Jean-Pierre Delfino, directeur général de l’Opco Santé

Alternance : l'Opco Santé veut « passer à la vitesse supérieure »

Dans le secteur privé de la santé, l'alternance se révèle un outil de recrutement, d'évolution de carrière ou de reconversion pertinent. Après un tour de France consacré à ce sujet en 2022, l'Opco Santé publie une synthèse des bonnes pratiques observées sur le terrain et avance des propositions pour développer davantage cette modalité de formation.

Par - Le 24 mars 2023.

Douze étapes, plus de 200 intervenants et un millier de participants : « les Grands rendez-vous de l'alternance » organisés par l'Opco Santé entre avril et juillet 2022 ont permis de dresser un panorama de cette modalité de formation dans le secteur privé de la santé. Peu répandue dans le périmètre de l'Opco Santé (sanitaire, social et médico-social à but non lucratif, hospitalisation privée, services de santé au travail interentreprise et thermalisme) avec seulement 2 500 contrats recensés en 2018, la culture de l'alternance s'est fortement développée en quatre ans. En 2022, l'opérateur de compétences recense un peu plus de 17 500 contrats. Cette dynamique est liée au succès de l'apprentissage (+42 % entre 2021 et 2022) et à la bonne tenue du contrat de professionnalisation (+ 6 % sur la même période). C'est un dispositif « qui permet à des personnes déjà expérimentée de se réorienter vers l'accompagnement des autres pour retrouver un sens au travail », observe Jean-Pierre Delfino, directeur général de l'Opco Santé.

Des compétences très recherchés

Dans les secteurs couverts par l'opérateur de compétences, les besoins en compétences à l'horizon 2030 sont particulièrement importants. Plus de 72 000 postes seraient ainsi à pourvoir, selon le baromètre emploi-formation de l'Opco Santé, dont 15 483 d'aides-soignants et 14 652 d'infirmiers. Dans ce contexte de pénurie de main d'œuvre, « le potentiel de croissance de l'alternance reste très important », constate Jean-Pierre Delfino. D'où l'importance de « capitaliser sur les bonnes pratiques pour passer à la vitesse supérieure ».

Des voies à explorer pour aller plus loin

La synthèse du tour de France présentée le 21 avril met en exergue les initiatives menées dans les territoires et fournit des pistes de réflexion pour valoriser et développer davantage l'alternance. Sur le terrain, il reste en effet de nombreux freins à lever. Certains tiennent aux spécificités du secteur de la santé dont la majorité des emplois sont réglementés et accessibles à l'issue de formations longues, coûteuses et très encadrées. Infirmier, éducateur spécialisé, éducateur de jeunes enfants, masseur-kinésithérapeute… : ces métiers en tension nécessitent plus de deux ans de formation ce qui soulève des problématiques en termes de financement et d'éligibilité au contrat de professionnalisation ou à la Pro-A. Faire évoluer les référentiels pédagogiques, aménager les dispositifs de formation – et leur financement -, rendre éligible le contrat d'apprentissage aux plus de 30 ans, ou encore créer des parcours allégés et des passerelles pour les personnes ayant déjà de l'expérience font partie des voies à explorer pour mobiliser davantage l'alternance y compris dans une optique de reconversion, selon l'Opco Santé.

Des freins qui poussent à innover

Face aux difficultés rencontrées et en attendant des solutions pérennes, les acteurs du secteur privé de la santé s'organisent. L'Opco Santé s'est par exemple rapproché des associations Transitions Pro pour construire des parcours combinant la mobilisation du projet de transition professionnelle pour la première année de formation et le dispositif Pro-A pour les deux suivantes. Cette ingénierie financière innovante devrait concerner 170 parcours en 2023.

Des initiatives destinées à diversifier les recrutements voient le jour également. L'association OETH (objectif emploi des travailleurs handicapés) a par exemple mis en place un parcours destiné à accompagner les personnes en situation de handicap vers les métiers du social et du médico-social via l'alternance. Et pour faciliter l'insertion de personnes éloignées de l'emploi, l'Opco Santé encourage les employeurs à mobiliser en amont des contrats en alternance, les préparations opérationnelles à l'emploi collectives (POEC). Pour ce faire, l'opérateur de compétences vient de lancer un outil de cartographie des formations dispensées dans le cadre de ce dispositif.

Les pouvoirs publics mobilisés

Des perspectives d'évolution s'ouvrent aussi du côté des pouvoirs publics. Une concertation a été engagée avec le ministère de la santé pour créer un parcours allégé destiné aux aides-soignants expérimentés souhaitant évoluer vers le métier d'infirmier. Les Agences régionales de santé (ARS) se mobilisent elles-aussi. Celle de la région Grand Est finance par exemple des actions de développements de l'alternance dans le cadre de conventions signées avec les établissements sanitaires et médico-sociaux. Des réflexions ont été engagées pour lancer un appel à projets portant sur la valorisation et la rémunération des tuteurs et maîtres d'apprentissage.