Questions à Sylvie Brunet, vice-présidente de l'Association nationale des directeurs des ressources humaines (ANDRH)

Par - Le 15 décembre 2013.

“Le futur compte personnel de formation doit
être un outil de RH"

Sylvie Brunet est professeure associée
en management des ressources humaines
au sein d'Euromed Management,
et membre du Conseil économique, social
et environnemental (Cese).
Elle a exercé différentes fonctions dans le
domaine des ressources humaines, de la
formation et de l'emploi, et met actuellement
en place une commission formation
à l'ANDRH.

Quels sont les aspects que les DRH
souhaiteraient voir évoluer en matière
de formation professionnelle ?


La situation n'est pas la même selon la taille
des entreprises. Dans les grands groupes
qui ont un service de ressources humaines,
les remontées qui me sont faites montrent
qu'il n'y a pas forcément de demande de
nouvelle réforme. Celle qui a été menée
précédemment est trop récente, il n'y a
pas assez de recul pour en faire le bilan. En
revanche, il existe une demande de simplification.
Les DRH souhaitent ne pas ou ne
plus être noyés dans l'administratif, au risque
de dénaturer la formation qui est un outil
majeur, stratégique, d'accompagnement de
l'entreprise. D'ailleurs, ce dispositif est si
important qu'il ne devrait pas être lié à une
obligation légale... Pour la plupart
des personnes qui ont des responsabilités
au sein de l'entreprise, la formation professionnelle
est l'un des seuls outils
de politique RH qui nous ramène à des
dimensions stratégiques.

La formation professionnelle telle qu'elle
existe aujourd'hui est-elle adaptée aux
besoins des entreprises ?


Les entreprises ne travaillent pas toutes dans
le même secteur d'activité. Les obligations ne
devraient donc pas être les mêmes. Dans le
domaine des nouvelles technologies par exemple,
6 à 10 % du budget est consacré à la formation
professionnelle. Dans celui de la propreté, il y a
90 % d'ouvriers, avec beaucoup d'illettrisme.

Certes, la formation serait nécessaire pour que
ces salariés progressent, mais dans ce business
model où les marges sont très réduites, les
entreprises sont dépendantes des Opca. Outre ces
différences entre entreprises, il faut réfléchir aux
évolutions qui traversent nos univers professionnels.
Je pense en particulier aux usages des
nouvelles technologies, aux formations à distance,
aux Mooc [cours en ligne ouverts et massifs].
Les dispositifs de formation professionnelle qui
existent ne sont absolument pas adaptés à ces
évolutions. Enfin, dans les entreprises, existe
également un souci de transmission des savoirs,
qui passe par l'accompagnement de toutes les
mutations. Et cet aspect ne fait pas nécessairement
partie de la réflexion sur la formation.

Comment voyez-vous le futur compte
personnel de formation ?


Le compte personnel de formation ? On va passer
d'un droit à un compte, ce qui n'est pas pareil !
L'individualisation est intéressante ; faire du
salarié l'acteur de son parcours professionnel
est une excellente idée. Au risque toutefois de
me répéter, il me semble qu'on ne peut pas faire
l'économie de tenir compte du secteur d'activité
dans lequel le salarié évolue. Les enjeux dans
l'industrie ne sont pas les mêmes que dans les
services. Et je ne parle même pas de la taille des
entreprises, qui induit des réflexions différentes !

L'un des objectifs de la réforme est de lever les
freins structurels, à savoir que les ouvriers se
forment moins et les plus qualifiés sont ceux
qui se forment le plus. Le souci des DRH est
d'avoir davantage de latitude pour arbitrer entre
les besoins de l'entreprise et les aspirations
des salariés et de ne pas se trouver à nouveau
enfermés dans un carcan légal. Ce futur compte
doit être un outil de RH.

Quels sont les enjeux à venir ?

La formation a une dimension majeure dans
la responsabilité sociale de l'entreprise (RSE).
On s'engage dans les axes du développement
durable, c'est un sujet universel en matière de RH.
Par exemple, la transmission des savoirs ne peut
se faire qu'en relation avec un accompagnement
adéquat. Mais est-il encore question de formation
au sens strict du terme ? Elle doit forcément être
intégrée dans la réflexion de l'entreprise, tout
comme le plan de formation, qui est un outil de
dialogue social.