Antoine Foucher, président de Quintet, lors du 50e Colloque de la formation continue à l’Université, organisé par Univpro.
Les pistes d'Antoine Foucher (Quintet) pour une nouvelle réforme de la formation
À quoi pourrait ressembler une nouvelle réforme de la formation pour faire de la France un pays leader en matière de compétences ? Antoine Foucher (président de Quintet) qui a piloté la réforme de 2018 lorsqu'il dirigeait le cabinet de la ministre du Travail de l'époque, Muriel Pénicaud, a dressé le bilan de la loi de 2018 et partagé sa vision de l'avenir, lors du 50e colloque de la formation continue à l'Université organisé par Univpro.
Par Valérie Grasset-Morel - Le 26 juin 2025.
Au-delà de l'essor de l'apprentissage et du CPF (compte personnel de formation) ainsi que de la mise en mouvement collective sur la formation des chômeurs, Antoine Foucher retient comme principal apport de la réforme de 2018 un changement culturel. « Comme jamais, dit-il, cette réforme a permis de faire des compétences un sujet national et de leur donner la place qu'elles n'avaient jamais eu auparavant. »
Pour autant, la France est devenue en 2025 « un pays moyennement compétent », alors même que « nous n'avons jamais autant dépensé pour la formation professionnelle ». À un point tel que l'exécutif cherche aujourd'hui à réduire l'accès à la formation sous le prétexte de faire des économies « en prenant des mesures de régulation qui pénalisent les politiques publiques » (les restes à charge CPF et apprentissage, l'encadrement du recours à la sous-traitance, la connexion à Mon Compte Formation via France Connect+, etc.).
Les dépenses de retraite devant les dépenses de formation
« Aujourd'hui, la France est le 13e pays de l'OCDE en matière de dépenses d'éducation et de formation, mais le premier concernant les dépenses sociales et de retraites. C'est un choix sur lequel il faut s'interroger. J'espère que 2027 sera déterminant sur ce point », déclare Antoine Foucher. Pour éviter que la France ne s'enfonce dans « une tiers-mondialisation des compétences », elle doit « regagner sa souveraineté » en la matière.
Actuellement, « on ne garantit pas les compétences dont le pays a besoin ». Une gestion prévisionnelle des emplois au niveau national permettrait de mettre en place les dispositifs nécessaires pour que les jeunes et les demandeurs d'emploi s'orientent vers les métiers en tension (soudeur, infirmier…). L'abondement du CPF par l'État pourrait être une solution, ainsi que la mise en place d'un dispositif de reconversion en milieu de carrière, avec prise en charge du revenu et des frais pédagogiques. La priorité est de « mettre le paquet sur les formations d'intérêt général, différenciées selon les bassins d'emploi », selon le président de Quintet. Pour retrouver cette souveraineté en matière de compétences, « les alliances entre le public et le privé sont indispensables », dit-il.
Prendre en compte la compétitivité des entreprises
La deuxième priorité consiste à développer les compétences en prenant davantage en compte la compétitivité des entreprises. « Pour la première fois depuis 1945, la population active n'augmente plus. Les entreprises n'ont jamais eu autant de mal à recruter et cela va durer. » Le président de Quintet suggère d'être « plus directif sur les réponses à apporter aux besoins des entreprises » au moment de l'orientation des jeunes, quitte à ce que la nation leur propose un abondement du CPF autour de 30 ans pour leur permettre de se réorienter vers le métier de leur choix.
Cette proposition rejoint le troisième axe préconisé par Antoine Foucher qui consiste à « faire des compétences un instrument de liberté individuelle ». « Nous allons travailler plus longtemps, il faut donc que le travail soit plus épanouissant et davantage choisi. Le rôle de la formation professionnelle est déterminant. Il faudrait pouvoir proposer aux individus un droit financé par la collectivité pour faire des pauses de six mois à un an, une à deux fois dans leur vie, pour se former et recommencer à zéro un travail répondant vraiment à leurs aspirations. » Pour l'auteur de l'essai « Sortir du travail qui ne paie plus » (éd. de L'aube, 2024), la formation comme le travail doivent être un levier d'épanouissement.