« Sans responsables formation, pas de bonne réforme » (Sylvain Humeau, Garf)

Par - Le 12 janvier 2018.

Sylvain Humeau, président du Groupement des animateurs et responsables formation (Garf), revient sur les attentes des responsables formation face à la réforme.

Le Quotidien de la formation : Vous avez présenté les résultats de votre enquête au cabinet de la ministre du Travail, Muriel Pénicaud, le 9 janvier. Qu'en est-il ressorti ?

Sylvian Humeau - L'écoute a été accueillante et claire, ce qui est positif : la communauté des praticiens est rarement interrogée. Il en ressort que nous sommes en phase sur plusieurs options. Comme par exemple, la fusion CPF-Cif ; la convergence des différents contrats d'alternance, sans pour autant qu'une fusion soit envisagée à court terme ; une nouvelle définition de l'action de formation valorisant la liberté pédagogique dans une logique d'évaluation…

Nous sommes moins enthousiasmés par la fin de la période de professionnalisation, qui semble définitivement acquise. La période est un moyen pour les entreprises de financer des actions certifiantes qu'elles ne financeraient pas, sinon sur leur plan de formation.

Nous sommes dubitatifs sur l'idée envisagée de co-construction entreprise-salarié {via } le CPF. Je crains une longue mise en route de ce type de formule, un trou d'air en termes de réalisation des actions de formation et, en définitive, des difficultés pour l'offre de formation valorisant la liberté pédagogique et centrée sur la finalité.

Enfin, notre proposition de crédit d'impôt a été entendue avec intérêt. On doit proposer dans la semaine à venir des options techniques, mais on a bien compris que c'est Bercy qui tranchera.

 QDF - Au bout du compte, les responsables formation sont-ils sereins vis-à-vis de cette réforme à venir ?

 S. H. - Pas vraiment. Le document d'orientation gouvernemental a affiché d'entrée de jeu que 0,3 % de la masse salariale des entreprises sera d'office prélevé et consacré aux demandeurs d'emploi. Cela a eu un effet délétère auprès des directions d'entreprise et des directions financières et a immédiatement alourdi le débat sur les enjeux et les intérêts de la formation. Si ce prélèvement avait été envisagé sous une autre forme d'imposition, cela n'aurait pas eu le même effet. Directeurs d'entreprise et DAF nous répondent, depuis de nombreuses années, que c'est à nous d'optimiser notre budget en intégrant ces nouvelles contributions et sans augmentation de nos moyens : l'équation est de plus en plus difficile !

Ce n'est pas bon, car depuis plusieurs années, beaucoup de DRH ont totalement abandonné la formation aux responsables formation car ils l'estiment trop technique et trop compliquée… Ce qui laisse les responsables seuls face aux directeurs financiers, qui finalement ont dessiné les budgets à la baisse. Les RF sont sous pression, avec moins de moyens et l'injonction de faire autant ou plus avec moins de moyens.

Le danger est clair : avec des responsables formation affaiblis, la boucle de la qualité risque de ne pas se refermer. La qualité par le contrôle a priori - labellisation, Datadock…-- ne peut suffire. La qualité se boucle par un processus amont-aval complexe : analyse précise des besoins, suivi des achats pédagogiques sur le long terme, évaluation post-formation à plusieurs étapes, puis à nouveau analyse… Et cela passe par l'entretien du professionnalisme et des capacités d'action des responsables formation.