Contrat de professionnalisation : principe de gratuité pour le titulaire réaffirmé

Un organisme de formation peut-il conditionner l'inscription d'un salarié en contrat de professionnalisation au versement par ce dernier d'une contribution financière ?

Par - Le 02 mai 2023.

Telle est la question qui était posée aux juges de la Cour de cassation dans deux affaires jugées le 13 avril 2023.

On pourrait penser qu'un tel débat est tranché par le législateur. Les termes des dispositions du Code du travail vont en effet droit au but : « Les organismes publics ou privés de formation ne peuvent conditionner l'inscription d'un salarié en contrat de professionnalisation au versement par ce dernier d'une contribution financière de quelque nature qu'elle soit » (article L6325-2-1 du Code du travail).

Dans la première affaire (n° 21-22.242), l'organisme de formation arguait du fait que les intéressés avaient été inscrits pour une bonne partie de leur cursus en statut étudiant. Aucun d'entre eux n'appartenait au public cible du contrat de professionnalisation (jeune sans diplôme, demandeurs d'emploi, titulaires de minima sociaux). Le contrat de professionnalisation ayant pour finalité de favoriser leur insertion ou leur réinsertion professionnelle,  l'organisme de formation considérait qu'il s'en déduisait qu'il n'était pas « destiné aux jeunes qui, ni salariés, ni demandeurs d'emploi, ni appartenant à une catégorie nécessitant une protection spéciale, étaient déjà engagés dans un parcours d'enseignement destiné à l'acquisition d'un diplôme ». Et quand bien même, la conclusion d'un tel contrat était envisageable, l'organisme de formation mettait en avant le statut préalable d'étudiant des intéressés. Les dispositions légales prévoyant que les organismes de formation ne peuvent conditionner l'inscription d'un salarié en contrat de professionnalisation au versement par ce dernier d'une contribution financière de quelque nature qu'elle soit, ne pouvaient, selon l'organisme de formation, « s'appliquer à l'étudiant inscrit […] depuis plusieurs années qui aurait normalement poursuivi ses études même s'il n'avait pas conclu un contrat de professionnalisation et qui, comme les années précédentes, règle les frais de scolarité qu'il aurait payés s'il avait poursuivi ses études sans conclure un tel contrat ».

Les juges de la Haute cour balayent ces arguments.

Ils rappellent que le contrat de professionnalisation est un contrat  de travail ouvert notamment aux personnes âgées de 16 à 25 ans révolus « afin de compléter leur formation initiale » (article L6325-1 du Code du travail). Ils relèvent par ailleurs qu'aucun texte n'exige la qualité préalable de salarié à la conclusion d'un contrat de professionnalisation. Un tel contrat est donc ouvert aux étudiants dès lors qu'il consiste à compléter une formation initiale effectuée sous statut scolaire ou universitaire, de sorte qu'est sans objet le débat opposant les parties sur le moment auquel l'étudiant acquiert la qualité de salarié. Le principe de gratuité du contrat  de professionnalisation, pour son titulaire, est consacré sans équivoque par le législateur. Il n'existe aucun texte législatif dérogatoire validant l'exception revendiquée par l'organisme de formation.

On notera également que la Cour de cassation, précise qu'une telle interprétation est conforme aux modalités de financement de la formation du titulaire d'un contrat de professionnalisation. La participation financière du bénéficiaire d'un contrat de professionnalisation aboutirait à un « double financement » puisque les frais de formation générale sont à la charge de l'employeur ou d'un opérateur de compétences.

Dans la seconde affaire (n° 21-21.695), l'acquittement  d'une somme par le salarié en contrat de professionnalisation, ne concernait que la quatrième année et était prévue dans le contrat signé par l'étudiant. Les juges du fond avaient considéré, dans une vision toute civiliste, que ce dernier faisait « la loi entre les parties ». Ils sont censurés par les juges de la Cour de cassation. La conclusion d'un contrat de professionnalisation faisait « obstacle au versement de frais complémentaires à l'organisme chargé de la formation ».

La portée de ces décisions est double :

  • L'organisme de formation ne peut pas demander de contributions complémentaires au titulaire d'un contrat de professionnalisation, quand bien même un contrat a été conclu avec lui alors qu'il avait le statut étudiant ;
  • Si des frais ont été perçus par l'organisme de formation, celui-ci doit rembourser les sommes pour les années couvrant la période du contrat de professionnalisation

Cass. Soc. 13 avril 2023,  n° 21-22.242

Cass. Soc. 13 avril 2023, n°  21-21.695

Pour aller plus loin (accès abonné) : Chapitre 32 : Contrat de professionnalisation