L’IA générative fait l’objet d’une table ronde lors du colloque « Nouvelle vie pro » d’AEF formation, le 16 novembre à Paris.

L'intelligence artificielle en formation, aliénation ou augmentation ?

Comment intégrer l'IA (intelligence artificielle) dans les process de formation/reconversion ? Les entreprises sont-elles prêtes à appréhender les changements apportés par ces outils ? Alors que ChatGPT a séduit le grand public, la question faisait l'objet d'une table ronde lors du colloque Nouvelle vie pro d'AEF formation jeudi 16 novembre.

Par - Le 20 novembre 2023.

Force est de constater que tout dépend de la maturité des acteurs… Pour un secteur comme la banque, qui baigne dans la data et le risque depuis des décennies, c'est une évidence : Frédéric Thoral, directeur des ressources humaines de BNP Paribas Personal Finance, indique que son groupe a formé 150 managers dans le monde avec un module Data for Manager pour que chacun s'approprie les enjeux de l'IA. Un pilote, développé en Espagne, intègre l'IA en centre d'appel. « Cela revoit complètement le parcours collaborateur et le parcours client, qui nous permet aussi de démystifier l'impact de la technologie auprès de nos collaborateurs ».

Car la peur règne. Guillaume Allais, directeur général d'Alixio, filiale d'AEF qui accompagne 20 000 personnes en repositionnement professionnel par an, en convient. Sa mission première est donc de rassurer et d'expliquer : « L'IA ne détruit pas des métiers, elle détruit un certain nombre de tâches, finalement peu intéressantes. » Selon lui, les entreprises ne sont pas prêtes à licencier leur personnel, mais réfléchissent à utiliser les compétentes libérées par les outils pour des tâches à « haute valeur ajoutée ». « L'IA est un outil qui aide les personnes, notamment en centres d'appels à être plus pertinentes, à proposer des solutions plus intéressantes, à vendre un peu plus… » De quoi créer une marge concurrentielle.

Le monde instable de l'intelligence artificielle

Le sociologue Yann Ferguson, directeur scientifique de LarborIA au ministère du Travail, de l'Emploi et de la Formation professionnelle, est moins catégorique. « L'IA générative comme ChatGPT est un système statistique qui produit de la valeur en fonction de certains types d'usage. C'est une expérimentation grand public : OpenAI récupère nos prompts pour comprendre nos utilisations... Il y a donc des compétences émergentes du côté du système comme des utilisateurs ». Un système relativement instable qui empêche de trancher : « la technologie fondatrice n'est pas fixée, et les mouvements de qualification et de déqualification ne sont pas connus. »

Déqualification des experts

D'un côté, l'IA déqualifie les experts, assure-t-il. « L'IA générative baisse le coût d'entrée dans une tâche et facilite l'accès pour celui qui veut se reconvertir. Mais celui qui maîtrise la tâche est déclassé d'une certaine façon. » Par ailleurs, l'IA peut conforter des positions acquises, pour « les métiers qui ont un niveau de complémentarité avec l'IA très important » mais en menacer d'autres qui seraient « dans une complémentarité “aliénante" ». Autre risque pour le sociologue : la discrimination. « Des outils jugent de manière non équitable et discriminatoire des travailleurs. On peut imaginer des systèmes d'IA génératives dédiés au métier d'accompagnateurs de formation qui se situeraient potentiellement dans les IA à haut risque ».

Des études diverses devraient permettre d'affiner les perceptions : la banque a lancé une grande étude sur l'impact de l'IA sur l'emploi, et BNP Paribas s'intéresse particulièrement à l'impact sur les chargés de relations clientèles. Le laboratoire IA du ministère du Travail se penche sur deux secteurs : celui des opérateurs industriels et l'industrie culturelle et créative. De toute évidence, il s'agit d'anticiper avant de s'adapter, car prévoit Guillaume Allais, « en 2024-25, il y aura une très grande accélération sur ces sujets ».