Jean-Marie Luttringer, expert en droit de la formation professionnelle.

La certification professionnelle, un enjeu pour les partenaires sociaux

Pour Jean-Marie Luttringer, la proposition du Medef de reconnaître la spécificité des branches professionnelles comme organismes certificateurs est légitime tandis que celle qui vise à rendre éligibles les CQP au contrat d'apprentissage pose question.

Par - Le 19 avril 2024.

Dans une chronique publiée récemment, Jean-Marie Luttringer, expert en droit de la formation professionnelle, revient sur la publication de deux rapports, l'un de France compétences, l'autre du Medef, sur la certification professionnelle, et l'enjeu qu'elle représente pour les partenaires sociaux. Si aucun ne remet en cause « la légitimité des partenaires sociaux à participer plus étroitement à la politique publique de certification professionnelle », le rapport de France compétences propose plusieurs recommandations, dont « améliorer les procédures de partage d'informations sur les besoins en qualification des entreprises, entre les branches professionnelles et les commissions professionnelles consultatives ainsi que des actions de formation pour les représentants des partenaires sociaux au sein des commissions professionnelles consultatives ».

Préconisations en rupture avec le cadre juridique en vigueur

Le rapport du Medef, lui, propose notamment « deux préconisations en rupture avec le cadre juridique en vigueur » : l'une vise à la reconnaissance de la spécificité des branches professionnelles comme organismes certificateurs, l'autre à rendre éligibles les CQP au contrat d'apprentissage alors que seuls le sont aujourd'hui les diplômes et titres professionnels garantis par l'État.

Branches professionnelles, des certificateurs pas comme les autres

Pour Jean-Marie Luttringer, « il est vrai de dire, comme le fait le Medef, que les branches professionnelles ne sont pas des certificateurs comme les autres » : « leur légitimité fondée sur la Constitution et la loi n'est pas à comparer avec celle des opérateurs de formation privée dont les attributs de certification résultent du respect de procédures nécessaires à l'enregistrement au RNCP ». Le Medef demande donc « qu'un régime juridique particulier soit accordé à ces certificateurs ». Pour l'expert, « cette demande est légitime » mais il pose une condition : la notion de branche ne doit pas désigner les seules organisations patronales. « Cette spécificité pourra être reconnue à la branche structurée par le champ d'application professionnel et territorial d'une convention collective ayant fait l'objet d'une procédure d'extension. La certification sera alors un objet du droit des salariés à la négociation collective ». D'un point de vue juridique, Jean-Marie Luttringer considère également « légitime » l'enregistrement de plein droit au RNCP de CQP institués par un accord de branche ayant fait l'objet d'une procédure d'extension.

Débat philosophique sur la définition de l'apprentissage

Quant à la proposition du Medef de rendre éligible les CQP à l'apprentissage, elle ouvre pour l'expert un débat « philosophique » sur la définition même de l'apprentissage, qui est, pour partie, ancré dans le droit de l'éducation qui échappe à la compétence des partenaires sociaux. « Mais il est aussi ancré pour partie dans le droit du travail dont relève le droit de la négociation collective par lequel s'exerce le pouvoir normatif des partenaires sociaux dans le domaine de la formation professionnelle continue, dont relève de fait l'apprentissage depuis la réforme de 2018 », rappelle Jean-Marie Luttringer. Selon lui, au vu de cette ambiguïté, cette proposition « ne va pas de soi et demande un débat plus approfondi ».