Congrès HR' : faire fructifier le “capital compétences" des salariés

Inffo formation n° 865 - 1er-14 novembre 2014 - Célia Coste

Par - Le 01 novembre 2014.

Deux jours pour confronter idées et projets.
C'était le défi que se sont lancé les
responsables des ressources humaines
venus de la France entière au Pré
Catelan, à Paris, les 7 et 8
octobre
derniers. Et la question de la formation
n'était pas en reste. Retour sur plusieurs
dispositifs innovants qui tentent de faire
bouger les lignes dans la définition de
l'acquisition des compétences.

Dans le monde des ressources
humaines, il faut peu de temps
pour s'apercevoir que l'angli
cisme est roi.
Management, lear
ning, skills, job
et autres
business bran
ding
, les néologismes tout droit issus
de la culture anglo-saxonne ont sau
poudré les deux journées organisées au
cœur du bois de Boulogne, dans le
cadre du congrès HR' qui se tenait le
7 et 8
octobre. Effet de style
? Pas si on
s'en tient au fait que la majorité des
participants représentait de grands
groupes français déployés dans le
monde entier.

Dans les salons du restaurant Le Pré
Catelan, les responsables des ressources
humaines ont souhaité partager leurs
expériences, nationales et internatio
nales, en matière d'employabilité, de
management ou encore de formation.

Améliorer la vie des salariés en entre
prise tout en permettant de développer
l'employabilité et de nourrir les besoins
des employeurs, telle était la toile de
fond des échanges.

“Désintermédiarisation"

C'est dans ce contexte que s'est tenue
une session sur le “développement des
collaborateurs" qui a permis à plusieurs
intervenants de présenter des initiatives
innovantes en matière de formation en
entreprise. L'objectif sous-tendu
: passer
d'une culture de formation à une culture
de développement des compétences. Et
pour ce faire, les projets ont mis à l'hon
neur la capitalisation des ressources
internes et le numérique dans l'appren
tissage.
“La tendance lourde est à l'utilisa
tion du capital de compétence endogène et
la «
désintermédiarisation
» du système de
formation"
, commente Thierry Curiale,
directeur marketing, e-education et
Mooc au sein du groupe Orange.

La mobilisation des managers
chez Lafarge


Chez Lafarge, groupe français de maté
riaux de construction, Véronique de
Corberon (vice-présidente
“learning and
development"
) a mis sur pied une ap
proche stratégique pour permettre aux
salariés de l'entreprise, plus spécifique
ment aux cadres et aux commerciaux,
d'acquérir des compétences pratiques.
Plutôt que de s'appuyer sur des forma
tions présentielles, elle a eu l'idée de
mobiliser les managers pour encadrer les
apprenants dans un apprentissage inscrit
dans le concret.

“L'initiative
On-the-job
a pour objec
tif un développement durable des com
pétences. Nous avons travaillé sur des
référentiels de compétences techniques et
comportementales simples pour créer un
catalogue d'activités d'apprentissage. Les
salariés sollicitent alors leurs supérieurs
hiérarchiques pour se préparer en amont
et pour débriefer en aval."
Les salariés
ayant la volonté de développer une
compétence spécifique peuvent donc
s'y référer simplement et travailler
avec leur
“manager développeur"
pour
mettre en pratique l'action.

Insuffler une dynamique

“À
partir du catalogue
, ajoute Véronique
de Corberon,
le manager construit un
plan d'action individuel afin de per
mettre au salarié d'acquérir les notions
pas à pas. C'est pour cette raison que nous
avons souhaité leur assigner deux à trois
activités maximum, afin de permettre un
travail performant. À
travers cette idée,
nous voulons insuffler une dynamique
consistant à faire en sorte que le salarié
soit suivi d'une manière régulière. Que
l'on s'assoit tous les mois avec son salarié
pour parler de lui."

Des économies substantielles

Afin de ne pas tomber dans des écueils,
la vice-présidente du pôle
“Learning
and development innovation and per
formance"
de Lafarge University prône
la co-création et le pragmatisme.
“On
a toujours tendance à faire compliqué
quand on peut faire simple. Notre but
était d'éviter l'usine à gaz."
D'après une
enquête déclarative citée par cette der
nière, 25
% des salariés seraient déjà
partants.

Le groupe Lafarge, présent sur quatre
continents, compte bien diffuser cette
méthode à l'échelle internationale.
“Nous proposons à nos collaborateurs
étrangers ce modèle de fonctionnement
pour la formation des salariés. La rai
son principale, c'est bien entendu le coût
réduit, car nous ne faisons pas appel à des
«
coachs
» extérieurs. Nous chiffrons les
économies réalisées à environ 33
%. Mais
cela demande une implication de la part
de la direction que toutes les entreprises
implantées localement ne sont pas encore
prêtes à réaliser."

Un Mooc d'entreprise pour
rationaliser les coûts


Rationaliser les coûts, c'est également
l'objectif qu'avait en tête Benoît Vaillant,
consultant en formation chez Alcatel
Lucent University, lorsqu'il a commencé
à réfléchir sur la formation des chefs de
produit dans son entreprise.
“Il y a trois
ans, nous avons engagé une réforme de la
fonction de chef de produit. Le problème,
c'est que nous manquions d'argent pour
financer une formation présentielle aux
900
personnes en poste dans l'entreprise
réparties sur trois continents."
Il a donc
fallu trouver une solution efficace et à
moindre coût.

De ce constat est venue l'idée de mettre
à disposition des connaissances à tra
vers une plateforme en ligne alimentées
par des documents, des vidéos et du
contenu e-learning.
“Nous avons encou
ragé les chefs de produit à se rendre sur la
plateforme et communiquer sur le réseau
social interne pour promouvoir le projet.
C'est de là qu'une dynamique a commencé
à se créer."
Fort de l'investissement des
salariés et des retours critiques, la bi
bliothèque en ligne a rapidement évo
lué vers un Mooc (
massive open online
course
) d'entreprise.

“Les salariés nous ont reproché le manque
de reconnaissance et de structuration.
Passer à un Mooc, composé de quiz,
d'interventions d'experts, d'exercices pra
tiques et tout cela orchestré en plusieurs
niveaux de difficulté, nous a permis de
pallier ces problèmes."
Un petit suc
cès aujourd'hui, car le cours en ligne
compte 250
chefs de produit inscrits
sur les 900
visés.

La place stratégique du lien
social dans la formation


Pour identifier les bonnes pratiques,
encore faut-il comprendre d'où pro
vient la valeur ajoutée de l'offre d'ap
prentissage. Selon Thierry Curiale, une
mutation est intervenue au moment de
la révolution numérique.

“Le contenu n'est plus le problème,
car il est disponible partout et tout le
temps pour celui qui veut y avoir ac
cès. Aujourd'hui, ce sont les relations
humaines ainsi que la mise en forme
de l'offre de contenu qui prennent une
place stratégique."
Dans ce nouveau
contexte, Orange compte bien appor
ter sa pierre à l'édifice.

Contenus enrichis
par les “pairs"


Le programme
Open social learning
a
mis sur pied une plateforme dénom
mée Solerni pour favoriser l'hyperso
cialisation des contenus et de l'appren
tissage
:
“Nous sommes partis du modèle
de la contribution collaborative qui existe
déjà dans de nombreux domaines, comme
chez AirBnB ou avec Wikipedia."
S'adressant tant aux collaborateurs
d'Orange qu'au public extérieur, les
cours en ligne se veulent dénués de
professeurs et de formateurs grâce à
un contenu enrichi par les pairs.
“C'est
également un moyen de tisser un réseau
professionnel plus large."
Pas question
pour l'entreprise de s'appuyer sur des
logiques académiques.
“Nous nous posi
tionnons sur le développement des compé
tences et par là même de l'employabilité
des salariés."

Les marques à l'assaut
de la formation ?


Orange y voit également son intérêt.
Permettre dans un premier temps de
rationaliser les coûts pour la formation
des collaborateurs, mais aussi se posi
tionner comme un nouvel acteur de la
formation.
“Ce que nous apportons, c'est
de l'ingénierie pédagogique sur les réseaux
sociaux. On fait par là entrer l'appren
tissage dans un nouveau paradigme."
Un moyen à peine dissimulé d'entre
tenir l'image.
“On note dans l'opinion
publique une défiance croissante envers
la marque. Le Mooc peut également per
mettre une nouvelle expérience de cette
dernière, perçue comme un vecteur d'ap
prentissage."

Cette vision de la montée en compé
tence par le numérique appuyée par les
rapports humains se heurte toutefois à
une limite de taille
: l'autonomie des
apprenants.
“Difficile en effet d'amener
la personne seule devant son écran. D'où
la tentative d'animer une communauté
pour faire en sorte qu'elle ne se sente pas
délaissée, mais plutôt intégrée dans une
véritable dynamique d'apprentissage.