droit individuel au positionnement compétences-clés Le premier, qui s'appuie sur la capacité historique des APP à positionner ses stagiaires, vise à créer un “droit individuel au positionnement compétences-clés (DIP), mobilisable dans le processus d'orientation tout au long de la vie". Objectif : “permettre à toute personne de faire un état des lieux de ses compétences acquises ou non dans le cadre des huit compétences-clés européennes". À la clé et selon Maurice Monoky, un dispositif à rebours des pratiques en vigueur depuis trente ans qui
parviennent, selon lui, à orienter sans jamais mesurer ni les acquis ni les écarts. A contrario, le DIP propose, lui, le “positionnement formatif
des individus", au bénéfice de ces derniers comme des acteurs de l'orientation qui bénéficieraient là d'un outil supplémentaire. Reste
qu'à l'heure où seule une région, l'Aquitaine, est aujourd'hui commune au réseau APP et à l'expérimentation en cours du futur service
public régional de l'orientation, la nouvelle prestation APP devra trouver d'autres relais pour se faire connaître dans le vaste champ
de l'orientation-formation. Limite du marketing de ce futur maillon de la chaîne de la sécurisation professionnelle, le droit individuel
au positionnement ne s'entend pas comme un droit opposable mais, à l'instar du droit individuelà la formation, pourtant lui inscrit dans la
loi, comme un simple droit d'initiative…Un processus
de reconnaissance... Deuxième chantier national : la certification
des compétences-clés. Il s'agit ici, d'une part, de “permettre de développer un processus de reconnaissance des acquis formels, informels et non formels pour la certification afin de contribuer à la reprise de confiance en soi des personnes dans le cadre du développement personnel et de l'insertion vers l'emploi" ; d'autre part, de “construire un dispositif de certification des compétences-clés au sens du cadre européen reconnu par les acteurs de l'orientation afin de faciliter la sécurisation des parcours". Pour ce faire, l'APapp propose de réaliser un inventaire des certifications correspondantes
ou utilisables dans le cadre des huit compétences-clés européennes, la mise en place d'un référentiel de compétences-clés avec
processus de certification au titre minimum d'attestation de compétences homologuée et, enfin, la création dans le cadre des APP
d'un e-portfofio dédié à la certification des compétences-clés.
S'appuyant sur les travaux de deux groupes experts, l'APapp prévoit une expérimentation du DIP et du e-portfolio APP dès le premier
semestre 2014. Le référentiel de certification compétences-clés APP serait lui formalisé pour le premier semestre 2015.
n N. D.
1. Une convention a été signée en 2012.
2. Solidarité et jalons pour le travail.
3. Conventions avec l'ANLCI, le groupe Accor,
Intergros, Uniformation, etc.

LES APP EN CHIFFRES

C'est une constante dans l'histoire des APP, le réseau se distingue par l'accueil et la formation
d'un public majoritairement féminin (68,4 %) et de niveau V (53,38 %). Sont également
présents les publics sans aucune qualification avec près de 17 % de niveau VI, mais
aussi les publics plus qualifiés : près de 20 % de niveau IV et plus de 9 % de niveau III et
plus. 74 % sont demandeurs d'emploi. On compte aujourd'hui 125 Ateliers de pédagogie
personnalisée et 75 antennes dans 13 régions de métropole et 6 Dom-Tom. Auparavant
présents en milieu carcéral avec cinquante antennes, les APP ont disparu du secteur faute
de financements. Présence en métropole : Alsace, Aquitaine, Basse-Normandie, Franche-
Comté, Haute-Normandie, Île-de-France, Languedoc-Roussillon, Lorraine, Midi-Pyrénées,
Nord-Pas-de-Calais, Picardie, Poitou-Charentes, Provence-Alpes-Côte d'Azur. Dom-Tom :
Guyane, la Réunion, Martinique, Mayotte, Nouvelle-Calédonie, Saint-Pierre-et-Miquelon.

APPEL À “CONFÉRENCE DE CONSENSUS" SUR LES COMPÉTENCES-CLÉS EUROPÉENNES

Souvent confondues avec les savoirs de base (lire, écrire, compter), le cadre européen des
compétences-clés embrasse pourtant beaucoup plus large. Profondément lié à l'essor de la
société de l'information et de la communication, il vise à former des citoyens responsables
et autonomes dans un monde en mutation rapide. De ce fait, les compétences-clés
peuvent difficilement être considérées comme définitivement acquises en formation
initiale et s'adressent potentiellement à tous. Les huit compétences-clés : communication
dans la langue maternelle ; communication en langues étrangères ; “compétence mathématique"
et compétences de base en sciences et technologies ; compétence numérique ;
apprendre à apprendre ; compétences sociales et civiques ; esprit d'initiative et d'entreprise
; sensibilité et expression culturelles. Devant l'étendue du spectre et en l'absence
de références communes sur une majorité des domaines concernés, Maurice Monoky en
appelle à la création d'une conférence de consensus chargée d'élaborer des référentiels
sur les compétences-clés.

LES SEPT PRINCIPES DU CAHIER DES CHARGES APP

Les organismes de formation labellisés APP mettent en oeuvre une démarche pédagogique spécifique prenant appui sur sept fondamentaux décrits dans un cahier des charges national : la personnalisation de la formation ; l'accompagnement de l'apprenant ; l'ancrage territorial ; la diversité des publics accueillis en flux ;
les domaines de formation référés aux huit compétences-clés européennes ; des sources diversifiées de financement ; le
fonctionnement en réseau à dimension régionale et territoriale.

Notes   [ + ]

1. Association pour la promotion du label APP.
2. Le “Collectif des présidents pour l'amélioration de la formation professionnelle", dont la fondation a été actée le 15 février 2013, rassemble les présidents d'associations et d'organismes comme l'Afref, l'ANDML, le Fffod, le Gehfa, etc.,
et l'APapp. Voir L'Inffo n° 829, p. 5 ; et dans ce numéro, p. 6.