La formation du “corps unique des psychologues de l'éducation" se précise

Inffo formation n° 865 - 1er-14 novembre 2014 - Nicolas Deguerry

Par - Le 01 novembre 2014.

À nouveau réuni le 10 octobre
dernier autour de la création
du “corps unique de
psychologues de l'éducation"
qui avait été annoncée en
juin dernier, le groupe de
travail Orientation piloté par
le ministère de l'Éducation
nationale s'est efforcé d'avancer
sur la question du recrutement
et de la formation de ces
personnels d'orientation d'un
nouveau genre. Explications

Pourquoi le gouvernement en
tend-il remplacer les psycholo
gues scolaires et conseillers
d'orientation-psychologues par
un corps unique dont les membres conser
veront deux missions distinctes
?
“Le fil
conducteur, c'est celui de l'aspiration des pro
fessionnels de l'orientation à voir reconnaître
la spécificité de leur action, qui se fonde sur
la psychologie du développement, des appren
tissages et de l'orientation,
nous explique
Jean-Pierre Bellier, inspecteur général de
l'Éducation nationale en charge du dos
sier.
Très longtemps, l'Éducation nationale
n'a pas pris en compte de manière suffisam
ment explicite cette spécificité de l'orienta
tion."

Deux statuts à rapprocher

D'où le futur corps unique. Avec, d'une
part, selon les termes de la fiche de travail [ 1 ]GT
14 Personnels d'orientation, fiche
4
“Recrutement et formation des psychologues de
l'Éducation nationale"
,
les
“psychologues chargés, dans le premier
degré, d'apporter leurs compétences pour la
prévention des difficultés scolaires et pour la
conception, la mise en œuvre et l'évaluation
des mesures d'aide individuelle ou collective
des élèves en difficulté"
. Et, d'autre part, les
“psychologues chargés, dans le second degré
et l'enseignement supérieur, d'améliorer la
réponse aux besoins des élèves et des étudiants
en matière d'aide à l'élaboration de leurs
projets d'orientation et de réussite de leurs
parcours de formation".

Avec la création d'un seul corps, les
“conditions d'une meilleure articulation"
entre les deux métiers seraient réunies,
permettant ainsi “
à cette nouvelle catégo
rie de personnels de mobiliser son expertise
au bénéfice de l'accompagnement des élèves
dans la réussite de leur parcours scolaire
dans le cadre d'une école inclusive, de par
ticiper à la mise en œuvre d'une meilleure
continuité école-collège, de
contribuer au renforcement
du dialogue entre l'école et
les familles et d'inscrire son
action dans une perspective
dépassant le cadre strict de
sa sphère d'intervention".

De l'orientation
au conseil


Ambitieux programme,
qui, s'il résout certaines
contingences de l'ancien
régime, n'en alimente pas
moins le débat entre les
syndicats du secteur. Que
les psychologues scolaires,
aujourd'hui sous statut de
professeur d'école, soient
à l'avenir rattachés à un
corps qui leur serait spé
cifiquement dédié, voilà
qui satisferait le Sgen-CFDT, si ce n'était
la crainte de voir reculer par la même
occasion une certaine vision du métier de
conseiller d'orientation-psychologue.

Là où le Snes-FSU défend bec et ongles
le volet “psychologue", le Sgen-CFDT
redoute pour sa part que la création du
corps unique des psychologues de l'Édu
cation nationale n'aboutisse à la réduc
tion du volet “orientation" et, plus pré
cisément, de sa dimension “conseil en
orientation".

“C'est bien dans cet esprit
, répond Jean-
Pierre Bellier,
que nous proposons de mettre
en place un certain nombre de garde-fous
destinés à s'assurer que les psychologues de
l'éducation nationale qui interviennent
dans le champ de l'insertion professionnelle
auront à la fois, avant le concours, une sen
sibilité marquée pour les problématiques af
férentes à l'insertion et, en aval du concours,
bénéficieront d'une formation professionna
lisante qui sera elle complètement dédiée à
la spécialité qu'ils auront choisie."

La formation professionnalisante

Satisfait sur ce point, Vincent Bernaud,
secrétaire national Sgen-CFDT en charge
de la formation professionnelle et de la
politique éducative, reproche cepen
dant au nouveau schéma de formation
d'instaurer une
“dégradation"
pour les
conseillers d'orientation-psychologues.
Jusqu'à présent, explique-t-il, le conseil
ler d'orientation-psychologue bénéficiait
d'une formation professionnalisante de
deux ans accessible après la licence, et qui
lui permettait d'obtenir
“la qualification
de COP, et pas uniquement de psychologue".

Transférabilité

Avec le nouveau système, qui instaure
une formation professionnalisante d'un
an après un master
2 de psychologie, le
curseur se déplace et, surtout, la période
de qualification est profondément modi
fiée
:
“Le grand problème, c'est que la qua
lification professionnelle va se faire pendant
l'année de stage, soit au niveau de bac +
6,
lequel qui n'existe pas dans l'enseignement
supérieur français. Cela revient à rejeter la
qualification professionnelle sur quelque
chose qui ne sera ni identifiable, ni vali
dable en dehors de l'Éducation nationale"
,
estime-t-il.

Temps de formation partagé

“Cette année de professionnalisation se
conclura par la délivrance d'un certificat
d'aptitude aux fonctions de la spécialité
visée ou, pourquoi pas, par un certificat de
compétences professionnelles
, rassure Jean-
Pierre Bellier.
Cela n'a effectivement pas
valeur de diplôme, mais représente malgré
tout un plus par rapport à un étudiant qui
ne serait lui que titulaire d'un M2 de psy
chologie, ce sera un M2 +1."

Au-delà, Vincent Bernaud mentionne
l'avancée à ses yeux représentée par l'exis
tence d'un
“temps de formation partagé"
,
avec les enseignants stagiaires dans les
écoles supérieures du professorat et de
l'éducation
:
“Qu'il soit bien prévu qu'une
partie de la formation rapproche les psy
chologues des enseignants nous paraît utile
à l'émergence d'une culture commune,
d'échanges et d'un début de travail en
équipe"
, souligne-t-il.

Un corps unique, deux fonctions

Si la posture d'un rejet pur et simple de
ce corps unique ne se pose aujourd'hui
pour aucun des acteurs, Vincent Bernaud
continue cependant d'en questionner la
pertinence
:
“On crée un corps unique,
mais avec deux balances de concours très
distinctes, en nous expliquant que l'on va
respecter deux métiers très différents, avec
des lieux d'affectation, des lieux de stage et
aussi des lieux de formation en partie diffé
rents. Quelle unicité, si ce n'est une étiquette
Éducation nationale
?"

Et de poursuivre en évoquant la problé
matique des passerelles entre les deux mé
tiers du corps unique
:
“Ce n'est pas qu'une
question de formation à l'entrée dans le
métier, c'est aussi, en cours de carrière, la
question de savoir comment s'organise la
mobilité entre les deux fonctions, sans enfer
mer les collègues dans l'option qu'ils auront
choisie au concours."

Pour l'instant renvoyée au débat
statutaire, la question devrait trouver sa
réponse lors de la prochaine séance du
groupe de travail sur l'orientation, qui
devrait se tenir entre fin novembre et
début décembre 2014.

POUR DEVENIR PSYCHOLOGUE DE L'ÉDUCATION

Au vu de la fiche de travail que s'est
procurée
L'Inffo
, le concours de
psychologue de l'éducation aurait lieu
en fin de deuxième année de master
de psychologie, idéalement mention
“Éducation et formation".
Après deux épreuves d'admissibilité
communes, les candidats auraient à
choisir entre se préparer à exercer
la spécialité “Psychologie du
développement et des apprentissages",
dans le cadre des cycles 1 à 3 (de
la maternelle à la fin de sixème),
ou la spécialité “Psychologie du
conseil en orientation et en insertion
professionnelle", correspondant au
cycle
4, au lycée et à l'enseignement
supérieur.
D'une durée d'un an, le parcours
professionnalisant aurait trois
volets.
D'abord, un stage en responsabilité, qui
aurait lieu en école et en Rased [ 2 ]Réseau d'aides spécialisées aux élèves en
difficulté
pour
la première spécialité, en établissement
public local d'enseignement et en centre
d'information et d'orientation pour la
seconde.
Ensuite, un temps de formation partagé
avec les enseignants stagiaires dans
l'école supérieure du professorat et de
l'éducation de l'académie où se déroule
le stage.
Enfin, un temps de formation dédié aux
connaissances et compétences propres
à chacune des deux spécialités dans l'un
des actuels centres de formation des COP
et ceux des psychologues scolaires.

Notes   [ + ]

1. GT
14 Personnels d'orientation, fiche
4
“Recrutement et formation des psychologues de
l'Éducation nationale"
2. Réseau d'aides spécialisées aux élèves en
difficulté