Matignon le 12 juillet 2023, réunion avec les organisations syndicales et patronales pour finaliser l’agenda social.

Vers des négociations sur l'emploi des seniors et les reconversions

La Première ministre a réuni les organisations patronales et syndicales mercredi 12 juillet, afin de construire un agenda social « ambitieux » pour les prochains mois. Elisabeth Borne s'est engagée à transposer dans la loi un éventuel accord national interprofessionnel conclu par les partenaires sociaux. Ce dernier inclurait des volets relatifs aux reconversions et à l'emploi des seniors.

Par - Le 13 juillet 2023.

Une nouvelle page s'ouvre pour les partenaires sociaux après la séquence tendue de la réforme des retraites. Lors d'une rencontre organisée à Matignon le 12 juillet, la Première ministre Elisabeth Borne a établi avec les partenaires sociaux un programme de travail « dense » et « ambitieux » pour les mois à venir. Les numéros un des organisations syndicales et patronales – deux en l'occurrence pour le Medef, la passation de pouvoir entre Geoffroy Roux de Bézieux et son successeur Patrick Martin ayant lieu le 17 juillet – sont arrivés munis de leur agenda social paritaire conclu début juillet. Cette rencontre les replace de fait au centre du jeu social.

Une volonté de respecter les accords

C'est sur la base de leur feuille de route que s'est ouverte cette réunion multilatérale de deux heures qui annonce une série de nombreux autres échanges. La matinée s'est en effet révélée « importante » et « utile » pour la suite, au dire des participants. Elle a en effet permis d'établir un agenda social comportant des sujets que les organisations syndicales et patronales vont traiter de manière autonome (gouvernance des groupes de protection sociale, convention du système de retraite complémentaire, par exemple) et des thématiques qui pourront faire l'objet de négociations sur base d'un document d'orientation établi avec l'exécutif. Plusieurs sujets relatifs au travail et aux évolutions de carrières font partie de ce périmètre : « l'emploi des seniors, le compte épargne temps universel, les parcours professionnels, l'usure professionnelle et les reconversions », a détaillé Elisabeth Borne. Signe d'une volonté de repartir sur de nouvelles bases, la Première ministre s'est engagée à « transcrire fidèlement et intégralement dans la loi les accords qui seraient trouvés entre les partenaires sociaux ». Cela « montre la confiance que j'ai dans le dialogue social pour apporter des réponses aux salariés », a-t-elle ajoutée.

Un changement de méthode bienvenu

De quoi rassurer ses interlocuteurs après l'épisode récent de la réforme des retraites et d'autres plus anciens, comme l'accord national interprofessionnel de 2018 sur la formation professionnelle qui avait crispé les partenaires sociaux. Ce « changement de méthode » a été salué par Marylise Léon, nouvelle secrétaire générale de la CFDT : « il y aura bien l'ouverture d'une ou plusieurs négociations à la rentrée sur les enjeux du travail » y compris sur le compte épargne temps universel porté par son organisation. Pour son homologue de la CGT, Sophie Binet, ce 12 juillet marque une « reprise en main » des dossiers : « nous imposerons dorénavant nos ordres du jour, nos méthodes et nos contenus. » Alors que pour Frédéric Souillot de FO, il s'agit d'un retour à la normale, cette journée « redonne la place qui est la sienne à la négociation collective. »

Des divergences sur les contours des négociations

Si tous les participants confirment leur volonté d'avancer sur les questions relatives au travail, reste à préciser les contours précis des discussions et la façon de les aborder. Des enjeux comme celui de l'accompagnement des reconversions pourraient mettre en lumière d'autres sujets comme celui du conseil en évolution professionnel ou de l'entretien professionnel. Sur la méthode, plusieurs organisations (dont la CFTC, la CPME, et l'U2P) militent pour une seule négociation englobant tous les sujets alors que d'autres, comme la CFE-CGC, préfèreraient traiter chaque question séparément, « de  façon à éviter les vases communicants dans les priorités et les arbitrages et afin qu'il n'y ait pas de pression en termes de calendrier », précise François Hommeril, président de l'organisation qui représente les cadres. Ces débats seront tranchés lors des discussions qui s'engageront à la rentrée en amont des négociations.

Vigilance sur les marges de manoeuvre

Autre point de vigilance, le calendrier et la teneur des documents d'orientation qui guideront les partenaires sociaux. « Le dialogue social ne peut se faire ni dans l'improvisation, ni dans un cadre trop contraint », souligne Patrick Martin, qui vient d'être élu à la présidence du Medef. De son côté, François Asselin son homologue de la CPME insiste sur la nécessité de mettre en place les conditions « qui nous permettent de garder l'entière liberté quant à l'objectif des négociations que nous aurons à mener. » Sur ces points, la Première ministre s'est voulue rassurante. « Les lettres de cadrage et les documents d'orientation doivent eux-mêmes faire l'objet d'une concertation avec les organisations syndicales et patronales. » Quant au calendrier pas de précipitation. « Nous prendrons le temps », assure Elisabeth Borne. L'objectif, selon Cyril Chabanier de la CFTC, serait que les négociations « aboutissent au printemps 2024 » pour que les mesures qui en découlent puissent être « transposées dans la loi avant l'automne et applicables au second semestre 2024. »

Salaires, aides aux entreprises et IA

Au-delà des questions qui feront l'objet de négociations, la matinée du 12 juillet a été l'occasion pour les organisations syndicales d'aborder d'autres thématiques comme celles des salaires, du pouvoir d'achat, de la conditionnalité des aides aux entreprises ou de l'impact de l'intelligence artificielle sur les emplois. Du côté des organisations patronales, Jean-Christophe Repon, vice-président de l'U2P est revenu sur la baisse des niveaux de prise en charge des contrats d'apprentissage annoncée pour septembre et sur la nécessité d'aboutir à des « coûts contrats justes » pour ne pas mettre en péril la dynamique engagée depuis la réforme.

Vers une nouvelle instance de pilotage de la formation ?

C'est à cette occasion qu'Elisabeth Borne aurait évoqué un autre axe de réflexion, suggéré par les organisations syndicales et patronales dans leur accord-cadre de fin 2021 : « la nécessité d'impliquer beaucoup plus les partenaires sociaux dans l'élaboration de la stratégie en matière de formation », précise Patrick Martin. Comme le fait remarquer, le nouveau patron du Medef, « il n'y a pas à ce jour d'instance stratégique et politique qui permette de définir de manière macro et dans des perspectives de moyen et long termes, les formations les plus adéquates pour nos entreprise ». Un vide qui pourrait être comblé par un « lieu stratégique neutre de négociation pour la formation (…) en dehors de France compétences », rapporte l'U2P.