Le comité scientifique d’évaluation du plan d’investissement dans les compétences (Pic) présente, le 10 avril 2025, son rapport final.
Le Plan d'investissement dans les compétences a manqué ses cibles (rapport d'évaluation)
Fortement doté, le Plan d'investissement dans les compétences (PIC) a produit des résultats, mais pas forcément ceux espérés, relève le comité scientifique chargé de son évaluation, dans son rapport publié le 10 avril.
Par Emmanuel Franck - Le 14 avril 2025.
Quelques semaines après la Cour des comptes, le comité scientifique d'évaluation du Plan d'investissement dans les compétences (PIC) a présenté, le 10 avril, son rapport final. Il aboutit lui aussi à des constats décevants. Doté d'un budget de près de 15 milliards d'euros sur cinq ans (2018-2023), le PIC avait pour objectifs principaux d'augmenter l'accès à la formation des demandeurs d'emploi les plus éloignés, d'adapter les formations aux besoins de l'économie et de transformer le système de formation.
Ciblage timide des plus vulnérables
En cinq ans, le PIC a fait progresser de 24% les entrées en formation des demandeurs d'emploi. Il a donc permis de faire « plus ». Et de faire mieux ? L'intention initiale était d'amener les plus vulnérables (les moins diplômés, bénéficiaires du RSA ou de la politique de la ville) vers la qualification, or le ciblage a été « timide », relève Marc Gurgand, président du comité scientifique, professeur à l'École d'économie de Paris (PSE) et à l'École normale supérieure (ENS). De fait, notent les auteurs du rapport, « les peu diplômés accèdent plus à la formation préparatoire [stage de remise à niveau, remobilisation, prépa compétences...] et moins à la formation certifiante », tandis que les plus diplômés accèdent plus fréquemment à une formation certifiante. Autrement dit, le Pic n'a pas changé la hiérarchie dans l'accès aux formations certifiantes. C'est d'autant plus dommage qu'une formation qualifiante augmente (de 8 points en moyenne ; de 11 points pour un peu diplômé) les chances d'accès à un emploi.
De surcroît, « les formations préparatoires n'ont que peu d'effets sur l'accès à la qualification », constatent les auteurs. Seules 14% des stagiaires en formation préparatoire accèdent à une formation qualifiante, quel que soit leur diplôme. Un « constat décevant », selon Marc Gurgand, qu'il impute à des freins individuels, mais aussi à une segmentation entre l'offre préparatoire et qualifiante et à aux pratiques d'orientation de France compétences. En outre, relève le rapport, les « Pactes [régionaux] ne font aucunement mention de cibles quantitatives en termes d'entrées en formation des publics fragiles, contrairement à la nouvelle génération des Pactes 2024-2027 ».
Hausse du résultat net des OF privés lucratifs
Il ressort du rapport que le PIC n'a pas non plus répondu aux besoins de l'économie. En 2023, seules 15% des entrées en formation menaient vers des métiers en tension, un peu moins qu'en 2019. Marc Gurgand souligne que la formation n'est pas une solution aux problèmes d'attractivité de certains métiers, qui relèvent des conditions de travail.
Enfin, le PIC n'a pas non plus transformé le système de formation. Certes le PIC a permis de revaloriser la rémunération des stagiaires, « ce qui a pu favoriser les entrées en formation », relèvent les auteurs. Mais cet afflux d'argent a aussi permis une « hausse des coûts moyens unitaires des formation » en réponse à l'inflation, à l'allongement des formations, à des exigences accrues de qualité mais aussi « peut-être » en raison de l'augmentation des profits des organismes de formation (OF). Les auteurs constatent en tous cas « une progression du résultat net importante », surtout pour les OF du secteur privé lucratif. Au final, « le marché de la formation pour les demandeurs d'emploi reste concentré ; il n'y a pas de nouveaux acteurs », constate Marc Gurgand.