« Apprentissage et alternance, quelle régulation pour quelle ambition ». Université d’hiver de la formation professionnelle, le 26 janvier 2023.


UHFP 2023

La qualité, nouvelle boussole de l'apprentissage ? (UHFP 2023)

Soutenir le développement de l'apprentissage tout en garantissant la qualité des formations et la sécurisation des parcours des jeunes. C'est le cap fixé par la ministre déléguée de l'Enseignement et de la Formation professionnels. Le sujet fait consensus. Reste à trouver les leviers de régulation adaptés. Des pistes ont été avancées lors d'une table ronde organisée à l'occasion de la 18ème Université d'hiver de la formation professionnelle, jeudi 26 janvier à Cannes.

Par - Le 30 janvier 2023.

L'objectif du million d'entrées en apprentissage chaque année d'ici à la fin du quinquennat est à portée de main. Reste à sécuriser cette dynamique en l'inscrivant dans une dimension plus qualitative. C'est le message adressé par Carole Grandjean aux acteurs de l'apprentissage lors de son déplacement à l'Université d'hiver de la formation professionnelle. « La montée en puissance du nombre d'apprentis exige de notre part à tous un effort en faveur du maintien de la qualité de l'apprentissage », a indiqué la ministre déléguée à l'Enseignement et à la formation professionnels.

Pas de signaux d'alerte à ce stade

Avec l'ouverture à la concurrence et les aides à l'embauche, le marché de l'apprentissage s'est développé tous azimuts, créant par ricochet des risques de dérives du côté des employeurs comme des centres de formation d'apprentis. A ce stade, pas de raison de tirer la sonnette d'alarme, selon le cabinet de la ministre déléguée. Les cas d'interruption de contrats à la fin de la première année pour recruter un nouvel apprenti et bénéficier à nouveau de l'aide à l'embauche ne sont pas monnaie courante du côté des employeurs. « On ne constate pas d'effet d'aubaine à même de remettre en question la pertinence du choix du gouvernement de soutenir cette voie de formation », indique Axel Cournède, conseiller formation professionnelle et apprentissage de Carole Grandjean.

Des bénéfices réinvestis dans l'apprentissage

Pas de signaux d'alerte non plus du côté des CFA quant à l'usage des ressources destinées à financer les formations. « Les données de la comptabilité analytique montrent que les bénéfices qui peuvent être dégagés par les CFA sont très majoritairement réinvestis dans la pédagogie de l'apprentissage, soit par des investissements directs soit par la constitution de fonds de trésorerie dont on peut imaginer qu'ils seront réinvestis à un moment », explique Axel Cournède. « La fuite de l'argent des niveaux de prise en charge n'est pas avérée aujourd'hui dans le système de l'apprentissage », affirme le conseiller de Carole Grandjean.

Réguler par la qualité

Pour autant, face aux enjeux d'augmentation du nombre de contrats et de préservation des atouts de l'apprentissage en termes d'insertion professionnelle, la question de la qualité des formations et de la sécurisation des parcours des jeunes s'impose dans un système qui mobilise d'importants moyens financiers de la part de l'État. « La régulation par la qualité sera l'objectif de ce quinquennat », confirme Axel Cournède. Ce chantier prioritaire suppose de trouver les bons indicateurs pour évaluer les performances des CFA. Des outils existent comme Inserjeunes, le dispositif qui recense pour les formations du CAP au BTS des données telles que les taux d'insertion, de rupture de contrats et d'abandon de formation. Celles-ci mériteraient cependant d'être affinées et enrichies, selon Maxime Dumont, de la CFTC et Laurent Munerot, de l'U2P, pour avoir par exemple, des données précises sur l'origine des ruptures de contrats.

Evaluer la qualité, un chantier délicat

Intégrer la dimension qualitative dans son travail d'observation et de régulation, c'est ce que commence à faire France compétences, parallèlement à la révision des niveaux de prise en charge des contrats (lire l'encadré). Ces réflexions consistent, selon son directeur général, Stéphane Lardy, à traiter et croiser les données des comptabilités analytiques avec les indicateurs d'Inserjeunes, tels que la valeur ajoutée du CFA, c'est-à-dire sa capacité à accompagner le jeune jusqu'à l'examen. Ces travaux exploratoires montrent que le choix des indicateurs s'avère délicat et que les données doivent être maniées avec prudence, reconnaît Stéphane Lardy. « Se baser uniquement sur un taux d'insertion ou de réussite aux examens risquerait d'aboutir à un système sélectif », prévient-il.

Tenir compte de la qualité de la pédagogie

Au-delà des performances statistiques, David Derré, directeur emploi formation de l'UIMM considère qu'il faut s'attacher aussi à « la pédagogie de l'alternance, un élément différenciant qui n'est pas suffisamment pris en compte pour évaluer les formations. » Un message entendu. Un des enjeux de l'évolution de la régulation sera de « fixer les bons indicateurs pour estimer l'effort d'investissement que font les CFA dans la qualité de la pédagogie qu'ils délivrent », précise Axel Cournède, et de voir notamment s'ils respectent « les canons de la pédagogie alternée. »

Construire un nouveau cadre de régulation et de contrôle

Dans ces travaux sur le futur cadre de régulation menés en concertation avec les acteurs de l'apprentissage, le cabinet de Carole Grandjean, se penche aussi sur la question des contrôles. Ils doivent, selon Axel Cournède, « être mieux ciblés », davantage coordonnées entre les différents acteurs et renforcés sur le plan pédagogique. L'enjeu de cette nouvelle étape qui s'ouvre est double pour le cabinet de Carole Grandjean : « maintenir et favoriser des apprentissages de qualité et contrôler mieux pour faire une politique publique de l'apprentissage durable. »

 

La révision des niveaux de prise en charge reportée à juillet

Lors de son discours d'ouverture, Carole Grandjean a annoncé que la deuxième étape de la révision des niveaux de prise en charge des contrats d'apprentissage prévue initialement en avril serait reportée au mois de juillet. Cette modification de calendrier va permettre à France compétences d'aller plus loin dans l'analyse des comptabilités analytiques de CFA afin de « mesurer les écarts entre les prix de revient et les niveaux de prise en charge et évaluer ainsi les marges faites par les CFA », explique Stéphane Lardy, son directeur général. A terme, ce travail de régulation financière vise à tendre vers « le juste prix » pour chacune des certifications. Un prix qui devrait permettre aux CFA de dégager des marges, l'objectif étant de « maintenir un appareil de formation performant et de qualité », précise Axel Cournède.