Paul Santelmann : “Redéfinir les critères de valorisation du travail" (appel à contributions “Crise sanitaire et société de compétences")

Dans le cadre de l'appel à contributions “Crise sanitaire et société de compétences" lancé par le master Management de la formation de l'Université Paris-Dauphine PSL et par Centre Inffo, Paul Santelmann, consultant expert en ingénierie des compétences, met l'accent sur les emplois de services, à la fois essentiels et dévalorisés. Une “montée en reconnaissance" doit se conjuguer avec une montée en compétences.

Par - Le 27 avril 2020.

Nombre d'emplois, présentés habituellement comme peu ou non qualifiés, se voient aujourd'hui considérés comme essentiels à la vie sociale face à la pandémie du covid-19. Ces emplois, souvent très féminisés, dépassent les 4 millions et recouvrent une partie des vendeurs, les caissiers et employés de libre-service, les livreurs, les agents d'entretien et de nettoyage, les aides à domicile, les assistantes maternelles, les employés de maison et les aides-soignants…

Ces emplois de services se sont développés selon des statuts dominés par les bas salaires, le temps partiel imposé, la précarité et une faible professionnalisation. Ces emplois ont été occupés par les populations qui subissent le plus de discriminations (femmes, immigrés et jeunes peu qualifiés) et qui bénéficient très peu de la formation professionnelle. Cela malgré la nécessité d'un besoin croissant de profils de compétences plus élevés et plus polyvalents.

Car l'attente croissante des bénéficiaires à l'égard des personnels exerçant ces emplois suppose de leur part un niveau de responsabilité et d'engagement de plus en plus important comme on peut le constater en ce moment puisqu'ils assurent des fonctions indispensables à la vie de la société. Cela, dans des conditions difficiles qui mettent en lumière des compétences trop souvent occultées et dévaluées.

Le faible niveau de qualification des emplois tient au caractère élémentaire, prescrit et répétitif de l'activité professionnelle et à la stabilité d'un environnement du travail qui ne recèle pas d'événements fréquents non prévisibles. Or la plupart des emplois de services ne sont pas caractérisée par de tels critères : les services à la personne, les agents de nettoyage, les livreurs ou les vendeurs sont confrontés à des contextes changeants et doivent mobiliser de plus en plus des compétences relationnelles, d'organisation ou d'initiative.

En fait ces activités demeurent dévalorisées à cause des représentations dominantes héritées des années 60 et liées aux différentes corporations à statut protégé, aux catégories des fonctions publiques et aux classifications des conventions collectives dont les normes défavorables aux moins qualifiés sont liées à un dialogue social stérile.

Des voix se font désormais entendre pour remettre à plat les critères de valorisation du travail et de prise en compte des compétences “sociales" et “environnementales" contributives à la cohésion de la société. Dans cet enjeu il ne s'agit pas seulement de compensation salariale mais d'amélioration des conditions de travail, d'organisations du travail qualifiantes, de structuration de secteurs d'activité et de montée en compétences et en niveau de qualification des salariés, de développement de filières d'évolution professionnelle, etc. Il s'agit aussi de combiner dans le salaire la valeur ajoutée économique et la valeur ajoutée sociale afin de mieux rémunérer nombre d'emplois du bas de l'échelle au regard de leur rôle à l'occasion de la pandémie du covid-19.

La crise sanitaire génère des situations nouvelles pour les individus, les entreprises, sommés d'inventer de nouveaux modes d'action.

Le master Management de la formation de l'Université Paris-Dauphine PSL et Centre Inffo ont lancé un appel à contributions en direction des professionnels de la formation pour connaître leurs analyses, projections, projets, attentes, engagements pour le “monde d'après".

Les contributions seront publiées dans Le Quotidien de la formation et disponibles sur le site et les réseaux sociaux de Centre Inffo.