Contentieux relatif aux décisions de déréférencement prises par la Caisse des dépôts : panorama de jurisprudence

Les décisions de déréférencement prises par la Caisse des dépôts alimentent un important contentieux devant les juridictions administratives. Nous vous proposons une analyse de quelques-unes des décisions rendues en 2023.

Par - Le 13 novembre 2023.

Suspension de l'exécution de la décision possible en cas d'urgence et de doute sérieux quant à la légalité de la décision

La décision de déréférencement [ 1 ]Laquelle peut être également assortie du refus de paiement des prestations et de demande de remboursement des sommes que la Caisse des dépôts considère avoir indûment versées – article R6333-6 du Code du travail prononcée par la Caisse des dépôts est une décision administrative, elle est donc susceptible d'une action en annulation devant le juge administratif. Cette requête peut être accompagnée d'une demande, devant le juge des référés, de suspension de l'exécution de la décision attaquée. Pour que cette action aboutisse, il est nécessaire que l'urgence le justifie et qu'il soit fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (article L521-1 1er alinéa du Code de justice administrative).

Appréciation de la condition d'urgence

La condition d'urgence à laquelle est subordonné le prononcé d'une mesure de suspension doit être regardée comme remplie lorsque la décision administrative contestée préjudicie de manière suffisamment grave et immédiate à un intérêt public, à la situation de l'organisme de formation ou aux intérêts qu'il entend défendre. Il en va ainsi, alors même que cette décision n'aurait un objet ou des répercussions que purement financiers. C'est sur ce dernier motif que la plupart des organismes de formation ont fondé leur requête. Ils tentent ainsi de démontrer que la décision de la Caisse des dépôts est susceptible de menacer leur équilibre financier ainsi que leurs perspectives de développement voire de porter atteinte à leur réputation envers leur clientèle.

Les éléments fournis par l'organisme de formation doivent permettre d'établir que la sanction de déréférencement prononcée à son encontre aura pour effet de porter gravement et immédiatement atteinte à son équilibre financier. La non production du Bilan pédagogique et financier faisant apparaître le total des produits de l'organisme de formation selon leur origine mais également ses charges jouera contre l'organisme de formation (Tribunal administratif Marseille 23 janvier 2023, n°2300613). [ 2 ]« S'il ressort des éléments financiers produits par [l'organisme de formation], en particulier du bilan pédagogique et financier pour 2021 transmis à l'autorité administrative en application des articles R6352-22 à R6352-24 du Code du travail que le total des produits de l'entreprise provenant des organismes gestionnaires des fonds de la formation est de 93 785 euros sur un total de 139 193 euros, soit près de 70 % du chiffre d'affaires, la requérante ne justifie ni de son bilan pour l'année écoulée ni, ainsi qu'elle l'indique elle-même, de l'ensemble des charges qu'elle supporte », Tribunal administratif Marseille  23 janvier 2023, n°2300613. En sens contraire, la production du Bilan pédagogique et financier permet d'appuyer la documentation comptable produite par l'organisme de formation (Tribunal administratif Lyon 5 janvier 2023, n°2209477- Tribunal administratif Amiens, 18 octobre 2022, n°2203140).

Si l'organisme de formation soutient qu'il  devra procéder à des licenciements, il doit justifier du nombre de salariés qu'il emploie et qui seraient concernés par les conséquences de cette mesure (Tribunal administratif Marseille  23 janvier 2023, n°2300613).

L'organisme de formation doit produire au soutien de ses allégations des « pièces, notamment financières et comptables, permettant d'apprécier concrètement sa situation financière passée et présente et les effets de la décision en litige sur celle-ci » (Tribunal administratif Strasbourg 6 avril 2023, n°2301777 – dans le même sens Tribunal administratif Marseille 11 avril 2023, n°2303136) ou encore des éléments « de prospective financière » pour établir que la décision attaquée compromet la poursuite de son activité (Tribunal administratif Poitiers 17 janvier 2023, n°2300135). D'une manière générale, l'organisme de formation doit produire « les éléments qui permettraient d'avoir une vision d'ensemble de son équilibre économique et de sa situation de trésorerie » (Tribunal administratif Nîmes 20 janvier 2023, n°2203992).

L'organisme de formation ne peut donc pas se contenter de produire à l'appui de ses allégations des attestations quand bien même ces dernières émanent du responsable de l'organisme de formation ou de l'expert-comptable (Tribunal administratif Marseille 11 avril 2023, n° 2303136 -Tribunal administratif Marseille 27 février 2023, n° 2301528  - Tribunal administratif  Marseille  23 janvier 2023, n°2300613Tribunal administratif Nîmes 20 janvier 2023, n°2203992Tribunal administratif Rennes 4 mai 2023, n°2302063) [ 3 ]Les juges ont par ailleurs considéré dans l'affaire traitée par le Tribunal administratif de Rennes, qu' « alors que la clôture d'instruction a été différée pour permettre à l'entreprise de produire une attestation de son expert-comptable, celui-ci a seulement certifié, en termes généraux, que la survie de l'entreprise était compromise à court terme, sans apporter le moindre élément chiffré au soutien de ses déclarations » conduisant donc à ce que « les éléments avancés par la société ne sont pas assortis par le moindre élément comptable ou financier probant » - Tribunal administratif Rennes 4 mai 2023, n°2302063.. De la même manière, échoue à faire la démonstration que la décision de déréférencement entrave le développement de son activité, l'organisme de formation qui produit des « attestations de personnes intéressées par la formation [litigieuse], non accompagnées des copies des pièces d'identité de leur auteur, l'ensemble de ces pièces étant insuffisamment probant pour mesurer l'atteinte que la décision porte [à ses] intérêts »  (Tribunal administratif Marseille 27 février 2023, n° 2301528).

Les documents financiers produits par l'organisme de formation ne peuvent se « résumer à un tableau prévisionnel financier sommaire faisant, du reste, état d'une situation de trésorerie largement positive ». Une telle pièce ne suffit pas à établir que la pérennité de l'exploitation de l'organisme de formation serait menacée par la décision contestée (Tribunal administratif Poitiers 30 janvier 2023, n° 2300289). Il en va de même d'un « tableau de synthèse (…), présentant l'évolution du chiffre d'affaires [sur les deux dernières années], la part du CPF dans ce chiffre d'affaires, et les charges fixes de l'entreprise » (Tribunal administratif Rennes 4 mai 2023, n°2302063).

Les juges administratifs ont également été sensibles à l'existence au sein de l'organisme de formation d'autres activités. L'organisme de formation «dont l'objet est non seulement la formation professionnelle continue mais également les activités d'étude et de conseil en formation professionnelle, d'audit et de certification d'organismes de formation ou les activités de consultant auprès d'organismes de formation, n'établit pas [qu'il] ne pourrait pas réorienter ses activités vers d'autres secteurs que celui financé par le compte personnel formation. Dans ces conditions, et compte tenu de l'intérêt public s'attachant au bon fonctionnement de ce dernier dispositif ainsi qu'à la surveillance du marché de la formation professionnelle dans un souci de protection des consommateurs, la condition d'urgence, qui doit s'apprécier objectivement et globalement, ne peut être regardée comme remplie » (Tribunal administratif Poitiers 30 janvier 2023, n° 2300289).

S'il « ressort des pièces du dossier que le chiffre d'affaires actuel de [l'organisme de formation] provient exclusivement de son activité sur la plateforme " Compte personnel de formation" et [qu'il] ne dispose pas d'autres sources de revenus », la condition d'urgence est réputée satisfaite, la décision de déréférencement contestée ayant pour conséquence de l'empêcher de continuer à fonctionner » (Tribunal administratif Melun 24 mai 2023 n°2304071). L'urgence est également constatée s'il  « résulte de l'instruction, en particulier du bilan pédagogique et financier pour l'exercice comptable (…) que [l'organisme de formation] réalise 70 % de son chiffre d'affaires dans le cadre de formations relatives au compte personnel de  formation  grâce à la plateforme dématérialisée (…) et que son déréférencement de cette plateforme entraînera une baisse significative de son chiffre d'affaires, remettant en cause la pérennité de la structure» (Tribunal administratif Lyon 5 janvier 2023, n°2209477). L'ouverture d'une procédure de redressement judiciaire prouve que « bien que la société conserve la possibilité de développer son activité en dehors de cette plateforme, la décision en litige porte une atteinte suffisamment grave et immédiate à ses intérêts pour que la condition d'urgence puisse être regardée comme remplie » (Tribunal administratif Lyon 5 janvier 2023, n°2209477).

Cependant, il existe une limite à la reconnaissance de l'urgence, même si la situation financière de l'organisme est reconnue comme en danger : des considérations liées à la préservation des intérêts publics imposant de ne pas suspendre l'exécution de la décision attaquée (Tribunal administratif Paris, 8 juin 2023, n°2309339). « La circonstance que cette décision aura un effet défavorable sur l'activité de [l'organisme de formation] ne saurait dès lors constituer un élément de nature à caractériser une urgence pour autant que la protection ainsi recherchée de l'ordre public ne porte pas elle-même, dans cette mesure, une atteinte excessive aux intérêts de la personne sanctionnée ». Dans ce cas, « eu égard à l'intérêt public qui s'attache, d'une part, au bon fonctionnement du dispositif de financement de formation continue " Mon compte formation " et, d'autre part, à la préservation des finances publiques, les éléments avancés par l'organisme de formation ne permettent pas de regarder la condition d'urgence (…) comme remplie » (Tribunal administratif Rennes 4 mai 2023, n°2302063Tribunal administratif Cergy Pontoise, 13 avril 2023, n°2303980) [ 4 ] « La décision litigieuse a été prise à la suite du constat de non conformités graves, en lien avec un schéma de fraude impliquant l'usurpation de l'identité de stagiaires de la société. L'objet de la décision en cause est ainsi tout autant de mettre fin et de réprimer des manquements de [l'organisme de formation] aux engagements [qu'il] a souscrits que d'assurer l'intérêt public qui s'attache à la protection des fonds publics dévolus au CPF, et de se prémunir de la disparition de fonds indument perçus. La circonstance que cette décision aura un effet défavorable sur l'activité de [l'organisme de formation] ne saurait dès lors constituer un élément de nature à caractériser une urgence que pour autant la protection ainsi recherchée de l'ordre public ne porte pas elle-même, dans cette mesure, une atteinte excessive aux intérêts de la personne sanctionnée », Tribunal administratif Cergy Pontoise, 13 avril 2023, n°2303980 Les juges sont particulièrement attentifs, dans ces situations, aux constats de non conformités graves invoqués par la Caisse des dépôts notamment « en lien avec un schéma de fraude impliquant l'usurpation de l'identité de stagiaires de la société » (Tribunal administratif Cergy Pontoise, 13 avril 2023, n°2303980) [ 5 ]« Il résulte des indications de la Caisse des dépôts que les connexions des stagiaires de [l'organisme de formation] émane dans une très importante proportion (40 %) des mêmes adresses IP alors qu'il n'est pas possible qu'autant de stagiaires soient liés à une même connexion internet compte tenu de leur dispersion sur une très large proportion du territoire français. Il résulte également des indications de la Caisse des dépôts qu'à compter du 25 octobre 2022, suite à la mise en œuvre du dispositif  "FranceConnect+" destiné à contrecarrer les inscriptions frauduleuses par une technique d'identification renforcée, d'importantes incohérences concernant les connexions des stagiaires de [l'organisme de formation] ont été constatées, dont notamment une proportion significative (24 %) d'adresses IP marocaines, et une très importante proportion (89 %) de connexions réalisées par un service VPN, permettant des connexions anonymes. La Caisse des dépôts indique encore que dans le cadre du dispositif FranceConnect+, La Poste, prestataire de ce système, a attiré son attention sur la création de 33 identités numériques hautement suspectes de création frauduleuse. Enfin, la Caisse des dépôts fait état du signalement d'un titulaire de droit au CPF dont les identifiants ont été utilisés sans son consentement pour l'inscrire à une formation dispensée par [l'organisme de formation]. En l'état de l'instruction, l'ensemble de ces éléments constitue un faisceau d'indices suffisamment probant pour que les allégations de fraude de la Caisse des dépôts puissent être tenues pour établies » - Tribunal administratif Cergy Pontoise, 13 avril 2023, n°2303980.

Appréciation du doute sérieux sur la légalité de la décision de déréférencement

Une fois l'urgence démontrée, l'organisme de formation doit faire la preuve qu'existe un doute sérieux sur la légalité de la décision prononcée par la Caisse des dépôts pour en obtenir la suspension.

Cette preuve découle, dans les décisions analysées, de l'absence de motivation de la décision (rendue obligatoires par les dispositions des articles L121-1 et L211-2 du Code des relations entre le public et l'administration) et du non-respect du principe du contradictoire (rendu obligatoire par les textes précités mais également par les articles R6333-6 du Code du travail et l'article 13 des CGU) [ 6 ]« La décision [de déréférencement], qui présente le caractère d'une sanction administrative, doit être précédée d'une procédure contradictoire, laquelle vise à informer l'intéressé avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et de la sanction encourue » -Tribunal administratif Lyon 31 janvier 2023 n°220522 - dans le même sens, TA Lyon 5 janvier 2023, n°2209477. De tels manquements sont en effet de nature à priver l'organisme de formation d'une garantie (Tribunal administratif Lyon 31 janvier 2023 n°220522). Dans ces conditions, l'organisme de formation est en donc fondé à soutenir que la décision de déréférencement a été prise « en application d'une procédure irrégulière ce qui est de nature à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à sa légalité et, par voie de conséquence, à demander la suspension de l'exécution de la décision contestée, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête » (Tribunal administratif Melun 24 mai 2023 n°2304071).

La Caisse des dépôts ne peut ainsi pas « se borner à indiquer que la sanction de déréférencement en litige est fondée sur la non-conformité des actions de  formation ACRE dispensées par [l'organisme], sans identifier ces non-conformités, et que [l'organisme] n'a pas produit les éléments justifiant du respect des critères d'éligibilité des actions ACRE qui tiennent à la viabilité économique du projet du stagiaire et à sa capacité à l'accompagner dans son projet, à la réalité du suivi pédagogique mis en œuvre et au contenu de la  formation ACRE, laquelle doit garantir l'apprentissage de compétences entrepreneuriales, à l'exception des gestes métiers ». Pour les juges du Tribunal administratif de Lyon « une telle formulation, qui présente un caractère stéréotypé et ne permet pas d'identifier précisément le motif de fait fondant la décision et les manquements retenus à l'encontre de [l'organisme], n'a pas mis [ce dernier] à même de comprendre les considérations de fait fondant la sanction attaquée ». Dès lors, l'organisme est fondé à soutenir que la décision attaquée est insuffisamment motivée en fait (Tribunal administratif Lyon 31 janvier 2023 n°220522).

Pour que la procédure contradictoire soit régulière, la Caisse des dépôts ne peut se contenter de l'envoi d'un courriel indiquant que les formations que l'organisme de formation dispense ne remplissent pas les conditions prévues par le code du travail et l'invitant à formuler des observations et à faire connaître à la Caisse des dépôts les diligences prises pour remédier à la non-conformité constatée sans mentionner « précisément les griefs susceptibles d'être retenus à l'encontre de [l'organisme] et, notamment » et sans préciser « quelles sont les conditions que ses formations ne respectent pas » Par ailleurs, « ce courriel, qui précise qu'une mesure de déréférencement est envisagée, invite à nouveau la société à produire des justificatifs, alors que la procédure contradictoire doit être mise en œuvre par la Caisse des dépôts lorsqu'elle dispose des éléments lui permettant de fonder une sanction et qu'elle a précisément identifié des manquements imputables à l'organisme de formation. Dans ces conditions, l'organisme de formation est fondée à soutenir qu'il n'a pas été mis en mesure d'apporter ses observations sur la sanction attaquée et que celle-ci a été adoptée au terme d'une procédure irrégulière" (Tribunal administratif Lyon 31 janvier 2023 n°220522).

Même si la Caisse des dépôts soutient qu'il y avait un intérêt public à faire cesser rapidement la fraude identifiée – en particulier parce que l'organisme de formation se serait rendu coupable d'usurpation d'identité par une prise de contrôle des comptes de titulaires à leur insu dans le seul objectif de débiter leurs droits au compte personnel de formation (Tribunal administratif Melun 24 mai 2023 n°2304071 - Tribunal administratif Paris, 8 juin 2023, n°2309339), de la création frauduleuse d'identités numériques à partir de documents d'identité réels à l'insu de leurs titulaires (Tribunal administratif Melun 24 mai 2023 n°2304071) ou d'une utilisation frauduleuse du CPF en déclarant réalisée la totalité des formations, dans le seul but de débloquer des fonds indus (Tribunal administratif Paris, 8 juin 2023, n°2309339) – elle doit établir « la nature exacte de cette fraude, et en particulier le nombre de personnes dont l'identité aurait été usurpée par la société requérante aux fins des détournements allégués, ni son importance, eu égard au chiffre d'affaires réduit de [l'organisme de formation], qui conteste au demeurant s'être rendu coupable de telles manœuvres, de sorte qu'elle ne justifie pas de l'urgence qu'il y aurait eu, préalablement à la décision contestée, à ne pas engager la procédure contradictoire prévue à l'article 13 des conditions générales d'utilisation de la plateforme " Mon Compte Formation " » (Tribunal administratif Melun 24 mai 2023 n°2304071- Tribunal administratif Paris, 8 juin 2023, n°2309339).

Annulation de la décision de déréférencement

On notera que le défaut de motivation ainsi que le non-respect du principe du contradictoire sont de nature non seulement à justifier de la suspension de la décision de déréférencement mais également de son annulation (Tribunal administratif Lyon 31 janvier 2023 n°220522).

Le tribunal administratif d'Amiens a dans une décision du 6 avril 2023, examiné sur le fond la décision de déréférencement prononcée par la Caisse des dépôts à l'encontre d'un organisme de formation (Tribunal administratif Amiens 6 avril 2023 n°2203120).

La Caisse des dépôts faisait valoir à l'appui de la décision de déréférencement que l'organisme de formation ne justifiait pas des titres et qualités des formateurs en méconnaissance des dispositions de l'article L6352-1 du Code du travail [ 7 ]Ce texte dispose que l'organisme de formation « doit justifier des titres et qualités des personnels d'enseignement et d'encadrement qui interviennent à quelque titre que ce soit dans les prestations de formation qu'elle réalise, et de la relation entre ces titres et qualités et les prestations réalisées dans le champ de la formation professionnelle ». Les juges du Tribunal administratif d'Amiens considèrent que l'organisme de formation est titulaire de la certification Qualiopi au titre des actions de formation qu'il dispense « ce qui implique [qu'il] satisfait notamment les critères relatifs à la qualification et au développement des connaissances et compétences des personnels chargés de mettre en œuvre les prestations de formation ». De plus, la Caisse des dépôts s'est bornée « à opposer l'absence de production des titres et qualités des formateurs lors de la procédure contradictoire » sans remettre pas en cause le contenu des pièces justificatives produites par l'organisme de formation (curriculums vitae et certifications bureautiques des assistants pédagogiques). Par suite, « la matérialité du grief relatif à l'absence de justification des titre et qualités des formateurs n'est pas établie ». Second grief : l'organisme de formation « n'établissait pas réaliser un accompagnement individualisé des stagiaires suivant la formation à distance en méconnaissance des dispositions de l'article D6313-3-1 du même code » [ 8 ]Selon ce texte la mise en œuvre d'une action de formation en tout ou partie à distance comprend une assistance technique et pédagogique appropriée pour accompagner le bénéficiaire dans le déroulement de son parcours, une information du bénéficiaire sur les activités pédagogiques à effectuer à distance et leur durée moyenne et des évaluations qui jalonnent ou concluent l'action de formation ». Pour les juges, « l'ensemble des documents fournis par [l'organisme de formation], tous concordants (…) corroborent le tableau recensant les interactions entre les formateurs et les stagiaires » [ 9 ]L'organisme de formation « produit un tableau qui recense le nombre d'interactions avec les stagiaires, réalisées par courriels et par téléphone, pour les 261 actions de formation correspondant à l'échantillon contrôlé par la Caisse des dépôts dans le cadre de la procédure contradictoire. Il résulte par ailleurs de l'instruction, et notamment des rapports détaillés du suivi de  formation de plusieurs stagiaires, du parcours intranet relatif au suivi pédagogique et à l'assistance technique des stagiaires ainsi que du parcours de formation à distance, que les formateurs ont accès à l'évolution de chaque stagiaire, qu'ils procèdent, notamment, au recensement des points acquis en indiquant le cas échéant les erreurs commises par les stagiaires et qu'ils tiennent un agenda relatif aux rappels à effectuer auprès des stagiaires. En outre, le portail administration de la plateforme à distance prévoit des paramétrages relatifs aux adresses courriels et des messages de suivi de formation à effectuer auprès des stagiaires. Si certains de ces documents, tel que les captures d'écran relatives au parcours de formation à distance et au portail administration de la plateforme à distance, ne sont pas datés, ils émanent de la plateforme ENI qui est un organisme certificateur qui procède à l'enregistrement de certification au Répertoire Spécifique dans le domaine de la bureautique et de l'informatique. Enfin, il résulte aussi de l'instruction que les stagiaires peuvent, outre l'accès aux leçons, aux évaluations et aux exercices, accéder aux rapports détaillés de leur formation et commentés par les formateurs pour suivre leur évolution » - Tribunal administratif Amiens 6 avril 2023 n°2203120 . Dans ces conditions, il doit être regardé comme justifiant de la réalité de l'accompagnement individualisé de ses stagiaires. Par suite, la matérialité de ce grief n'est pas établie.

Notes   [ + ]

1. Laquelle peut être également assortie du refus de paiement des prestations et de demande de remboursement des sommes que la Caisse des dépôts considère avoir indûment versées – article R6333-6 du Code du travail
2. « S'il ressort des éléments financiers produits par [l'organisme de formation], en particulier du bilan pédagogique et financier pour 2021 transmis à l'autorité administrative en application des articles R6352-22 à R6352-24 du Code du travail que le total des produits de l'entreprise provenant des organismes gestionnaires des fonds de la formation est de 93 785 euros sur un total de 139 193 euros, soit près de 70 % du chiffre d'affaires, la requérante ne justifie ni de son bilan pour l'année écoulée ni, ainsi qu'elle l'indique elle-même, de l'ensemble des charges qu'elle supporte », Tribunal administratif Marseille  23 janvier 2023, n°2300613
3. Les juges ont par ailleurs considéré dans l'affaire traitée par le Tribunal administratif de Rennes, qu' « alors que la clôture d'instruction a été différée pour permettre à l'entreprise de produire une attestation de son expert-comptable, celui-ci a seulement certifié, en termes généraux, que la survie de l'entreprise était compromise à court terme, sans apporter le moindre élément chiffré au soutien de ses déclarations » conduisant donc à ce que « les éléments avancés par la société ne sont pas assortis par le moindre élément comptable ou financier probant » - Tribunal administratif Rennes 4 mai 2023, n°2302063.
4. « La décision litigieuse a été prise à la suite du constat de non conformités graves, en lien avec un schéma de fraude impliquant l'usurpation de l'identité de stagiaires de la société. L'objet de la décision en cause est ainsi tout autant de mettre fin et de réprimer des manquements de [l'organisme de formation] aux engagements [qu'il] a souscrits que d'assurer l'intérêt public qui s'attache à la protection des fonds publics dévolus au CPF, et de se prémunir de la disparition de fonds indument perçus. La circonstance que cette décision aura un effet défavorable sur l'activité de [l'organisme de formation] ne saurait dès lors constituer un élément de nature à caractériser une urgence que pour autant la protection ainsi recherchée de l'ordre public ne porte pas elle-même, dans cette mesure, une atteinte excessive aux intérêts de la personne sanctionnée », Tribunal administratif Cergy Pontoise, 13 avril 2023, n°2303980
5. « Il résulte des indications de la Caisse des dépôts que les connexions des stagiaires de [l'organisme de formation] émane dans une très importante proportion (40 %) des mêmes adresses IP alors qu'il n'est pas possible qu'autant de stagiaires soient liés à une même connexion internet compte tenu de leur dispersion sur une très large proportion du territoire français. Il résulte également des indications de la Caisse des dépôts qu'à compter du 25 octobre 2022, suite à la mise en œuvre du dispositif  "FranceConnect+" destiné à contrecarrer les inscriptions frauduleuses par une technique d'identification renforcée, d'importantes incohérences concernant les connexions des stagiaires de [l'organisme de formation] ont été constatées, dont notamment une proportion significative (24 %) d'adresses IP marocaines, et une très importante proportion (89 %) de connexions réalisées par un service VPN, permettant des connexions anonymes. La Caisse des dépôts indique encore que dans le cadre du dispositif FranceConnect+, La Poste, prestataire de ce système, a attiré son attention sur la création de 33 identités numériques hautement suspectes de création frauduleuse. Enfin, la Caisse des dépôts fait état du signalement d'un titulaire de droit au CPF dont les identifiants ont été utilisés sans son consentement pour l'inscrire à une formation dispensée par [l'organisme de formation]. En l'état de l'instruction, l'ensemble de ces éléments constitue un faisceau d'indices suffisamment probant pour que les allégations de fraude de la Caisse des dépôts puissent être tenues pour établies » - Tribunal administratif Cergy Pontoise, 13 avril 2023, n°2303980
6. « La décision [de déréférencement], qui présente le caractère d'une sanction administrative, doit être précédée d'une procédure contradictoire, laquelle vise à informer l'intéressé avec une précision suffisante et dans un délai raisonnable avant le prononcé de la sanction, des griefs formulés à son encontre et de la sanction encourue » -Tribunal administratif Lyon 31 janvier 2023 n°220522 - dans le même sens, TA Lyon 5 janvier 2023, n°2209477
7. Ce texte dispose que l'organisme de formation « doit justifier des titres et qualités des personnels d'enseignement et d'encadrement qui interviennent à quelque titre que ce soit dans les prestations de formation qu'elle réalise, et de la relation entre ces titres et qualités et les prestations réalisées dans le champ de la formation professionnelle »
8. Selon ce texte la mise en œuvre d'une action de formation en tout ou partie à distance comprend une assistance technique et pédagogique appropriée pour accompagner le bénéficiaire dans le déroulement de son parcours, une information du bénéficiaire sur les activités pédagogiques à effectuer à distance et leur durée moyenne et des évaluations qui jalonnent ou concluent l'action de formation »
9. L'organisme de formation « produit un tableau qui recense le nombre d'interactions avec les stagiaires, réalisées par courriels et par téléphone, pour les 261 actions de formation correspondant à l'échantillon contrôlé par la Caisse des dépôts dans le cadre de la procédure contradictoire. Il résulte par ailleurs de l'instruction, et notamment des rapports détaillés du suivi de  formation de plusieurs stagiaires, du parcours intranet relatif au suivi pédagogique et à l'assistance technique des stagiaires ainsi que du parcours de formation à distance, que les formateurs ont accès à l'évolution de chaque stagiaire, qu'ils procèdent, notamment, au recensement des points acquis en indiquant le cas échéant les erreurs commises par les stagiaires et qu'ils tiennent un agenda relatif aux rappels à effectuer auprès des stagiaires. En outre, le portail administration de la plateforme à distance prévoit des paramétrages relatifs aux adresses courriels et des messages de suivi de formation à effectuer auprès des stagiaires. Si certains de ces documents, tel que les captures d'écran relatives au parcours de formation à distance et au portail administration de la plateforme à distance, ne sont pas datés, ils émanent de la plateforme ENI qui est un organisme certificateur qui procède à l'enregistrement de certification au Répertoire Spécifique dans le domaine de la bureautique et de l'informatique. Enfin, il résulte aussi de l'instruction que les stagiaires peuvent, outre l'accès aux leçons, aux évaluations et aux exercices, accéder aux rapports détaillés de leur formation et commentés par les formateurs pour suivre leur évolution » - Tribunal administratif Amiens 6 avril 2023 n°2203120