Discours du Premier ministre François Bayrou à la REF du Medef.

Discours du Premier ministre François Bayrou à la REF du Medef, le 28 août 2025.

CPF co-construit :  les entreprises prêtes à franchir le pas ?

A l'occasion de sa Rencontre des entrepreneurs de France (Ref), le Medef a présenté, le 28 août dernier, un guide opérationnel du CPF co-construit. Longtemps restées en retrait, les entreprises disposent désormais d'un cadre réglementaire assoupli et de nouveaux outils de gestion de leurs abondements développés par la CDC.

Par - Le 02 septembre 2025.

La 7éme édition de la Ref, organisée par le Medef au stade Roland Garros les 27 et 28 août dernier, s'est tenue dans un climat politique et économique incertain. Alors que les marges de manœuvre des politiques publiques se resserrent, les entreprises apparaissent en première ligne sur le terrain du développement des compétences. Prévu par la réforme de 2018, le CPF co-construit n'a, jusqu'ici, guère suscité d'adhésion (voir article). Pourtant, sur le papier, ce dispositif répond à leurs enjeux d'attractivité et de compétitivité. En levant des freins réglementaires et techniques, l'Etat espère les inciter à s'y engager davantage. C'est dans ce contexte que le Medef a présenté, lors d'un petit-déjeuner le 28 août, son guide opérationnel du CPF co-construit. L'outil détaille les démarches à suivre et met en lumière les nouvelles fonctionnalités de la plateforme Mon Compte Formation. À l'heure des grandes transitions écologiques et numériques, sur fond de tensions budgétaires et de désengagement des salariés, le CPF pourrait trouver un second souffle en s'intégrant pleinement aux politiques RH des entreprises — un message martelé par les invités du Medef.

Vers un acte 2 du CPF ?

Revenant sur la genèse du CPF, Stéphane Lardy, directeur général de France compétences, insiste sur la continuité d'une logique d'un droit individuel initiée par les partenaires sociaux en 2003 par la création du Droit individuel à la formation (Dif). Celui qui en 2018 faisait partie du cabinet de la ministre du Travail Muriel Pénicaud revient sur les objectifs de la réforme de favoriser l'autonomie des actifs et l'accessibilité à la formation. « La plateforme a permis de développer une culture des compétences. Les utilisateurs se sont questionnés sur leur projet de formation. Ce droit individuel peut potentiellement soutenir  dialogue social dans les entreprises et les branches ». Au sein de France compétences, un accord collectif prévoit ainsi des abondements sur des formations longues et certifiantes. Mais, 7 ans après la réforme, les entreprises boudent toujours cette possibilité de co-financement. « Le CPF a démocratisé l'accès à la formation. Aujourd'hui, l'enjeu c'est la co-construction », confirme Stéphane Rémy, sous-directeur des politiques de formation et du contrôle, DGEFP.

Vers une simplification de la démarche ?

Pour initier cette nouvelle dynamique, l'Etat sécurise la démarche en faisant évoluer le cadre réglementaire. Un décret d'avril 2025 lève des freins remontés par les entreprises en intégrant la possibilité de cibler des formations spécifiques ou encore d'obtenir un remboursement sous certaines conditions. Un autre en projet débloque l'ordre de la mobilisation des droits. Du côté de la CDC, les fonctionnalités de la plateforme s'adaptent. Pour Marianne Kermoal-Berthomé, directrice des politiques sociales de la Caisse des Dépôts, ce deuxième temps représente « un changement de paradigme ». face aux défis des grandes transitions, il s'agit de mieux articuler la liberté de se former et les besoins en compétences. « Depuis un an, nous développons des outils qui permettent de flécher les formations, gérer les remboursements potentiels et proposer du reporting aux entreprises ». L'ergonomie de l'espace dédié aux employeurs continuera ainsi à s'enrichir pour répondre aux besoins des employeurs.

Vers une culture de la co-construction ?

Les conditions semblent donc réunies. Mais la création d'un CPF à la main des salariés bouscule les pratiques des entreprises. Le 28 août à la Ref, le groupe Castorama témoigne. Les 11 000 salariés du spécialiste du bricolage posent chaque année 8 000 demandes de formation. Seules 10 à 12% d'entre elles reçoivent une issue favorable. Un constat inacceptable pour Sébastien Lecat, son directeur learning et innovation.  « Ces initiatives individuelles doivent trouver des réponses. Nous avons donc négocié avec les partenaires sociaux un accord sur le CPF ». Castorama a volontairement ouvert l'offre de formation éligible à l'abondement. Une centaine de collaborateurs en bénéficie chaque année. « En répondant ainsi aux passions personnelles de nos salariés, nous favorisons leur engagement dans l'entreprise », précise Sébastien Lecat. Une démarche de co-construction incite l'employeur à l'écoute des aspirations des salariés et au respect de leur liberté à se former. Au sein de la branche des bureaux d'études, précurseur en matière d'abondements aux CPF, l'expérience l'a prouvé. Dans un premier temps, en 2021, l'offre éligible était limitée aux CQP (certificat de qualification professionnelle) de branche. Le mouvement n'a pas pris. « En 2023, nous avons décidé d'ouvrir à plus de 2 000 certifications autour de thématiques identifiées comme stratégiques pour notre secteur », déclare Thibault Jagueneau responsable emploi-formation, fédération Syntec. Résultat : en deux ans, la branche a financé plus de 8,5 millions d'euros d'abondements au CPF, soit en moyenne 2 200 euros par dossier. Fait notable : la moitié des bénéficiaires sont des femmes — un signal fort dans une profession engagée dans sa féminisation.

En instaurant un mode de relation plus coopératif et moins vertical, la co-construction du CPF s'aligne avec une aspiration plus large des organisations : faire évoluer les pratiques de management et redonner du sens au dialogue social.

 

Les entreprises en retrait

62 millions d'euros de dotations volontaires er droits supplémentaires entre 2020 et 2023

2 830 entreprises dotatrices en 2023 soit 0,14% des entreprises en France

8 648 salariés dotés en 2023 soit 0,03% des salariés en France