« Donner les moyens aux jeunes de se former dans des conditions dignes » (Baptiste Martin, Anaf)
10 mois déjà que Baptiste Martin, le nouveau président de l'association nationale des apprentis de France (Anaf), réclame des moyens pour l'apprentissage à hauteur des ambitions portées par les pouvoirs publics. Revue des enjeux alors que se discute le budget de l'Etat 2026.
Par Nicolas Deguerry - Le 11 décembre 2025.
Fort de son parcours (voir encadré), Baptiste Martin défend une vision de l'apprentissage exigeante. S'il promeut sans réserve « une façon d'apprendre différente qui offre la possibilité de mieux comprendre et appréhender le monde du travail », il estime aussi que cette promesse ne peut se réaliser sans un socle de sécurité. « Il faut donner les clés, au sens propre et littéral, aux jeunes pour pouvoir se former dans des conditions qui soient acceptables et dignes », insiste-t-il. C'est cette conviction, résumée par une « logique de justice sociale », qui est au cœur des combats actuels de l'Anaf.
Tensions budgétaires
Sur fond d'actualité parlementaire animée par l'examen des projets de loi de finances et de financement de la sécurité sociale, l'association se mobilise fortement, notamment via une pétition, contre plusieurs mesures menaçant le pouvoir d'achat et les conditions des apprentis. Parmi les enjeux sur la table, il y a d'abord l'exonération de cotisations sociales et salariales, qui permet aux apprentis de bénéficier d'un salaire net égal au brut. Pour les apprentis du secteur privé, l'Assemblée nationale a certes voté la suppression de l'article prévoyant la fin des exonérations, mais ce n'est là qu'une « victoire en demi-teinte », estime Baptiste Martin qui reste prudent face à la navette parlementaire. La situation est plus critique pour les apprentis du secteur public, pour qui la fin de la prise en charge par l'État de leurs cotisations salariales, semble se confirmer. De même pour la menace qui pèse sur l'aide de 500 euros au permis de conduire, « levier essentiel de mobilité », dont le sort reste suspendu aux décisions finales du Parlement.
Par ailleurs, l'instauration d'une participation financière des entreprises au coût de la formation pour les niveaux Bac +3 et plus, le fameux « reste à charge », est aussi une source de préoccupation. Bien qu'il estime qu'il soit encore trop tôt pour dire si la mesure a un impact massif, Baptiste Martin n'en constate pas moins une difficulté croissante des jeunes à trouver un contrat en cette rencontre 2025.
Prime d'activité
Au-delà des revendications budgétaires, l'Anaf porte une revendication de longue date : la suppression du seuil de revenus conditionnant l'accès à la prime d'activité pour les apprentis. Contrairement aux autres salariés, un apprenti doit percevoir une rémunération mensuelle minimale pour y être éligible. Injuste aux yeux de Baptiste Martin, ce seuil est pour lui un obstacle à la revalorisation des revenus de plus jeunes, dont les salaires sont souvent très bas.
En défendant l'accès aux droits et des conditions de formation équitables, l'Anaf entend rappeler que l'avenir de l'apprentissage se joue autant sur la justice sociale que sur les chiffres de la croissance.
| UN MILITANT ATYPIQUE
Nouveau porte-voix de l'Association nationale des apprentis de France (Anaf) depuis février 2025 (notre article), Baptiste Martin est, à 28 ans, un militant atypique de l'apprentissage. Atypique car son parcours ne le prédestinait pas à cette voie qu'il a découvert sur le tard, après un BTS et une licence pro obtenus par la voie classique. C'est finalement un concours de circonstances qui scelle son destin : en recherche de stage pour sa licence, il atterrit au Sira, Service interdépartemental pour la réussite des alternants, où il restera huit ans. Son métier, qui consiste à aider les alternants à trouver un logement ou des solutions de transport, le plonge au cœur de l'écosystème. L'immersion est totale et le confronte directement aux difficultés des jeunes. « Quand on a un jeune qui débarque dans son bureau et qui n'a pas d'endroit où dormir, humainement, c'est dur à accepter », s'émeut-il. Alors que cette réalité vécue par certains apprentis devient le moteur de son engagement, il a aussi une première occasion d'expérimenter la pédagogie de l'alternance en devenant maître d'apprentissage. Puis, survient la traversée du miroir lorsque, sollicité par son employeur pour prendre des responsabilités d'encadrement, il suspend son CDI pour préparer un mastère en management et stratégie des organisations en contrat d'apprentissage. Aujourd'hui également formateur d'apprentis, Baptise Martin possède ainsi une expérience intime de toutes les facettes de l'apprentissage. Familier de l'Anaf où il a commencé par répondre aux questions sur le logement via le service SOS Apprenti de l'association, il y assume des responsabilités croissantes, jusqu'à prendre la succession d'Aurélien Cadiou (notre portrait) en février 2025. |
- Association nationale des apprentis de France (Anaf) : anaf.fr/


