La ministre de la Formation et de l’Enseignement professionnels Carole Grandjean lors d’une séance de questions orales le 10 janvier 2023 à l’Assemblée nationale.


UHFP 2023

Carole Grandjean veut rendre le CPF « plus juste et plus efficace »

 Singularité de son portefeuille ministériel ; concertations à venir avec les organisations patronales et syndicales pour améliorer la loi « avenir professionnel » ; détermination du niveau de reste à charge pour les titulaires d'un compte personnel de formation : Carole Grandjean, ministre de l'Enseignement et de la Formation professionnels, répond aux questions du Quotidien de la formation, à l'occasion de l'Université d'hiver de la formation professionnelle, dont elle inaugure les travaux ce mercredi 25 janvier. Troisième et dernier volet de notre entretien exclusif.  

Le Quotidien de la formation. En quoi l'exercice de votre ministère, à cheval sur les formations initiale (Education nationale) et continue (Travail), marque-t-il un tournant ?

Carole Grandjean. Pour la première fois, le Gouvernement opère un trait d'union entre l'Éducation et le Travail par l'intermédiaire d'un ministère dédié. Du lycée professionnel au centre de formation d'apprentis, jusqu'à la formation continue des demandeurs d'emploi et des actifs, il y a un continuum des compétences et des passerelles qui méritent d'être repensées de manière commune, en tenant compte de l'évolution des métiers. C'est un changement culturel significatif, en particulier pour le monde enseignant qui doit aussi appréhender l'offre de formations aussi en termes d'insertion professionnelle.

De même, la certification des compétences intéresse à la fois l'Education nationale à travers ses diplômes et le ministère du Travail par l'intermédiaire de ses titres. Dans les certifications, nous souhaitons intégrer les dimensions environnementale, numérique et de handicap autant que possible. Les individus doivent se former pour s'adapter, tout au long de la vie. L'objectif étant de favoriser l'acquisition d'un socle de connaissances permettant aux individus de s'ajuster aux évolutions des métiers.

QDF. Comment envisagez-vous les concertations à venir avec les organisations patronales et syndicales, qui vous ont remis 17 propositions visant à perfectionner la loi « avenir professionnel ». ?

CG. La réforme du 5 septembre 2018 a produit d'excellents résultats. Citons tout d'abord la réussite en matière d'apprentissage, avec plus de 800 000 contrats signés en 2022. Du jamais vu dans un pays qui espérait cette dynamique depuis des années. Et nous continuons à viser un million d'apprentis par an pour 2027.

Le compte personnel de formation lui aussi a décollé grâce à l'application « Mon compte formation ». 50% des bénéficiaires sont des femmes, 70% appartiennent aux catégories socio-professionnelles ouvriers et employés. Une situation inédite quand on sait qu'avant la mise en œuvre de la loi pour « la liberté de choisir son avenir professionnel », la formation professionnelle concernait les plus formés, en particulier les cadres, et profitait beaucoup moins aux actifs moins qualifiés.

Le plan d'investissement dans les compétences constitue également une réussite pour la formation des personnes en recherche d'emploi peu ou pas qualifiées, une réussite rendue possible autant grâce à l'État qu'aux Régions.

 

Améliorer les dispositifs de la loi de 2018 sans remettre en cause sa philosophie

 

Les partenaires sociaux ont conduit des discussions sur la base de l'ACNI (accord cadre national interprofessionnel) d'octobre 2021, afin de proposer d'améliorer le système de formation, à partir du socle constitué par la loi du 5 septembre 2018. Il s'agit d'améliorer des dispositifs et d'apporter les ajustements nécessaires, sans remettre en cause la philosophie de la loi. Globalement, je perçois une volonté partagée de s'entendre et de partager, côté partenaires sociaux et pouvoirs publics. Mais, et ils sont bien en phase avec cela pour une majorité d'entre eux, nous ne referons pas une réforme systémique après la réforme systémique de 2018, nous améliorerons ensemble ce qui doit l'être pour répondre à certains enjeux comme le chantier des transitions professionnelles, essentiel pour répondre à nos besoins de compétence à court et moyen termes.

Après l'UHFP (Université d'hiver de la formation professionnelle), commenceront les concertations sur la formation professionnelle. Entre autres grands chantiers qui feront l'objet de discussions : la régulation du compte personnel de formation ; les transitions professionnelles ; l'apprentissage et la qualité des formations en apprentissage ; la lutte contre l'illettrisme et le droit à l'instruction tout au long de la vie ...

QDF. Un amendement au projet de loi de finances 2023 instaure un reste à charge pour les utilisateurs du CPF, selon des modalités à définir par décret. Cette disposition suscite de fortes oppositions. Quand ce texte d'application va-t-il être publié ? Son contenu fera-t-il l'objet de discussions avec les organisations patronales et syndicales ?

CG. Le sujet de la participation financière de l'individu à sa formation ne doit pas être pris de manière isolée des autres actions que nous avons menées sur le compte personnel de formation.

Nous voulons rendre le système plus juste et plus efficace : combattre les fraudes, réguler les dérives et toujours associer davantage la formation à un projet professionnel d'avenir est notre ambition.

Je le rappelle, le gouvernement a porté ces derniers mois de nombreuses mesures pour améliorer la qualité de l'offre de formation. Cela a conduit à éliminer deux tiers des certifications dont l'intérêt n'était pas avéré pour l'évolution professionnelle des actifs et à évincer de la plateforme les organismes de formation qui ne satisfaisaient les exigences attendues.

Par ailleurs, nous avons adopté une loi promulguée en décembre dernier pour lutter contre les fraudes et le démarchage abusif et nous avons sécurisé la mobilisation des droits des actifs grâce à France Connect+ qui permet de mieux vérifier l'identité de la personne qui mobilise MonCompteFormation.

Il s'agit, à présent de faire en sorte que chaque bénéficiaire s'engage, de manière active, dans sa formation avec une participation financière. Mais nous voulons que ce soit juste : c'est pour cela que les demandeurs d'emploi en seront dispensés, tout comme les salariés qui auront co-construit le projet avec leur employeur via un abondement. Par ailleurs, nous avons prévu la possibilité que ce montant soit pris en charge par un tiers (plusieurs Régions abondent par exemple déjà à nos côtés le CPF).

 

Concertations sur le CPF sur des bases d'efficacité et d'équilibre

 

C'est sur ces bases : efficacité et équilibre, que vont s'ouvrir les concertations avec les partenaires sociaux, les parlementaires et les acteurs de la formation, pour déterminer le niveau de cette participation et son plafonnement.

Je serai attentive à ce que cette responsabilité de l'individu ne soit pas un frein à l'accès à la formation.

 

Retrouvez l'entretien intégral avec Carole Grandjean dans Inffo formation.

 

Université d'hiver de la formation professionnelle

La ministre de l'Enseignement et de la Formation professionnels ouvrira la 18ème Université d'hiver de la formation professionnelle, mercredi 25 janvier à Cannes.