Colas Potvin, éduca(trice)teur de jeunes enfants

Inffo formation n° 864 - 15-31 octobre 2014 - Nicolas Deguerry

Par - Le 15 octobre 2014.

“Oui, un homme qui travaille dans la
puériculture a toute sa place !" Signés du
vice-président de la Seine-Saint-Denis en
charge de la formation professionnelle [ 1 ]Jean-Charles Nègre.,
ces quelques mots pourraient s'adresser
à Colas Potvin, 41 ans et éducateur de
jeunes enfants. À ceci près que ce dernier
n'a pas eu besoin du projet “Libérez votre
avenir professionnel", auquel se référait
l'élu du 93. Que son emploi soit avant tout
occupé par des femmes, la fiche diffusée
par l'Onisep le confirme : “L'éducateur de
jeunes enfants (EJE) ou plutôt l'éducatrice
(la profession est essentiellement féminine),
intervient auprès des enfants âgés de 0 à
7 ans." Ce qui ne veut pas dire pour autant
qu'il s'agit d'un métier de femme, n'est-ce
pas ? En tout cas, pas pour Colas Potvin, qui
a fini par faire de son ancien job d'étudiant sa
profession.

De la culture...

Et à bien y regarder, atypique d'un point de
vue statistique, son parcours n'est somme
toute pas si étranger à l'époque : une
première orientation réajustée en fonction
de ses aptitudes réelles, un premier projet
professionnel contrarié par le marché de
l'emploi et, finalement, une insertion durable
à la faveur d'un retour aux sources de la
première expérience.

Adolescent attiré par les sciences naturelles,
Colas Potvin a d'abord pensé à l'agronomie.
Mais davantage doué pour les lettres que
pour les mathématiques, c'est finalement
doté d'un bac littéraire qu'il abordera
l'enseignement supérieur. Études d'art, de
cinéma et de communication audiovisuelle,
son choix est guidé par un nouveau projet :
travailler dans le milieu culturel. Problème,
après une objection de conscience effectuée
au service communication de l'association
Aides, l'accès à l'emploi se révélera
impossible.

Qu'à cela ne tienne, Colas Potvin se lance
avec une amie pour créer et développer une
association de promotion et de diffusion
de films africains. Riche de voyages et de
rencontres, le projet vivra pendant quatre
ans, jusqu'à ce que son associée opte pour
une activité plus stable. De quoi le décider à
saisir à son tour une opportunité. Laquelle a
tout à voir avec la face B de son parcours...

... à la petite enfance

Issu d'une famille d'“instituteurs militants
pédagogiques", il explique avoir toujours
été poussé à travailler durant ses études, ce
qu'il fit en tant qu'animateur dans le cadre
de centres de vacances et de centres de
loisirs d'écoles maternelles. Vacataire au
long cours, y compris pendant sa période
africaine, il aura finalement connu une
professionnalisation continue en parallèle
de son itinéraire officiel.

Constant et à l'aise dans son engagement
en milieu scolaire, toujours sans perspective
d'emploi durable dans le secteur culturel,
il tranche et accepte une proposition de
titularisation de la ville de Bagneux pour
devenir assistant de réussite éducative.

Après avoir été ensuite directeur d'un centre
de loisirs, il décide de se tourner vers la
petite enfance et prend cette fois-ci un poste
d'agent territorial de catégorie C, pour faire
fonction d'auxiliaire de puériculture.

L'objectif est cependant ailleurs, dans la
promesse d'une formation d'éducateur
de jeunes enfants qu'il obtiendra deux
ans plus tard. Résultat ? “Génial ! J'ai
beaucoup évolué et c'était juste ce qu'il me
fallait pour rassembler et affiner toutes les
connaissances que j'avais pu acquérir dans le
monde de l'enfance", s'enthousiasme-t-il.
Quant au fait d'être un homme dans
une “profession essentiellement féminine",
il n'est pas loin de penser avoir bénéficié
d'une forme de discrimination positive,
en formation comme en emploi.

A priori favorable, certes, mais pas sans
revers : “Quand vous êtes accueilli comme le
messie, s'amuse-t-il, forcément, le risque de
décevoir est grand !" Lui tempère : “Homme
ou femme, c'est différent parce que le regard
que l'on pose sur toi est différent. Mais
plus qu'au sexe, la vraie différence tient aux
manières d'exercer des individus..."

La sienne pourrait se résumer à un
combat : “Le décloisonnement. Il faudrait
arrêter de nous confiner en crèche, alors
que l'on pourrait travailler n'importe
où, en école comme en bibliothèque, ou
ailleurs !" Transgressif, Colas Potvin ?

1998 2007 2009
Maitrise de communication audiovisuelle Agent territorial petite
enfance
Éducateur de jeunes
enfants

Notes   [ + ]

1. Jean-Charles Nègre.