Éric Leymarie, directeur du CFA BTP de Rueil-Malmaison

“La réussite de l'apprentissage ne peut se faire sans l'adhésion des entreprises"

Par - Le 01 novembre 2009.

L'article 29 réintroduit la question de l'entrée en alternance dès 15 ans. Qu'en pensez-vous ?

Je ne suis pas particulièrement favorable à la disposition légale qui permettrait à un jeune entré en préparatoire d'apprentissage à 15 ans de pouvoir interrompre sa formation dès ses 16 ans pour signer immédiatement un contrat d'apprentissage. Je constate déjà à l'issue d'un trimestre, les difficultés en termes de rythme de vie que les jeunes de 16 ans, apprentis, ont du mal à gérer.
Ceci étant, la formation en préapprentissage est un dispositif qui existe depuis de très nombreuses années [voir article p. 14]. Du côté de l'entreprise, il s'agit de faire participer le jeune à la vie de chantier, dans l'objectif de lui proposer un contrat d'apprentissage. Cette formation permet donc au jeune d'asseoir son projet à partir d'expériences vécues. Il me semble fondamental de ne pas brûler les étapes. Pour le CFA, elle offre une plus grande souplesse dans la gestion de problèmes (changement d'entreprise, changement de
métier, etc.).
La formation par la voie de l'apprentissage s'inscrit comme une rupture dans les habitudes de vie de l'adolescent. Pour certains, cette rupture est utile ; pour d'autres, il faut plus de temps pour “digérer" une nouvelle vie. Le préapprentissage permet aux adolescents d'avancer à un rythme qui me semble plus approprié pour au final élaborer un projet professionnel cohérent et surtout durable.

Comment utiliserez-vous l'extension du délai accordé aux jeunes sans employeur (art. 25) ?
On peut le voir comme une période d'essai, utile aux deux parties. Cela permet au CFA non signataire du contrat d'apprentissage d'assurer un rôle d'accompagnateur en direction des deux parties, pour éviter des décisions qui peuvent s'avérer lourdes de conséquences, notamment pour le jeune. Là encore, cette période peut permettre, si chacun joue son rôle, d'accompagner les situations problèmes (difficultés d'intégration, retards, absences, etc.).
Il convient alors de fixer dans le cadre précis de la période d'essai, des objectifs de changement, afin d'éviter ainsi des décisions trop hâtives. J'ai l'occasion de voir comment des apprentis peuvent adhérer au changement, mais il faut être au plus près d'eux tout en les mettant face à leurs responsabilités. La période d'essai est indispensable et s'inscrit pleinement dans le dispositif de formation en permettant aux acteurs que nous sommes de développer, d'inventer des stratégies de changement.
La rupture de contrat, sauf dans certaines situations bien repérées, constitue un échec. Pour le CFA, la lutte contre les ruptures de contrat et, plus largement, les abandons, constitue la préoccupation majeure. Avec celle, bien entendu, de la qualité de la formation.

Que pensez-vous de l'autorisation de travail accordée de droit aux étrangers (art. 35) ?

Sur cette question, j'émettrai un doute en ce qui concerne la notion de “durée déterminée". Si le contrat fixe effectivement le début et la fin de la période d'exécution, bon nombre de jeunes apprentis souhaitent, à l'issue de leur premier contrat en CAP, poursuivre vers une formation dite “connexe" ou vers une formation de niveau IV. La signature d'un nouveau contrat doit donc être effectuée. Lorsque le jeune est dans une entreprise qui souhaite le garder et s'il est d'accord, nous sommes dans une situation qui ne pose pas de problème. Si le jeune doit changer d'entreprise, il doit effectuer une recherche et celle-ci peut s'avérer plus longue que prévue. La question qui peut alors se poser est la durée de l'autorisation de séjourner en France à l'issue d'un contrat d'apprentissage, dans le cas notamment où un jeune a exprimé clairement sa motivation de poursuivre son projet de formation et pour lequel le CFA a émis un avis favorable.

Était-il important que la loi se saisisse de la question de l'alternance ?

On ne soulignera jamais assez le bien-fondé des formations par la voie de l'apprentissage, notamment pour les publics de niveau V. Pendant très longtemps, les formations du BTP ont été associées à l'accueil d'un public dit “en échec scolaire", souffrant d'une image négative auprès de la société.
Parallèlement à la création des CFA, un dispositif prônant une pédagogie “inductive" s'est mis en place. Cette pédagogie, appelée “pédagogie de l'alternance", vise à placer le jeune au cœur des préoccupations, mais elle apporte aux deux autres acteurs que sont le CFA et l'entreprise – les formateurs et les maîtres d'apprentissage – une démarche structurée, des moyens pour suivre les apprentis vers le double objectif que représentent la réussite d'un examen (CAP ou BP) et une insertion professionnelle durable.
La réussite de la formation par la voie de l'apprentissage ne peut se faire sans l'adhésion des entreprises. Nous avons réussi ces dernières années à changer l'image de nos métiers et à permettre à tous les jeunes, quels que soient leurs origines ou leur parcours personnel, de s'engager pleinement dans un projet professionnel. Mais l'apprentissage ne peut être la solution miracle au problème crucial du chômage des jeunes. Il serait dangereux alors de positionner nos formations de niveau V sur le champ de l'accompagnement social. C'est parce que nous avons su créer des partenariats forts, notamment avec les TPE, que la dimension professionnelle doit être au cœur de nos objectifs.
Notre savoir-faire se situe bien sur le champ du développement
des compétences dont les entreprises ont besoin aujourd'hui, et auront besoin demain.
Aujourd'hui, un certain nombre de projets voient le jour, favorisant le rapprochement des CFA et des Missions locales à travers le développement des formations passerelles, des stages de découverte des métiers. J'y suis favorable, à la seule condition qu'à l'issue du processus d'accompagnement, nos entreprises trouvent auprès des jeunes parfois éloignés de l'emploi un public capable de s'engager pleinement vers nos métiers.

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Mesures pour les enetreprises
• À titre expérimental jusqu'au 31 décembre 2011, pourront être prises en charge, dans le cadre du plan de formation, les rémunérations versées à un salarié recruté par une entreprise employant moins de 10 salariés pour remplacer un salarié absent de l'entreprise pour cause de formation.
• Dans les entreprises de 50 salariés et plus, le médecin du travail formulera des
indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation destinée à lui proposer un poste adapté.
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