Organismes de formation : reconnaissance de la qualité de salarié à des formateurs auto-entrepreneurs

Une décision de la 2ème chambre civile de la Cour de cassation valide la reconnaissance de la qualité de salarié à plusieurs formateurs travaillant pour un organisme de formation sous le statut d'auto-entrepreneurs.

Par - Le 22 juillet 2016.

Présomption de non salariat

Les magistrats de la Haute cour rappelle que "si, selon l'article L8221-6-1 du Code du travail dans sa rédaction applicable à la date d'exigibilité des cotisations litigieuses, les personnes physiques ou dirigeants de personnes morales, dans l'exécution de l'activité donnant lieu à immatriculation ou inscription sur les registres que ce texte énumère, sont présumés ne pas être liés avec le donneur d'ordre par un contrat de travail, cette présomption légale de non-salariat qui bénéficie aux personnes sous le statut d'auto-entrepreneur peut être détruite s'il est établi qu'elles fournissent directement ou par une personne interposée des prestations au donneur d'ordre dans des conditions qui les placent dans un lien de subordination juridique permanente à l'égard de celui-ci."

Établissement d'un lien de subordination

Et c'est bien l'existence d'un tel lien de subordination qui a été mis en lumière par les juges de la Cour d'appel. Utilisant la technique du faisceau d'indices, ils retiennent à l'appui de leur décision plusieurs éléments :

Nombre important de formateurs recruté sous statut d'auto-entrepreneurs : à l'examen des déclarations annuelles des données sociales 2008 et 2009, plus de 40 % des formateurs salariés en 2008, avaient été recrutés sous le statut d'auto-entrepreneur au cours de l'année 2009, à la suite de l'entrée en vigueur de la loi de modernisation de l'économie du 4 août 2008.

L'ensemble de ces formateurs « auto-entrepreneurs » étaient liés par un contrat « de prestations de services » pour des cours de soutien scolaire et animation de cours collectifs.

Exercice du pouvoir de direction : les formateurs exerçaient leur activité au profit et dans les locaux de l'organisme de formation auprès d'élèves qui demeuraient sa clientèle exclusive. Les cours de rattrapage étaient dispensés selon un programme fixé par l'organisme de formation et remis aux professeurs lors de réunions pédagogiques de sorte que l'enseignant n'avait aucune liberté pour concevoir ses cours.

Limitation de l'exercice libéral de l'activité des formateurs : les contrats prévoyaient une « clause de non-concurrence » d'une durée d'un an après la résiliation du contrat de prestation interdisant aux formateurs de proposer leurs services directement aux clients présentés par la société et limitaient de ce fait l'exercice libéral de leur activité.

Au contrat était par ailleurs inscrit un mandat aux termes duquel l'auto-entrepreneur mandatait l'organisme de formation pour réaliser l'ensemble des formalités administratives liées à son statut, émettre des factures correspondant au montant des prestations réalisées et effectuer en son nom les déclarations trimestrielles de chiffre d'affaires et le paiement des charges sociales et fiscales.

Si selon le contrat, le formateur est libre d'accepter ou non la prestation, force est de constater que ce contrat était conclu pour une durée indéterminée de sorte que le formateur n'est pas un formateur occasionnel mais bien un enseignant permanent.

L'inspecteur de recouvrement a pu valablement conclure qu'aucune modification des conditions d'exercice n'était intervenue dans l'activité des formateurs initialement salariés puis recrutés en tant qu'auto-entrepreneurs à compter de janvier 2009.

La Haute cour rejette le pourvoi de l'organisme de formation, la Cour d'appel ayant exactement déduit de tous ses éléments que le montant des sommes qui avaient été versées aux formateurs devait être réintégrées dans l'assiette des cotisations de l'employeur.

Les faits de l'affaire

Après un contrôle inopiné portant sur les années 2009 et 2010, l'Urssaf de Paris et région parisienne aux droits de laquelle vient l'Urssaf d'Ile-de-France, a notifié, le 16 décembre 2010, à l'organisme de formation Formacad un redressement réintégrant dans l'assiette des cotisations les sommes versées à des formateurs recrutés sous le statut d' « auto-entrepreneurs ».

[Cour de cassation, chambre civile 2, Audience publique du jeudi 7 juillet 2016, n° de pourvoi : 15-16110
Publié au bulletin ->https://www.legifrance.gouv.fr/affichJuriJudi.do?oldAction=rechJuriJudi&idTexte=JURITEXT000032867594&fastReqId=1657359398&fastPos=1]