« La lutte contre l'illettrisme doit réussir le passage à l'échelle » (Cécile Jaffré, ANLCI)

« Les salariés de l'ANLCI ne sont pas là par hasard. » En première lecture, le commentaire, signé Cécile Jaffré, vient saluer l'engagement de l'équipe de l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme. En filigrane, il traduit aussi le fait que le sujet, bien au-delà de l'année 2013 qui l'a consacré « grande cause nationale », reste une affaire d'engagement. Et à cet égard, entrée en fonction le 25 juin (notre article), la nouvelle directrice de l'Agence ne diffère guère de ses collaborateurs.

Continuité

Pour expliquer l'origine de son engagement dans la lutte contre l'illettrisme, Cécile Jaffré rappelle son parcours d'inspectrice du travail : « j'ai vu beaucoup de situations d'accidents du travail ou de difficultés à faire reconnaître ses droits, et j'ai pu constater qu'il y avait un lien avec la capacité à manier le lire, l'écrire, et aussi le compter », se souvient-elle. Issue d'une famille « où la question de la transmission et de la pédagogie est forte », elle évoque également une rencontre marquante avec Aline Le Guluche, ancienne salariée en situation d'illettrisme et autrice de J'ai appris à lire à 50 ans, lors d'une action de sensibilisation organisée pour les élèves de l'Intefp^{[ 1 ]}Institut national du travail de l'emploi et de la formation professionnelle.. Arrivée à l'ANLCI en 2023 à la suite d'une candidature spontanée, son enthousiasme ne s'est jamais démenti et c'est dans la continuité du travail mené par son prédécesseur Hervé Fernandez (notre article), qu'elle prend ses fonctions.

« Passage à l'échelle »

« Mon premier engagement, c'est de mettre en œuvre ce sur quoi les administrateurs, les contributeurs et les équipes de l'Agence se sont mis d'accord : une trentaine d'actions à mener sur les deux prochaines années. » Les priorités sont claires : repérage des situations d'illettrisme, approfondissement de la connaissance du phénomène et développement de réponses efficaces pour les premiers concernés et les personnes qui les accompagnent. Enjeu pour l'ANLCI : « réussir le passage à l'échelle », notamment en accélérant la systématisation du recours à l'outil de positionnement EVA par l'écosystème, de France Travail aux Missions locales en passant les CFA et les lycées professionnels. Objectif ? « Ne plus pouvoir dire que l'illettrisme est une situation invisible. »

« 2025, année des jeunes »

À très court terme, il s'agit aussi d'animer « 2025, année des jeunes », mobilisation structurée en trois axes qui sera valorisée lors des Journées nationales d'action contre l'illettrisme de septembre : publication d'un dossier sur les compétences de base des moins de 30 ans par l'Observatoire de l'illettrisme et de l'illectronisme, recensement des pratiques inspirantes et des difficultés rencontrées sur les territoires, challenge vidéo de sensibilisation des jeunes par les jeunes.

Ressources & méthode

Cécile Jaffré le rappelle aussi, l'ANLCI dispose depuis septembre 2023 d'un observatoire créé pour documenter la connaissance sur l'illettrisme et l'illectronisme. Animé par Élise Bernert, il permet d'avoir une expertise sur le sujet et de mettre en réseau les différents interlocuteurs. Parmi ses attributions figure la charge d'exploiter les données issues des grandes enquêtes nationales, comme l'enquête Insee-FLV dont les résultats ont été publiés en 2023 et retravaillés depuis par l'Observatoire pour produire des dossiers thématiques affinés.
À ces travaux s'ajoute également un projet de cartographie fine des facteurs de risque d'illettrisme, destiné à « outiller localement les décideurs pour orienter leurs actions. » Déjà expérimenté dans les Hauts-de-France en collaboration avec le Carif-Oref et l'Insee, l'outil sera déployé au niveau national à l'horizon 2026, dans le cadre d'une convention avec l'Insee et la Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance (DEPP) du ministère de l'Éducation nationale.

Centres Ressources Illettrisme

Parmi les chantiers qui restent à renforcer, Cécile Jaffré souligne l'importance des Centres Ressources Illettrisme (CRI), acteurs fondamentaux pour la sensibilisation et la professionnalisation des acteurs locaux. De forme, portage et périmètre variables, ces instances « incarnent l'appui local » mais ne maillent qu'imparfaitement le territoire. « Ce sont des structures légères, relativement peu coûteuses mais essentielles », alerte la directrice générale : « l'absence de CRI sur un territoire transfère leur travail aux chargés de mission régionaux de l'ANLCI, limitant leur capacité à développer d'autres projets. »

Avec des moyens renforcés depuis le rapport Janin-Hinnekint (notre article), l'ANLCI dispose aujourd'hui d'une nouvelle directrice et d'une équipe au complet – 35 collaborateurs dont 18 chargés de mission régionaux – pour mener à bien sa feuille de route. Prochain événement d'envergure du 8 au 15 septembre prochain lors des Journées nationales 2025 d'action contre l'illettrisme : illettrisme-journees.fr/