Reconversions : prendre en compte les émotions
Forte de son expérience de formatrice Afpa, accompagnatrice de personnes engagées dans un changement de métier, Tilia Poisson souligne l'intérêt d'intégrer la prise en compte des émotions dans les processus formatifs. Elle appelle à créer des espaces d'accompagnement non évaluatifs.
Par Nicolas Deguerry - Le 26 septembre 2025.
Même si la notion d'accompagnement irrigue désormais les dispositifs de reconversion, nombreux sont les professionnels à ignorer l'importance de penser la formation comme un espace de prise en compte globale de la personne. Et pourtant…
Transition identitaire
« La reconversion, ce n'est pas juste apprendre un nouveau métier, c'est une rupture, parfois subie, qui s'apparente à un deuil », explique Tilia Poisson, formatrice à l'Afpa où elle travaille depuis 4 ans. Elle l'a constaté, quitter une identité professionnelle, un rythme et un statut génère des doutes, des peurs et une profonde remise en question. Se retrouver apprenant, c'est se confronter à ses croyances limitantes comme « je suis trop vieux pour apprendre » ou « je ne suis plus capable. » Et elle en est convaincue, la réussite d'une reconversion passe par la reconnaissance de cette dimension identitaire et émotionnelle.
Dépasser la technique
Face à ces enjeux, la formatrice plaide pour la création d' « espaces d'accompagnement non évaluatifs » au sein des parcours de formation. Au-delà du bilan de compétences ou du CEP, les apprenants ont besoin d'espaces où ils ne seront pas jugés mais entendus dans un climat de confiance, indispensable à tout apprentissage. Elle le souligne, cet accompagnement relève du formateur qui doit penser et ritualiser ces temps, notamment en début de parcours et après les évaluations. La formation n'est pas qu'un programme d'acquisition de compétences techniques mais aussi « un temps pour soi, une pause et un espace de reconstruction. »
Former ET accompagner
Cet élargissement du périmètre de la formation implique une évolution majeure du métier de formateur. Accompagner la reconversion, c'est accepter d'aller au-delà de la transmission de contenus. Il faut être formé à l'écoute, à la gestion des émotions et à la conduite de groupes réflexifs. Tilia Poisson avertit, il ne s'agit pas pour autant de basculer dans la thérapie ou le développement personnel. Simplement prendre conscience que face à des contenus métiers désormais largement accessibles et à l'inefficacité de la transmission magistrale, la posture de facilitation et la création d'espaces sécurisants sont les nouveaux garants d'un apprentissage durable et d'une véritable transformation.
FORMATRICE DE FORMATEURS À L'AFPA Éducatrice spécialisée pendant près de quinze ans, Tilia Poisson a elle-même changé de métier. Déjà engagée dans des activités de formation durant sa première partie de carrière, c'est avec une certaine aisance qu'elle est devenue formatrice de formateurs à l'Afpa de Clermont-Ferrand, où elle exerce depuis 2021. Et c'est notamment au contact des personnes en reconversion issues de métiers techniques qu'elle s'est aperçue des bouleversements identitaires en jeu dans les processus de transition. |