La sous-traitance dans la tourmente sur le marché du CPF 

Le 1er avril prochain, de nouvelles obligations s'imposeront aux organismes de formation présents sur le marché du CPF. Dans le sillage de la loi anti-fraude, un décret y encadre la sous-traitance. Pour les donneurs d'ordre, son application tient du casse-tête. Ils vont devoir interroger et professionnaliser leurs pratiques.

Par - Le 04 mars 2024.

Jusqu'ici la sous-traitance, une pratique courante dans le monde de la formation, n'avait jamais fait l'objet d'une définition juridique et d'une réglementation de ses usages.  Une zone grise dans laquelle se sont glissés des organismes de formation peu scrupuleux pour proposer du portage Qualiopi sur la plateforme CPF.  La loi anti-fraude de décembre 2022 sonne la fin de la partie en ouvrant la voie à un encadrement de la sous-traitance sur ce marché sensible. En première ligne, le donneur d'ordre est responsable de la mise en conformité de ses sous-traitants. C'est bien lui qui risque, le cas échéant, un déréférencement. Ses contrats signés à partir du 1er avril devront respecter les éléments définis par le décret d'application et il devra s'assurer que ses sous-traitants remplissent leurs obligations en matière de qualité, de respect des CGU ou d'habilitation à délivrer une certification professionnelle. Cette nouvelle mesure de régulation ravive un sujet longtemps resté en suspens. Pièce maîtresse du modèle économique des organismes de formation, la sous-traitance réalisée parfois en cascade passe sous les radars du système qualité. De nombreux formateurs indépendants travaillent ainsi sous des statuts différents et sur une base contractuelle pas toujours bien formalisée.

Vers une structuration de la sous-traitance ?

« La question de la sous-traitance n'est pas nouvelle. On se souvient des débats suscités autour de l'obligation pour les sous-traitants de se soumettre à la déclaration d'activité inscrite dans la loi de modernisation sociale en 2002. Il s'agissait déjà à l'époque de répondre à des enjeux de transparence et de clarification du droit applicable », rappelle Fouzi Fethi, responsable du pôle droit et politiques de formation au sein de Centre Inffo. Cette fois, la réglementation va plus loin en imposant, dans certains cas, les mêmes obligations aux sous-traitants qu'à leurs donneurs d'ordre inscrits sur la plateforme CPF. Soucieux de ne pas déstabiliser le marché dominé par le recours à des prestataires extérieurs, le législateur marche sur des œufs. Le décret prévoit ainsi de nombreuses dérogations liées au statut des sous-traitants ou à la nature de leurs missions. Pour s'y retrouver, le donneur d'ordre doit, avant toute chose, déterminer ce qui, dans ses activités, relève de la sous-traitance. Or, dans le champ de la formation, la question se révèle plus délicate qu'il n'y paraît.

Qu'est ce qui relève de la sous-traitance en formation ?

L'étiquette, parfois impropre, de la sous-traitance recouvre en effet des réalités différentes : un expert apporte un éclairage, un professionnel partage son expérience, un formateur indépendant anime une session, un autre la conçoit et la réalise, un mentor guide l'apprenant dans son parcours de digital learning. Le décret fournit des indications en précisant ce que doit contenir le contrat de sous-traitance : « les missions exercées au titre de l'intervention confiée, le contenu et la sanction de la formation, les moyens mobilisés ainsi que les conditions de réalisation et de suivi de l'action, sa durée, la période de réalisation ainsi que le montant de la prestation ». Une manière de renvoyer à la définition d'une action de formation réalisée tout ou partie par le sous-traitant. Dans cet esprit, un témoignage, une expertise ou un partage d'expérience n'ont pas vocation à entrer dans le périmètre visé par le texte réglementaire. Le donneur d'ordre devra donc avant tout se poser la question de la nature de la prestation qu'il confie à l'extérieur.

Des zones grises à éclaircir

Mais son travail pour se mettre en conformité avec la nouvelle réglementation ne s'arrête pas là. Une fois établie la liste de ses activités concernées, il devra identifier si le statut de son sous-traitant le rend éligible aux dérogations prévues par le décret. Si l'obtention de la certification Qualiopi devient la norme, les personnes physiques opérant sous le régime micro-social et ne dépassant pas un chiffre d'affaires annuel de 77 700 euros (plafond des auto-entrepreneurs) en sont exemptés. Ces derniers n'auront pas non plus à aller chercher une habilitation à former pour une certification professionnelle tout comme le sous-traitant n'intervenant que sur une partie d'un parcours y menant et ne réalisant pas une formation menant à un bloc de compétences. Malgré les efforts du législateur pour coller à la réalité disparate de la sous-traitance, deux cas de figure posent encore question aux yeux des juristes : le sous-traitant en portage salariale et le formateur en intérim. La mise en œuvre de ces dispositions s'annonce complexe. Des foires aux questions (Faq) du ministère du Travail et de la CDC sont attendues prochainement. Elles devraient notamment permettre d'éclaircir les modalités de calcul du plafond autorisé des activités réalisées par la voie de la sous-traitance fixé à 80% du chiffre d'affaires réalisé sur la plateforme CPF par le donneur d'ordre.

 

Pour aller plus loin, suivre la master class de Centre Inffo, le 14 mars, "Sous-traitance et CPF : en pratique, ce qui change le 1er avril 2024".