Le 3 octobre 2023, Centre Inffo organise la 1ère Rencontre de l’innovation, avec des entreprises, des start-ups, des organismes de formation et des chercheurs.


1e Rencontre de l’innovation

Quand la prospective sonne l'alerte

C'est mardi 3 octobre que s'est tenue la 1e Journée de l'innovation organisée par Centre Inffo et ses partenaires Apec, Cnam et Fnadir. Zoom sur l'un des nombreux exercices prospectifs auxquels se sont livrés start-ups, chercheurs et organismes de formation. Pour éviter la dystopie, l'humain doit garder le contrôle de l'innovation.

Par - Le 05 octobre 2023.

Des années 50 à l'an 2000, les projections futuristes décrivent majoritairement un avenir radieux où la technologie résout tous les problèmes. L'exercice de prospective auquel s'est livré l'un des cinq ateliers proposés lors de la 1e Rencontre de l'innovation a reflété davantage d'inquiétudes. En ce premier quart de XXIe siècle, la dystopie tend à remplacer l'utopie et c'est sur fond de table rase post-apocalyptique qu'un collectif de start-ups [ 1 ]Autrement Formations, Traindy, Come In VR et la Société pour l'organisation apprenante (Sol). a imaginé trois scénarios pour réfléchir aux besoins de compétences à l'horizon 2050.

La tech est un outil

Qu'il s'agisse de résoudre les conséquences d'une crise écologique majeure et mondiale, de coloniser une nouvelle planète ou de reconstruire le monde sur la base d'un nouveau contrat social, les imaginations fertiles des auteurs ont en commun de souligner l'essence même de la technologie : parce qu'elle est un outil à la main de l'humain, c'est dans l'usage qu'elle se révèle bonne ou néfaste. Le primat de l'intention humaine balaie le fantasme du deus ex machina porté par une intelligence artificielle autonome.

Changer le paradigme

Au-delà d'une projection techno-centrée, les auteurs s'aventurent aussi sur un terrain plus politique par l'exploration d'autres manières de faire, qu'il s'agisse de repenser le contrat social avec un revenu universel ou de chercher à améliorer l'efficacité du système éducatif en questionnant des principes d'organisation jugés immuables. Ainsi, par exemple d'une société où les élèves ne sont plus répartis par âge mais par compétences et intérêts. Pour un monde plus soutenable, c'est finalement un nouveau paradigme de la formation qui se dessine, appuyé sur davantage de collaboration, coopération et entraide.

Impact des Gafam

Autre exercice prospectif avec l'Apec, qui interroge l'impact de l'arrivée des Gafam (ou Gamam[ 2 ]Google Apple Facebook (Meta depuis le 28 octobre 2021), Amazon et Microsoft, les cinq acteurs numériques de rang mondial qui structurent les usages d'internet. ?), sur le champ de la certification des compétences. Pour imaginer les évolutions à venir, Isabelle Gire, chargée de prospective, et Florence Boisse, chargée de projets innovation, ont d'abord observé les tendances actuelles. Quelques faits ? 92 % des professionnels interrogés pour le rapport annuel 2022 de la CDC sur les métiers de l'informatique détiennent une certification professionnelle, très majoritairement proposée par les Gafam dans les domaines de la cybersécurité et de l'informatique en nuage ; déjà 150 entreprises dont de nombreux grands comptes recrutent directement sur la base des Google Career Certificates[ 3 ]Programme de formations professionnalisantes 100% en ligne créés par Google sur des métiers en tension. dans lesquels la firme de Mountain View a investi 100 millions de dollars en 2022 ; Meta comme Amazon multiplient les partenariats avec des organismes de formation type Simplon.co pour déployer des formations compatibles avec leurs solutions.

Course à la certification

Bonne nouvelle pour l'élargissement de l'accès à l'offre de formation ? Aujourd'hui sans doute mais pour l'équipe prospective de l'Apec, il faudrait aussi se méfier des logiques de marché qui sous-tendent ces investissements massifs. Dans leur scénario d'évolution de la certification des compétences à l'horizon 2030, l'Apec met en scène les difficultés d'un senior en reconversion. En dépit de sa participation à une solution d'accompagnement 100 % IA imaginée par le ministère du Travail pour aider les actifs à valoriser leur expérience professionnelle, le senior se heurte à l'indifférence des recruteurs. Ceux-ci misent désormais sur le nouveau marché de la certification professionnelle à la main des Gafam, qui ont réussi à s'imposer en nouant des partenariats avec l'État. Problème : les exigences de rentabilité du secteur génèrent un renouvellement permanent de l'offre, qui accélère l'obsolescence des compétences. Pour contrer cette « course à la certification », l'État recourt à la blockchain pour certifier l'expérience professionnelle. L'équilibre ne peut cependant être rétabli, « l'emprise des certifications » sur le marché de l'emploi se révélant trop forte.
C.Q.F.D. : dans cette fiction, le modèle des Gafam est une innovation aboutie en ce qu'elle a rencontré un public et un modèle économique, il n'est pas pour autant synonyme de progrès.

MANIFESTE DES START-UPS

« Innovation et emploi, je t'aime, moi non plus ! » C'est le titre d'un « manifeste » destiné à lever les freins à l'innovation dans le champ de l'emploi et de la formation. Présentée lors de la 1e Journée de l'innovation, l'initiative vise à interpeller l'écosystème sur les difficultés des start-ups à travailler avec la sphère publique. Méfiance exagérée, manque de stabilité des politiques publiques, complexité des circuits de décision, …, les obstacles au passage à l'échelle sont nombreux. À quand une conférence de consensus sur le sujet ?
Signataires : Go Fenix, Learning Boost, Mon Coach Mobilité, Olecio, Sobox Formation.

Notes   [ + ]

1. Autrement Formations, Traindy, Come In VR et la Société pour l'organisation apprenante (Sol).
2. Google Apple Facebook (Meta depuis le 28 octobre 2021), Amazon et Microsoft, les cinq acteurs numériques de rang mondial qui structurent les usages d'internet.
3. Programme de formations professionnalisantes 100% en ligne créés par Google sur des métiers en tension.